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La Russie et son approche des talibans

Sandrine Blanchard | Roman Goncharenko
20 octobre 2021

Moscou accueille une délégation de talibans. Depuis la prise de pouvoir des islmaistes en Afghanistan, l'influence de la Russie grandit dans la région.

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Arrivée des représentants des talibans à Moscou, ce 20.10.2021
Arrivée des représentants des talibans à Moscou, ce 20.10.2021Image : Sergei Bobylev/TASS/dpa/picture alliance

Une délégation des talibans est arrivée à Moscou. Le "format moscovite" s'est ouvert ce mercredi (20.10), une réunion internationale pour discuter de la situation en Afghanistan : de la crise humanitaire et de l'essor des mouvements djihadistes qui perpètrent des attentats. La Russie veut en effet maintenir un contact stratégique avec les talibans.>>> A lire aussi : Afghanistan : les talibans, l'UE et les Etats-Unis réunis à Doha

Parler aussi avec des terroristes

C'est la première rencontre internationale à laquelle les talibans prennent part depuis leur accession au pouvoir en août dernier. Mais ce n'est pas la première fois, ces dernières années, que les islamistes radicaux au pouvoir à Kaboul sont à la table des négociations : en 2016, Donald Trump les avait approchés et la Russie aussi.

"A l'époque, en 2016, la pénétration du groupe Etat islamique en Afghanistan devenait problématique. Il y avait une concentration de groupes de diverses branches terroristes internationales, originaires du Caucase et de l'Asie centrale, présents dans le Nord de l'Afghanistan", explique Andreï Kasanzov, spécialiste de l'Afghanistan.

Ce professeur à l'école de diplomatie de Moscou (MGIMO) poursuit : "Il y avait eu un précédent : le président égyptien Morsi était membre des Frères musulmans qui est aussi un mouvement interdit en Russie, laquelle les considère comme une organisation terroriste. Ce qui ne nous a pas empêchés de le recevoir et de coopérer avec lui."

Samir Kaboulov (archive de 2017)
Samir Kaboulov est chargé de l'Afghanistan au sein de l'éxécutif russeImage : Virginia Mayo/AP/picture alliance

Monsieur Afghanistan au Kremlin

Samir Kaboulov, chargé de l'Afghanistan au sein du gouvernement russe, reconnaît que des liens se sont tissés avec les talibans ces huit dernières années. Avant, donc, leur retour au pouvoir.

>>> A lire aussi : Le commandant Massoud, toujours une icône, 20 ans après son assassinat

Le politologue Wolfgang Richter, de la Fondation pour la Science et la politique (SWP) à Berlin, note d'ailleurs que les représentants des talibans ont été reçus déjà à trois reprises cette année par le chef de la diplomatie russe. "En Occident, on avait l‘impression que les Russes faisaient la cour aux talibans", résume-t-il.  

Vladimir Poutine lors d'une réunion de l'organisation du pacte de sécurité collective d'Asie centrale (septembre 2021)
Vladimir Poutine lors d'une réunion de l'organisation du pacte de sécurité collective d'Asie centraleImage : Alexei Druzhinin/Sputnik Kremlin/AP Photos/picture alliance

Le choix de la Realpolitik

Andreï Kasanzov explique que "si la Russie ne veut pas intervenir militairement en Afghanistan, il faut négocier avec ceux qui sont les plus puissants dans le pays".  Or, analyse-t-il, "au début c'étaient les Américains, avec qui la Russie a discuté et qu'elle a même aidés. Et maintenant, ce sont les talibans au pouvoir, alors la Russie discute avec eux."    

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Les Etats-Unis reprochent à la Russie d'avoir armé les talibans. Mais les armes russes ne sont pas difficiles à se procurer dans la sous-région.

Au Tadjikistan voisin, les Russes ont leur plus grande base militaire de la zone, des exercices sont en cours à la frontière afghane, y compris pendant les pourparlers de Moscou. La crainte du Kremlin est de voir les terroristes du groupe Etat islamique pénétrer en Russie en passant par l'Asie centrale.

Des exercices militaires russes au Tadjikistan (archive de juillet 2021)
Des exercices militaires russes au Tadjikistan Image : Press Service of the Central Military District/dpa/picture alliance

La Russie était mieux préparée que l'occident à un retour au pouvoir des talibans, en août dernier. D'ailleurs, l'ambassade russe à Kaboul est l'une des rares à ne pas avoir été fermée.

Mais avant de reconnaître officiellement le pouvoir des  talibans, Moscou attend de voir s'ils se comporteront de façon "civilisée" - notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux et l'"inclusion" des femmes.

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