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La Gambie débat d'un possible retour de l'excision

19 mars 2024

Une proposition de loi est débattue par les députés. La question divise le pays dont la quasi-totalité de la population est musulmane.

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Jaha Dukureh activitse gambienne contre l'excision, à Banjul le 18 mars 2024
76% des Gambiennes âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitalesImage : Hadim Thomas-Safe Hands for Girls/AP/picture alliance

Près de dix ans après son interdiction, l’excision pourrait faire son retour en Gambie. Un texte en ce sens est depuis ce lundi, 19 mars, étudié par les députés. 

Pour les organisations de défense des droits humains et activistes de la cause féminine, le texte proposé aux députés menace des années de progrès. "C'est un jour vraiment très triste dans l'histoire de la Gambie, un jour triste pour mon pays et mon cœur est brisé", dit Jaha Dukureh une activiste qui milite contre les mutilations génitales féminines.

L'excision en débat en Gambie (audio)

L'activiste espère encore que le travail parlementaire pourrait barrer la route à cette loi. "J'aurais aimé qu'ils tuent le projet de loi, mais en même temps, le renvoi en commission est une chance pour la commission des droits de l'Homme, la commission des femmes et la commission de la santé de présenter des recherches fondées sur des preuves pour expliquer pourquoi cette pratique est nocive", espère-t-elle.

Une pratique toujours en cours

Fatou Baldeh dirige une ONG de femmes en Gambie et elle rappelle que même illégale, cette pratique n’a jamais disparu.

"Nous ne devrions même pas parler de l’abrogation de ce projet de loi. Nous constatons déjà une augmentation des cas de mutilations génitales féminines pratiquées ouvertement dans notre communauté. Vous pouvez donc imaginer ce qui se passerait si cette loi était abrogée."

Pour Michele Eken chercheuse à Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest si cette loi passe, d'autres acquis pourraient être remis en cause. "L'abrogation de la loi interdisant les mutilations génitales féminines sera tout simplement désastreuse pour les droits des femmes, non seulement en Gambie, mais aussi dans la région", insiste-t-elle. "Cela enverrait le message aux jeunes filles que leurs droits peuvent facilement être retirés. Si cette loi est adoptée, que se passera-t-il ensuite ? Nous devons être très fermes à ce sujet. Et s'assurer que nous ne prenons pas, que nous n'enlevons pas quelque chose pour lequel il a fallu tant de temps pour se battre", estime la chercheuse.

Pas préconisée par l'islam

C'est en 2015 que l'ancien président Yahya Jammeh avait décrété l'interdiction de l'excision, estimant qu'elle n'était pas prescrite par l'islam.

Ces jours-ci, les partisans de l’excision ont déjà manifesté, devant le parlement, pour apporter leur soutien au texte en discussion. Un texte qui vise à préserver la loyauté religieuse et à sauvegarder les normes et les "valeurs culturelles", selon Almameh Gibba, le député qui en est l’initiateur.

La proposition de loi a été renvoyée à une commission parlementaire nationale pour un débat plus approfondi et pourrait faire l'objet d'un nouveau vote dans les semaines à venir. 

76% des Gambiennes âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitales, selon un rapport publié en 2021 par l'Unicef. L'Afrique reste le continent le plus touché avec plus de 144 millions de survivantes de ces mutilations, devant l'Asie, 80 millions. et le Moyen-Orient, six millions, selon un rapport de l’Onu consacré à une trentaine de pays où la pratique est courante. 
 

Georges Ibrahim Tounkara Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle