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Le combat inlassable des victimes d'Hissène Habré

30 mai 2022

Ni la famille d'Hissène Habré, ni l'Union africaine, ni l'Etat tchadien n'a commencé à dédommager les victimes. Interview avec Reed Brody qui soutient les victimes depuis plus de vingt ans.

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Hissène Habré est mort en août 2021 et ses victimes attendent toujours réparation pour les atrocités subies quand il était au pouvoir
Hissène Habré est mort en août 2021 et ses victimes attendent toujours réparation pour les atrocités subies quand il était au pouvoirImage : picture-alliance/dpa

Près de 8.000 personnes ont été reconnues victimes du régime d'Hissène Habré qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990. La justice a condamné, pour viols et crimes contre l'humanité, l'ancien dictateur tchadien à la prison à vie et à indemniser à hauteur de près de 125 millions d'euros (82 milliards de francs CFA) ces victimes. Cette condamnation a été confirmée en appel en 2017. Le jugement ordonnait la création d'un fonds fiduciaire spécial géré par l'Union africaine pour procéder aux indemnisations. La justice a ordonné aussi à l'Etat tchadien de verser des réparations.

Mais cinq ans plus tard, en dépit des appels répétés à l'Union africaine et aux autorités tchadiennes, et malgré le regain d'intérêt pour l'affaire au moment du décès d'Hissène Habré, en août 2021, "aucune victime n'a reçu un seul centime", pour citer un de leurs avocats. C'est donc pour comprendre pourquoi ces dédommagements sont au point mort que Sandrine Blanchard a joint Reed Brody, de la Commission internationale de juristes qui travaille depuis vingt ans aux côtés des victimes d'Hissène Habré.

Interview avec Reed Brody

Reed Brody : En fait, l'Union africaine avait déjà alloué 5 millions de dollars au fonds fiduciaire, mais il n'est toujours pas opérationnel. En septembre de l'année passée, à la suite de la mort d'Hissène Habré et d'un regain d'intérêt international pour le sort des victimes,   l'Union africaine a dépêché une délégation au Tchad où elle a pris possession d'un bâtiment destiné au fonds, ce qu'elle a décrit comme un tournant décisif dans le processus de réparation.

Lire aussi : Le courage de la Tchadienne Jacqueline Moudeina

A cette époque, l'Union africaine a indiqué que la Commission de l'Union africaine travaillait à rendre opérationnel ce fonds dans les meilleurs délais. Mais depuis septembre et depuis l'arrivée de Macky Sall, rien. Il est pourtant un héros pour les victimes parce que c'est lui qui a permis que puisse être organisé au Sénégal le procès historique. Donc les victimes comptent beaucoup sur Macky Sall comme il connaît la question. Mais il n'y a pas eu de mission de suivi au Tchad et ce fonds n'a toujours pas débuté ses activités.

DW: Il y a eu aussi un changement à la tête du Tchad, suite à la mort d'Idriss Déby Itno. Est-ce qu'il y a des changements maintenant que c'est Mahamat Idriss Déby qui est au pouvoir?

Reed Brody : Non. Enfin, les victimes ont rencontré les autorités, et même le président, et celles-ci ont accepté de payer les arriérés de loyer de la fondation de l'association des victimes. Mais en six ans, le gouvernement tchadien non plus n'a pas procédé à la moindre restitution. Le gouvernement [tchadien]se cache toujours derrière l'Union africaine. Ils disent : "Quand le Fonds de l'Union africaine sera mis en place, nous y contribuerons". Mais le gouvernement ne peut pas échapper à ses responsabilités en désignant l'Union africaine, donc, des deux côtés : rien pour les victimes.

NDLR : Contactée par notre rédaction, la Commission de l’Union africaine n’a pas répondu à nos sollicitations.