Que se passe-t-il dans les abattoirs allemands ? // Le Maroc profite de la crise sanitaire pour vendre son savoir-faire | PROGRAMME | DW | 27.05.2020
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PROGRAMME

Que se passe-t-il dans les abattoirs allemands ? // Le Maroc profite de la crise sanitaire pour vendre son savoir-faire

Le gouvernement allemand vient de présenter des mesures pour améliorer les conditions de travail dans les abattoirs allemands. Des abattoirs récemment débarqués sur le devant de la scène pour leurs conditons de travail parfois misérables. // Dans la seconde partie de ce magazine direction le Maroc, où les autorités veulent profiter de la profusion des masques pour doper l'économie marocaine.

"La dignité et la santé des travailleurs, quelle que soit leur origine, compte dans ce pays". Les mots sont de Hubertus Heil, ministre fédéral du travail en Allemagne. Une phrase prononcée il y a quelques jours alors que le ministre s’exprimait quant à la situation et aux changements à venir dans les abattoirs. Des abattoirs soudains débarqués sur le devant de la scène médiatique.

Ce sont dans ces usines, où les animaux sont abattus et transformés en viande pour le commerce, que des centaines d’employés ont été infectés par le coronavirus récemment. C’est ainsi que les conditions de travail dans ces entreprises sont ressorties sur le devant de la scène. Un véritable choc pour beaucoup : les télés, les radios ou les journaux se sont mis à interroger et à montrer au grand public des travailleurs roumains, bulgares ou encore polonais, obligés de se payer eux-mêmes leurs habits de travail, employés à la chaîne, parfois au-delà du temps de travail réglementaire dans des abattoirs et logés parfois dans des taudis à 200 euros le mois

Sous-traitance, cadences difficiles : le "modèle" Tönnies

Ceux qui suivent cela depuis des années n’ont pas été surpris. Mais beaucoup ignoraient le souci, ou alors l’avaient oublié, pris dans leur quotidien. Un choc donc et l’impression soudaine pour beaucoup qu’il faut changer les règles. Car ce sont ces règles, si on peut appeler ça ainsi, les conditions de travail, qui sont pointées du doigt. Des conditions de travail imposées au fil des ans par quatre entreprises qui se partagent à elles seules 64% du marché de la viande en Allemagne. 

C’est la plus grosse Tönnies, un tiers du marché a elle seule, qui a expérimenté et imposé ce  modèle pour les quelques 200.000 travailleurs des abattoirs. Un modèle basé des salaires très bas, et de la sous-traitance, pour pouvoir payer encore moins cher les salariés et ne pas avoir de problème en interne dans l’entreprise. 50 à 80% des travailleurs sont employés par des sous-traitants, et non par les abattoirs directement. 

Les quatre plus grandes entreprises Tönnies, Westfleisch, Vion et Danish Crown détiennent 64% des parts de marché

Les quatre plus grandes entreprises Tönnies, Westfleisch, Vion et Danish Crown détiennent 64% des parts de marché

Roumains, Bulgares ou Polonais

Ils font un travail dur physiquement, qui nécessite de la force, les cadences de travail sont difficiles, les travailleurs sont payés à la tâche ou à l’heure. Et malgré le salaire minimum qui existe depuis 2015, les salaires sont bas. Les experts estiment que dans le coût de production des abattoirs, ils représentent 10% des dépenses seulement.

Ce sont bien souvent des travailleurs venus de Roumanie, de Bulgarie ou de Pologne qui acceptent ces conditions de travail. Leurs Etats faisant partie de l’Union européenne, les travailleurs peuvent donc venir facilement d’un point de vue règlementaire, mais leurs pays étant plus pauvres que l’Allemagne, on hésite pas à leur imposer des salaires et des conditions de travail misérables. 

"Un système d'exploitation(..) sans vergogne"

C’est tout cela qui, face aux contaminations au coronavirus en série dans les abattoirs, est ressorti sur la place publique en ce mois de mai 2020 provoquant des réactions dans l’opinion, assez bien résumées par cette prise de parole du député des Verts Friedrich Ostendorff. "C'est un travail à la chaîne mal payé", a-t-il dit devant le Bundestag. "Presque entre les animaux morts, souvent pendant plus de dix heures, souvent six jours par semaine. Il faut mettre fin immédiatement au système d'exploitation de la viande bon marché, qui exploite sans vergogne les concitoyens européens. 

Une prise de parole qui remonte à mi-mai. Le débat prenait tant d’ampleur qu’une heure de débat lui a été consacrée au Bundestag allemand. Le ministre du travail a promis de réagir. Angela Merkel a parlé d’actualités "effrayantes" à propos des abattoirs. La représentante de l’Organisation internationale du travail de "conditions choquantes et honteuses". 

Résultat, la semaine dernière : Hubertus Heil, le ministre du travail fédéral (SPD) se présente devant la presse, avec des mesures. "La racine, une racine du mal dans l'industrie de la viande et à l'origine de conditions parfois scandaleuses pour les travailleurs se trouve dans la système de sous traitance en cascade", estime alors le ministre. 

Interdiction de la sous-traitance dans les abattoirs

Il fera ensuite plusieurs annonces :
-Le renforcement de la surveillance des abattoirs, par les autorités. Des quotas de contrôles seront instaurés. 
-L'interdiction, à partir, de janvier 2021, de contrats de sous-traitance pour "l’abattage et la transformation".
-Une obligation d’information des autorités lors de l’embauche d’un travailleur étranger.
-La mise en place de contrôles informatiques du travail pour éviter que les salariés ne soient escroqués.
-La mise en place d'aides, des conseils, dans les langues maternelles des travailleurs, pour qu’ils fassent valoir leurs droits. 

Des avancées saluées immédiatement par ceux qui connaissent bien le système, comme l’auteur du livre "La mafia de la viande", Adrian Peter, qui s’exprimait récemment chez nos confrères de la télévision publique ARD. "Les contrats de sous-traitance ont été la porte d'entrée de l'exploitation et de la criminalité dans l'industrie de la viande pendant des décennies et il est donc absolument juste et nécessaire de les abolir maintenant", estimait-t-il.

Pas question de reculer

Le ministre du travail allemand promet de ne pas reculer face aux lobbys

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Alors le débat à ce mois-ci pris de l’ampleur. Mais dans le milieu politique certains avaient déjà tenté de faire des choses par le passé, pour améliorer les conditions de travail. Cela n’a pas fonctionné. Aujourd’hui, le ministre a prévenu, pas question de reculer : "Dans le passé, comme je l'ai déjà dit, nous avons eu de telles discussions à plusieurs reprises. Et nous avons vu ensuite des groupes d'intérêts faire valoir leurs positions de manière forte. Egalement dans les procédures législatives. C'est leur droit. C'est ainsi dans une démocratie : tout groupe d'intérêt peut faire valoir ses intérêts. Mais le gouvernement fédéral est déterminé à se laisser guider non pas par les intérêts du lobbying, mais par les intérêts du bien-être public. Et c'est pourquoi nous sommes déterminés à mettre en œuvre de manière cohérente ce que nous avons mis en route aujourd'hui". 

Pas de quoi arrêter la résistance de l’industrie de la viande pour autant qui a déjà critiqué les annonces. Nul doute qu’en coulisses les pressions contre les lois qui s’annoncent seront bien-là. Coté consommateurs ou politiques certains craignent une hausse des prix de la viande. D’autres la réclament, voulant même maintenant élargir le débat au bien-être animal et à toute la production de la viande. 

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Diplomatie des masques au Maroc

Le Maroc produit plus de 7 millions de masques par jour

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Dans la deuxième partie de ce magazine, Vu d'Allemagne prend le chemin du Maroc. Là-bas, il est obligatoire de porter un masque depuis le 7 avril dernier face à la pandémie de coronavirus. Et, contrairement à d'autres pays, pas de problème d’approvisionnement : le pays est auto-suffisant et il exporte. Les autorités veulent même profiter de la crise sanitaire pour vendre le savoir-faire du pays. Reportage d'Amira Souilem à découvrir en seconde partie. 

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Un magazine proposé par Anne Le Touzé et Hugo Flotat-Talon.