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SociétéAllemagne

Allemagne : quand racisme rime avec pauvreté // Le Cameroun prépare le retour d'objets coloniaux

Anne Le Touzé | Henri Fotso
15 mai 2024

Une enquête du Centre allemand de recherche sur l'intégration et la migration révèle que les personnes noires, musulmanes et asiatiques sont les plus exposées au risque de pauvreté en Allemagne. // Le Cameroun prépare le retour de 129 objets et ossements humains datant de l'époque coloniale. Les musées d'Allemagne abritent au moins 40.000 de ces biens pillés pendant la colonisation allemande.

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Quelles sont les conséquences concrètes du racisme chez les personnes concernées en Allemagne ? Une équipe de sociologues du Centre allemand de recherche sur l'intégration et la migration (DeZIM) à Berlin a cherché à établir s'il y avait un lien entre le racisme et le risque de pauvreté. Et la réponse est... oui.

Selon les résultats de l'enquête, ce risque peut atteindre environ 41 % des hommes noirs, asiatiques et musulmans, contre 10% pour les personnes qui ne sont pas issues d'une minorité visible.

Des discriminations dans tous les domaines

Des jeunes migrants devant un tableau d'annonces d'emplois à Cottbus
Les personnes issues de minorités visibles sont souvent discriminées, notamment dans la recherche d'une emploiImage : Rainer Weisflog/imago images

Pour leur enquête, les chercheuses Zerrin Salikutluk et Klara Podkowik se sont basées sur des données de l'Observatoire national de la discrimination et du racisme (NaDiRa), portant sur un échantillon d'environ 21.000 adultes. Zerrin Salikutluk est co-responsable de l'observatoire.

"Pendant longtemps, on ne savait pas du tout dans quelle mesure le racisme et le risque de pauvreté étaient liés. Si on regarde les statistiques officielles ou les rapports sur la pauvreté et la richesse du gouvernement fédéral, on voit généralement une répartition en fonction de l'origine migratoire et de la possession de la nationalité allemande. Ce qu'on n'avait pas pu établir jusqu'à présent, c'est ce que vivent les personnes qui appartiennent à des groupes impactés négativement par le racisme en Allemagne."

Les sociologue ont exploré différents domaines : le système d'éducation, le marché du travail, celui du logement et aussi le secteur de la santé. Elles se sont également appuyées sur des études antérieures qui ont déjà montré qu'il y avait par exemple de la discrimination dans la recherche d'un emploi. Autant de facteurs qui augmentent le risque de tomber en-dessous du seuil de pauvreté.

En Allemagne, on considère qu'une personne est menacée de pauvreté si elle dispose pour elle-même d'un revenu inférieur à 60% du revenu médian. En 2023, le seuil était de 1310 euros par mois. 

Bien formés, mais menacés de pauvreté

Selon les réponses apportées par l'échantillon de personnes interrogées, 5% des Allemands non issus de l'immigration se trouvaient sous cette limite malgré un emploi à plein temps. Pour les personnes noires, musulmanes et asiatiques, le taux était en moyenne de 20 %.

Des élèves dans une classe en Allemagne
Il ne suffit pas d'être bon à l'école pour garantir une vie décenteImage : Florian Gaertner/IMAGO

Le problème, c'est qu'une bonne formation - que ce soit un diplôme de maître artisan ou une thèse universitaire - ne protège pas nécessairement de la précarité. Selon l'étude, les personnes ayant eu des expériences racistes présentent un risque deux fois à sept fois plus élevé !

Avec un taux de 33%, les hommes musulmans sont les plus touchés, et de loin. Zerrin Salikutluk a une explication pour ce phénomène.

"Environ 20 % des personnes musulmanes que nous avons interrogées sont arrivées en Allemagne depuis 2013. Elles sont arrivées de Syrie, d'Afghanistan et d'autres pays fortement touchés par la pauvreté. Et pour les réfugiés, il est déjà connu qu'ils sont exposés à un risque de pauvreté plus élevé en raison de leur accès plus difficile au marché du travail par exemple."

Mais les personnes issues de l'immigration qui vivent depuis plus longtemps en Allemagne, voire qui sont nées ici et ont la nationalité allemande, sont également discriminées. Zerrin Salikutluk renvoie à des expérimentations menées pour révéler les discriminations : des dossiers de candidatures identiques envoyées sous des noms différents. Le résultat est sans appel :

"Les personnes qui ont un nom à consonance turque, par exemple, ont peu de chances ou moins de chances d'être invitées à un entretien d'embauche. Ce sont bien sûr des points sur lesquels il faut agir."

Des pistes pour une meilleure intégration

Un participant d'un cours d'allemand
Apprendre l'allemand, une priorité pour une meilleure intégrationImage : Robert Michael/dpa/picture alliance

Selon la sociologue, les résultats de l'enquête montrent qu'il faut prendre des mesures ciblées pour lutter contre la pauvreté et promouvoir l'égalité des chances pour les groupes défavorisés. L'étude propose des pistes concrètes, notamment la reconnaissance des diplômes et compétences professionnelles acquis à l'étranger. 

"Cela accélèrerait l'entrée des réfugiés et d'autres migrants sur le marché allemand du travail et permettrait à des professionnels titulaires de diplômes étrangers d'avoir accès à des métiers adaptés", est-il précisé dans le document. 

Pour une intégration rapide sur le marché du travail, l'équipe de Zerrin Salikutluk recommande un accès plus rapide à des cours de langue et d'intégration. Ce n'est en effet qu'en s'assurant que les revenus d'une activité professionnelle couvre les frais d'existence que l'on pourra faire diminuer le taux de pauvreté chez les réfugiés.

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Cameroun - Allemagne : comment restituer les objets coloniaux ?

Un manifestant brandit une photo d'une statue Ngonnso' détenue par un musée allemand
En 2022, des manifestants s'étaient postés devant le musée ethnologique de Berlin pour réclamer le retour des statues Ngonnso', originaire du royaume historique de Nso', dans le nord-oest du CamerounImage : Sean Gallup/Getty Images

40.000 objets pillés durant la colonisation allemande au Cameroun sont recensés dans les musées publics d'Allemagne. Parmi eux, le trône du sultan des Bamoun et le Tangué du roi Lock Priso de Bonabéri, mais aussi des objets du quotidien comme des cuillères ou des instruments de pêche, ou encore des crânes et ossements humains. 

Ces objets sont actuellement étudiés en Allemagne par un collectif de chercheurs multidisciplinaires de différentes nationalités, dirigé par Bénédicte Savoy, professeure d'Histoire de l'art à l'Université Technique de Berlin. 

Les premiers résultats de l'enquête sont réunis dans une publication de 500 pages intitulée "Atlas de l’absence. Le patrimoine culturel du Cameroun en Allemagne".

Pendant ce temps, le Cameroun, justement, prépare le retour d'une partie de ces objets... Reportage de notre correspondant à Douala, Henri Fotso.
 

Ont contribué à ce numéro : Marcel Fürstenau (sujet racisme et pauvreté) et Henri Fotso (Cameroun). Écoutez et abonnez-vous au podcast Vu d’Allemagne sur Apple Podcasts, Spotify ou n'importe quelle autre application de podcasts ! Vu d'Allemagne est aussi diffusé le mercredi à 17h30 et le dimanche à 17h05 TU sur la plupart des radios partenaires de la DW.

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