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Le courage de la Tchadienne Jacqueline Moudeina

Blaise Dariustone
26 mars 2021

L'avocate et militante des droits humains Jacqueline Moudeina a mené une longue lutte pour la condamnation de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré. 

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Jacqueline Moudeina, lauréate du prix Nobel alternatif 2011
Jacqueline Moudeina, lauréate du prix Nobel alternatif 2011Image : DW

Au Tchad, dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle du 11 avril prochain, la Deutsche Welle brosse le portrait de quelques jeunes militants de l'opposition, du parti au pouvoir et de la société civile. Vous retrouvez tous ces portraits sur notre site. Dans cet article, celui de Jacqueline Moudeina.

Née en 1957 à Koumra dans la province du Mandoul, au sud du Tchad, Jacqueline Moudeina a vécu une enfance d’orpheline à la suite du décès prématuré de son père. Après son bac en 1978, elle s'inscrit à l’Université de N’Djamena pour y poursuivre des études d’anglais.

L'exil en République du Congo

Mais avec la guerre civile de 1979 et le régime de terreur instauré par le dictateur Hissène Habré, Jacqueline Moudeina et son mari doivent quitter le Tchad pour Brazzaville. C'est là qu'elle étudiera le droit.

Retournée dans son pays en 1995, elle s’inscrit au barreau et met ses compétences au service de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDH) à N'Djamena, devenant ainsi l’une des premières femmes au Tchad à travailler comme assistante juridique et mandataire de justice.

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Justice pour les victimes de Habré 

Elle s’engage alors dans la défense des droits humains et ceux des victimes d’Hissène Habré. Un engagement qui a conduit plus de 20 ans plus tard à la condamnation de l’ancien dictateur tchadien à Dakar, au Sénégal.

Le portrait Jacqueline Moudeina par Blaise Daruistone

"Compte tenu de la délicatesse du dossier contre Hissène Habré, nous avons beaucoup voyagé ensemble en Afrique, en Europe, en Asie et même à l’intérieur du pays. Nous avons eu de longues nuits de travail pour sensibiliser les victimes et cibler les victimes. Avec Jacqueline j’ai beaucoup appris, c’est une femme qui aime son travail, une femme rigoureuse dans son travail. Nous l’appelons même la tigresse parce que quand elle décide de faire quelque chose, elle le fait avec son cœur", se souvient Clément Abaïfouta, président de l’association des victimes des crimes et répressions du régime d’Hissène Habré.

Jacqueline Moudeina est une avocate et militante engagée au service des droits humains, témoigne son proche collaborateur depuis plus de 20 ans, Mahamat Djibrine Bichara, actuel secrétaire exécutif de l’ATPDH.

"J’ai été toujours à ses côtés lorsqu’elle faisait des missions de recherche des éléments de preuves pour étoffer le dossier. Bien que ce soit interdit de voyager la nuit, elle voyageait même la nuit pour atteindre ses objectifs. Elle n’a pas une période de voyage, elle voyage en saison des pluies tout comme pendant les périodes de chaleur. Franchement, Jacqueline Moudeina, c’est une personne engagée en matière des droits de l’homme" , explique Mahamat Djibrine Bichara. 

Jacqueline Moudeina avec Huang Ming, Ina May Gaskin, Renée Velvé, et Henk Hobbelink ( lors du prix Nobel alternatif 2011)
Jacqueline Moudeina avec Huang Ming, Ina May Gaskin, Renée Velvé, et Henk Hobbelink ( lors du prix Nobel alternatif 2011)Image : rightlivelihood.org

Les menaces

Mais cet engagement de Jacqueline Moudeina se heurte à des résistances. Elle a été menacée de mort à plusieurs reprises. Mahamat Djibrine Bichara se souvient encore de ce 11 juin 2001. Alors que Jacqueline Moudeina assistait à N'Djamena à une manifestation pacifique contre les manipulations électorales, elle fut grièvement blessée par une grenade lancée par un soldat.

"En 2001, elle a été touchée par une grenade. Je me rappelle… je suis allé la trouver à l’hôpital et étant sur le lit elle m’a dit qu’elle ne va pas lâcher. C’est Dieu qui a voulu que cela arrive mais elle a dit qu’elle allait nous revenir. La deuxième fois, c’est lorsqu’on était en mission et qu’on a été suivi par des gens armés et on a été obligé de dévier notre route pour continuer cette mission. La dernière tentative c’est en 2012 quand elle a été braquée et sa voiture volée. C’était la voiture de l’ATPDH. Aussitôt elle m’a appelé pour me dire : Bichara on vient de voler la voiture de l’ATPDH mais je suis en bonne santé. Lorsque je suis arrivé j’ai vu une femme forte qui cherchait à comprendre pourquoi on lui avait volé cette voiture."

Pour son engagement en faveur des droits humains au Tchad, maître Jacqueline Moudeina a reçu plusieurs distinctions parmi lesquelles le prix franco-allemand des droits de l’homme en 2016.