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Olaf Scholz : "L'Allemagne doit admettre son passé colonial"

25 mai 2022

Interview exclusive avec Olaf Scholz, le chancelier allemand, au terme de sa tournée en Afrique.

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La chancelier allemand Olaf Scholz achève une visite de trois jours sur le continent africain, ce mardi 24 mai. Un voyage en trois étapes, au Sénégal, au Nigeret en Afrique du Sud.

Il a été question de coopération militaire et économique notamment. À cette occasion, le chancelier a accordé une interview exclusive à la Deutsche Welle.

DW : Olaf Scholz, c'est votre premier voyage en Afrique du Sud depuis votre entrée en fonction. Vous avez commencé par le Sénégal, puis le Niger, et l'Afrique du Sud. Votre prédécesseur, Angela Merkel, avait mis l'accent sur l'Afrique. Qu'est-ce que ça vous fait de venir ici pour la première fois en tant que chancelier allemand ?

Olaf Scholz : L'Afrique est le continent voisin de l'Europe et il est donc essentiel que nous travaillions intensément pour avoir de très bonnes relations avec tous les Etats d'Afrique. Et il est également important que nous développions nos relations avec tous les Etats démocratiques du monde. La démocratie, l'Etat de droit, les questions qui sont importantes pour nous ne sont pas seulement des questions des pays dits occidentaux. (...) 

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L'Afrique du Sud est une démocratie, comme le Sénégal ou le Niger, et c'est pourquoi je leur ai rendu visite et c'est pourquoi je pense qu'il est important que nous continuions à travailler ensemble, en disant que le monde aura un bon avenir si nous coopérons, si nous comprenons qu'il y aura beaucoup d'Etats très importants à l'avenir et dans les années cinquante de ce siècle, et que nous devrions maintenant faire en sorte qu'il y ait une bonne coopération, que nous puissions créer un monde multilatéral.

"Revenir avec une perspective démocratique au Mali"

DW : Concernant la région du Sahel : l'instabilité sur place pousse à la migration. Êtes-vous préoccupé par le fait que vous pourriez soutenir le mauvais camp en prolongeant l'un des mandats au Mali après le coup d'État ?

Olaf Scholz : Nous soutenons les Nations Unies dans les activités au Sahel, notamment au Mali, avec le mandat de la MINUSMA, et c'est une bonne chose pour la stabilisation de la région. 
Mais nous disons aussi très clairement que nous n'accepterons jamais une situation où il y aurait une lutte contre le peuple avec le soutien des soldats russes au Mali. Il est donc nécessaire qu'ils reviennent avec une perspective démocratique.

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DW : Vous parlez d'une responsabilité particulière que vous ressentez pour contribuer à l'avenir d'un monde multipolaire. Comment le passé colonial de l'Allemagne, de l'Europe, influence-t-il la manière dont vous voulez intégrer les pays africains en particulier ?

Olaf Scholz : L'Allemagne, mais aussi tous les pays ayant un passé colonial, doivent être très honnêtes et admettre que ce passé fait partie de leur histoire et qu'ils sont responsables de l'amélioration des relations avec les pays, par exemple en Afrique. C'est aussi la base d'une bonne relation à l'avenir. Et je pense que le monde comptera beaucoup de pays très influents dans les prochaines décennies, qui ne seront pas seulement la Russie, la Chine, les États-Unis et l'Europe, par exemple. Il y aura aussi beaucoup d'autres pays et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai invité l'Indonésie et l'Inde, le Sénégal et l'Afrique du Sud ou l'Argentine à participer à notre réunion du G7 en Allemagne cet été, parce que c'est un point de départ pour comprendre que le monde est quelque chose dont nous sommes responsables ensemble et c'est la base d'un monde multilatéral où nous ne voyons pas seulement beaucoup de pays influents différents, mais des pays qui coopèrent pour un meilleur avenir.

Coopération économique et soutien au développement

DW : Quel rôle l'Afrique joue-t-elle dans ce contexte ? Cette vision vous oppose-t-elle davantage à la Chine ou à la Russie ? 

Olaf Scholz : L'Afrique est un continent avec beaucoup de pays et d'Etats qui auront un futur meilleur qu'aujourd'hui, qui auront beaucoup de gens qui y vivent, et donc il est nécessaire que nous fassions tout ce qui est possible pour que ce soit un bon futur. Et la coopération, la coopération économique, le soutien au développement, est la base pour cela.

DW : Les Nations Unies indiquent que, pour la première fois, il y a quelque 100 millions de personnes fuyant les conflits à travers le monde. L'Allemagne négocie également avec de nombreux pays pour que les migrants dits illégaux soient rapatriés dans leur pays d'origine. Que va faire l'Allemagne ? Que ferez-vous, en tant que président du G7, pour ouvrir des voies d'immigration légale ?

Olaf Scholz : Nous devons être conscients qu'il y a beaucoup de gens qui sont dans une situation désespérée, qui fuient les endroits où ils vivaient à cause de la guerre, pour beaucoup d'autres raisons, et donc nous avons une responsabilité globale pour soutenir les réfugiés là où ils sont, et c'est ce que nous ne devons jamais oublier, que nous avons une responsabilité. 
Les réfugiés viennent par exemple dans les pays occidentaux et essaient de vivre sur place. Mais nous devons aussi faire beaucoup pour les autres lieux où ils vivent. Dans la plupart des cas, ils ont fui vers le pays voisin et ce dernier a besoin d'aide pour pouvoir faire face à la situation. D'autre part, il est évident qu'il sera nécessaire de mettre en place des moyens légaux de migration, par exemple vers l'Europe, et que nous devons trouver un moyen de coopérer avec les pays où les gens cherchent à commencer une vie meilleure, dans les pays européens et d'autres pays du monde. C'est aussi une réponse à la lutte contre l'immigration clandestine, qui nécessite également une coopération entre les pays, afin de permettre aux personnes de retourner dans leur pays d'origine si elles ne peuvent pas rester dans le pays où elles voulaient aller. 

DW : Qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans ce voyage ?

Olaf Scholz : C'était très bien de discuter avec les dirigeants et de comprendre qu'ils ont une vision très semblable du monde et qu'ils partagent également la volonté de coopération. C'est l'un des résultats de ce voyage dans trois pays.

"La Russie doit cesser son aggression"

DW : L'ombre du conflit ukrainien plane ici. L'Europe est très occupée avec elle-même. Il y a une guerre en Europe et, en même temps, ici, de nombreux pays, notamment ceux que vous avez visités, vont en ressentir les effets. Il y a une crise de la faim qui se profile, des pénuries de carburant, des pénuries d'engrais. Quelle responsabilité l'Allemagne éprouve-t-elle pour sauver de ces effets des pays qui n'ont rien à voir avec ce conflit ?

Olaf Scholz : Tout d'abord, la Russie a envahi l'Ukraine, a commencé une guerre brutale contre un pays voisin, et il est donc important que nous nous serrions les coudes pour donner à l'Ukraine la chance de se défendre, de défendre son intégrité, sa souveraineté (...). D'autre part, il est évident que de nombreux pays souffrent de cette guerre et de l'agression russe, et c'est pourquoi nous sommes bien décidés à aider les pays qui souffrent. C'est pourquoi nous avons commencé à coopérer pour lutter contre toutes les conséquences du manque de nourriture, pour soutenir les pays dans leurs difficultés économiques, et c'est pourquoi nous parlons aussi de la manière dont nous pouvons travailler ensemble dans cette crise très difficile. Mais la meilleure chose à faire est de mettre fin à la guerre, et si la Russie arrêtait son agression et était prête pour la paix, ce serait le mieux pour le monde entier.

DW : Quelle aide concrète peuvent attendre des pays comme, par exemple, le Soudan, la Somalie, le Niger ?

Olaf Scholz : Nous travaillons au soutien du Programme Alimentaire Mondial et nous lançons ensemble une initiative contre les pénuries qui surviennent actuellement. Et nous allons travailler avec les pays au niveau mondial, avec les Nations Unies, et nous essayons de convaincre tous les autres pays qui ont les moyens de le faire, de le faire avec nous.

"Poutine a une approche impérialiste"

DW : Cela fait trois mois que la Russie a envahi l'Ukraine. Vous êtes l'un des rares dirigeants mondiaux à avoir encore une ligne directe avec Vladimir Poutine (...). Beaucoup de gens se demandent s'il n'a pas perdu le contact avec la réalité. Quelle est votre impression lorsque vous lui parlez ?

Olaf Scholz : C'est une agression brutale, une guerre très brutale, et c'est vraiment une approche impérialiste. Il essaie de conquérir des parties du territoire de son pays voisin, et c'est ce que nous n'accepterons jamais, et c'est pourquoi il est nécessaire que nous soutenions l'Ukraine, comme je l'ai déjà mentionné, et que, d'autre part, nous parlions directement à Poutine, en lui disant qu'il devrait arrêter la guerre car elle n'aura jamais un dénouement positif pour son propre pays. Nous ne devons pas oublier que les sanctions, par exemple, ont un impact très lourd sur l'économie russe aujourd'hui, mais qu'elles en auront aussi à l'avenir. La Russie va revenir en arrière dans ses possibilités de développement économique pendant des décennies, ils vont souffrir et ils souffrent. Et pour s'en sortir, Vladimir Poutine doit arrêter la guerre.