Le revenu universel à l'étude en Allemagne // Le "meurtre du Tiergarten", affaire sensible | PROGRAMME | DW | 11.11.2020
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PROGRAMME

Le revenu universel à l'étude en Allemagne // Le "meurtre du Tiergarten", affaire sensible

1200 euros, chaque mois pendant trois ans, sans condition! Bientôt une réalité pour une centaine de participants à la première grande étude sur le revenu universel en Allemagne. // Le procès du meurtrier présumé du "Tiergarten" se tient en ce moment à Berlin, une affaires aux répercussions diplomatiques entre l'Allemagne et la Russie.

L'intérêt a été immédiat: dès la première semaine, plus d'un million et demi de volontaires se sont inscrits pour participer à la première étude d'envergure en Allemagne sur le revenu universel, que l'on appelle aussi revenu de base. Le compteur s'est arrêté mardi 10 novembre à minuit avec largement plus de deux millions de candidats.

À la fin, il n'en restera que 1.500… dont environ 120 seulement toucheront pendant trois ans un montant mensuel de 1.200 euros, sans avoir rien d'autre à faire que de répondre à sept questionnaires en ligne, au fil de l'étude.  

Cela fait rêver, n'est-ce pas? 

Le revenu universel peut-il changer la société ?

"Nous voulons le savoir" clament des membres de l'association "Mein Grundeinkommen" – "Mon revenu de base", dans un spot sorti pour le lancement du projet pilote, un projet qui vise à établir "comment le revenu de base peut changer la société".    

Le professeur Jürgen Schupp (à droite), chercheur au DIW, accompagne l'étude de l'association Mein Grundeinkommen

Le professeur Jürgen Schupp (à droite), chercheur au DIW, accompagne l'étude de l'association Mein Grundeinkommen

L'Institut allemand de Recherche économique DIW apporte son expertise scientifique à cette étude qui veut notamment mesurer les effets du sentiment de sécurité matérielle sur les participants. 

"Est-ce que je vais arrêter de travailler, changer de voie professionnelle, que vais-je faire de mon temps?" demande le professeur Jürgen Schupp, directeur de l'étude. 

"Est-ce que les participants auront un comportement plus social, est-ce qu'ils feront des dons? À côté de ces changements objectifs, nous voulons aussi observer le ressenti et la santé psychique de ces gens et nous avons établi des indicateurs pour mesurer par exemple si la peur du déclassement social augmente ou diminue", explique encore le chercheur.

Les défenseurs du revenu universel pensent qu'un tel revenu rend les gens plus libres, plus créatifs et globalement plus heureux.  

Une idée du XVIème siècle, renforcée par l'arrivée du coronavirus

L'idée n'est pas nouvelle: l'humaniste anglais Thomas More en parlait déjà en 1516 dans son livre "Utopia". Plus récemment, certains pays ont expérimenté le revenu de base sur des échantillons de population.  

La Finlande a testé le revenu universel pendant trois ans, mais le montant alloué était faible et l'impact n'a pas été celui espéré

La Finlande a testé le revenu universel pendant trois ans, mais le montant alloué était faible et l'impact n'a pas été celui espéré

La Finlande a par exemple versé un montant de 560 euros à 2.000 personnes sans condition pendant deux ans. Malgré des résultats globalement positifs, notamment sur la santé psychique des participants, l'expérience s'est arrêtée là.   

La crise économique et sociale engendrée par l'arrivée de la Covid-19 et des restrictions sanitaires mises en place dans de nombreux pays, ont relancé le débat, du Canada à l'Espagne, jusqu'à l'Allemagne.  

Tandis que l'Espagne a lancé en juin un revenu de base pour les ménages les plus fragiles afin de limiter les effets sociaux de la crise sanitaire, une commission parlementaire se penche actuellement sur le sujet en Allemagne, suite à une pétition lancée en mars par Susanne Wiest 

Elle réclame l'instauration d'un revenu universel de mille euros par mois, au moins jusqu'à la fin de la crise sanitaire, et a récolté près de 180.000 signatures en deux mois! Fin octobre, Susanne Wiest a pu défendre son projet devant la commission des Affaires sociales du Bundestag. 

La crise du coronavirus a fait de nombreuses victimes collatérales, comme les indépendants et professionnels de la culture

La crise du coronavirus a fait de nombreuses victimes collatérales, comme les indépendants et professionnels de la culture

"Les mesures actuelles sont compliquées, bureaucratiques, chronophages et incertaines et souvent, l'aide n'arrive pas là où elle est requise", a exposé Susanne Wiest.

En cette ériode exceptionnelle, elle réclame un "socle" pour empêcher des gens de tomber dans la "détresse financière".

"Avec un revenu universel de crise, nous pouvons proposer à notre société un socle capable de porter tout le monde. C'est le plus important en ce moment", a plaidé l'initiatrice de la pétition devant les députés de la commission.

Si Susanne Wiest réclame aujourd'hui un revenu universel comme réponse à la crise sanitaire, elle n'en est pas à son coup d'essai. Il y a dix ans, elle avait déjà lancé une pétition sur le même sujet et fait partie des fervents défenseurs d'un revenu pour tous et sans condition, même en temps normal! 

Changement radical du système de redistribution

Les partisans du revenu universel y voient une solution aux problèmes actuels et futurs : des modèles sociaux dépassés, un marché du travail en pleine mutation… ce sont pour eux suffisamment d'arguments en faveur d'un changement radical dans le système de redistribution. 

Le revenu universel ne remplacerait pas les retraites, prévient Christoph Butterwegge, chercheur sur la pauvreté

Le revenu universel ne remplacerait pas les retraites, prévient Christoph Butterwegge, chercheur sur la pauvreté

Mais l'idée a beau être séduisante, elle ne fait pas l'unanimité, ni à droite ni à gauche de l'échiquier politique. Parmi les arguments les plus souvent mis en avant par les opposants, il y a le financement d'une telle mesure. 

L'étude du DIW, qui concerne quelque 120 personnes, va ainsi coûter environ 5,3 millions d'euros. 150.000 donateurs privés contribuent à la financer. Étendu à toute l'Allemagne avec un montant de mille euros mensuels, la somme nécessaire pour financer un revenu universel s'élèverait à environ mille milliards d'euros par an 

C'est à peu près ce que l'État verse à l'heure actuelle en prestations socialessouligne le politologue Christoph Butterwegge. Chercheur reconnu sur la pauvreté, il n'est pas favorable à l'instauration d'un revenu universel. 

"Si on instaurait un revenu universel à la place de toutes les prestations sociales, cela signifierait par exemple qu'on ne pourrait plus financer les retraites dont le montant est en partie largement supérieur à mille euros par mois. Mais comme les retraites sont protégées par la constitution, il faudrait injecter une grosse somme d'argent supplémentaire dans le système social et je doute fort qu'on puisse étendre à ce point l'État social." 

Ignorance des besoins individuels

Selon Christoph Butterwegge, le versement d'un revenu de base à tout le monde sans distinction représenterait surtout une injustice sociale. 

Christoph Butterwegge est contre un revenu de base distribué à tout le monde sans distinction

Christoph Butterwegge est contre un revenu de base distribué à tout le monde sans distinction

"Le revenu universel traite tous les gens de la même manière alors qu'ils n'ont pas les mêmes besoins, ce n'est pas juste", explique-t-il pour justifier son opposition à ce qu'il appelle le "principe de l'arrosoir".

"C'est une tentative d'introduire le communisme dans le système capitaliste. Il faudrait plutôt que l'État social regarde qui a besoin d'argentL'État doit investir son argent de manière ciblée et cela, le revenu universel ne le fait pas." 

Si Christoph Butterwegge n'est pas partisan du revenu universel, il ne partage pas pour autant l'argument selon lequel le versement d'une somme mensuelle sans condition inciterait les gens à la paresse, aux dépens de la communauté. 

"Le travail est accompli parce que les gens cherchent un sens à leur vie, parce qu'ils veulent rendre quelque chose à la société ou parce qu'ils s'ennuieraient sans activité. Mais s'ils sont prêts à travailler et que l'État leur verse déjà mille euros par mois, ils pourraient facilement accepter d'être moins payés. Le revenu universel serait donc un paradis pour les chefs d'entreprises mais pas pour les travailleurs pauvres. C'est pour moi un argument supplémentaire pour dire que le revenu de base passe à côté des vrais problèmes." 

Plutôt qu'un revenu universel, le chercheur estime donc qu'il faudrait augmenter les minimas sociaux, mais aussi le salaire minimum afin de limiter la pauvreté.  

L'argent donne-t-il du courage?

De son côté, Jürgen Schupp espère obtenir des réponses sur une autre question relative au travail: savoir si le revenu universel peut favoriser l'innovation et l'entreprenariat.  

L'étude sur le revenu universel espère obtenir des réponses sur le comportement des bénéficiaires qui n'auraient plus de problèmes d'argent

L'étude sur le revenu universel espère obtenir des réponses sur le comportement des bénéficiaires qui n'auraient plus de problèmes d'argent

"Peut-être que l'on prend des décisions plus courageuses, peut-être même au point de se lancer dans le travail indépendantde changer d'orientation professionnelle ou de se qualifier."  

Il y a toutefois de nombreuses questions auxquelles le projet pilote ne pourra pas apporter de réponses, reconnaît le professeur Schupp. Par exemple les effets d'un revenu universel sur l'évolution des prix. 

"Que se passera-t-il avec les loyers si tout le monde a tout à coup plus de moyens? Est-ce que les prix augmenteraient, que se passerait-il avec l'inflation? On ne pourra pas répondre à ces questions avec un micro-modèle. Il faudrait mener d'autres études et observer comment ca se passe dans les pays où des éléments du revenu universel sont déjà appliqués. Ce projet ne va en aucun cas apporter des solutions à toutes les questions en trois ans d'étude autour du revenu de base." 

Deux autres études sont prévues dans le cadre du projet pilote, pour évaluer entre autres le financement d'un revenu universel par l'impôt 

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Le meurtrier présumé du Tiergarten devant la justice

Zelimahn Khangochvili, assassiné en plein Berlin en août 2019 par un tueur à gage russe

Zelimahn Khangochvili, assassiné en plein Berlin en août 2019 par un tueur à gage russe

C’est une histoire digne d’un film d’espionnage mais elle est pourtant vraie.

Et c’est le parquet allemand qui l’a résumé le mieux : "Des autorités au sein du gouvernement central de la Fédération de Russie ont donné l’ordre de liquider Zelimkhan Khangoshvili en raison de son opposition à l’Etat central russe, aux gouvernements de ses républiques autonomes de Tchétchénie et d’Ingouchie ainsi qu’au gouvernement prorusse de Géorgie."

Zelimkhan Khangoshvili a été assassiné de plusieurs balles à bout portant à l’été 2019, en plein cœur de Berlin, à quelques encablures du quartier gouvernemental.

Vétéran de la seconde guerre de Tchétchénie et de la guerre de 2008 en Ossétie du sud, il avait demandé l’asile en Allemagne après avoir été victime de plusieurs tentatives d’assassinat.

Il y a quelques semaines s’est ouvert à Berlin le procès contre l’auteur présumé de cet assassinat, Vadim Krasikov.

Avec en toile de fond, le Kremlin et les services secrets russes...

 

Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30 TU, et disponible aussi en podcast. Ont contribué à ce numéro: Nicolas Martin (interview du Prof. Schupp) et Julien Méchaussie (reportage sur le meurtre du Tiergarten).

Vous retrouvez tous les numéros dans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.