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"Congo Files" et restitution d'objets d'art à l'Afrique

30 novembre 2018

La presse allemande de la semaine revient sur les documents secrets de l'ONU sur le meurtre de ses deux experts dans le Kasaï en RDC. Et sur la restitution d'oeuvres d'art à des Etats africains.

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Kongo DRK UN-Soldaten der Mission MONUSCO
Image : DW/Flávio Forner

 Cette semaine, deux grands thèmes se dessinent : le débat autour de la restitution d'œuvres d'art volées durant la colonisation par la France, mais aussi les "Congo files" - ces documents issus d'un rapport secret des Nations unies qui sont parvenus à un consortium de journalistes d'investigation, et qui montrent que l'ONU serait intervenue pour bloquer l'enquête sur le meurtre de deux de ses experts en RDC, en mars 2017 : Zaida Catalán et Michael Sharp.

La Süddeutsche Zeitung fait aussi partie du consortium qui a passé au crible les documents de l'ONU qui ont fuité. Dans son édition datée du 28 novembre, elle titre : "Pour l'amour de la paix"  et résume ainsi l'affaire : "deux enquêteurs de l'ONU se font assassiner lors d'une mission au Congo.

La faute aux rebelles, dit le gouvernement. Mais des documents montrent que ce sont des agents secrets et l'armée qui sont derrière ce double meurtre. Et l'ONU le sait".

UN-Mitarbeiterin Zaida Catalan im Kongo getötet
Zaïda Catalán a été tuée par balles puis décapitée à la machette. Mais par qui?Image : AFP/Getty Images/B. Ericson

La SZ raconte comment Zaida Catalán a appelé sa mère depuis le Kasaï quelques minutes avant sa mort. Zaida Catalán qui avait été mandatée avec son collègue Michael Sharp pour enquêter sur des crimes commis par l'armée des FARDC et des groupes rebelles.

"L'ONU incarne le droit international, l'équité et l'élucidation des crimes", écrit le journal de Munich. Mais dans le cas des deux experts, on peut se demander si les Nations unies n'ont pas fait ce qu'elles sont justement censées combattre : cacher la vérité derrière un écran de fumée, pour des raisons politiques.

Des exécutions ordonnées en lingala

Et là le journal relate la peur des proches de Zaida Catalán et leur confiance déçue en l'ONU. Malgré les assurances, y compris du secrétaire général Antonio Guterres, l'enquête pour savoir qui a tué les deux experts puis décapité Zaida ne progresse pas. Le régime congolais publie la vidéo de la double exécution et accuse les Kamuina Nsapu, des "terroristes". Sauf que sur la vidéo, les bourreaux parlent mal tshiluba, la langue du Kasaï, et que l'ordre de tirer est donné en lingala, une langue honnie par les Kamuina Nsapu.

De plus, les relevés téléphoniques montrent que l'un des traducteurs qui accompagnaient les deux occidentaux avait des contacts fréquents avec un officier de l'armée congolaise.

Or, dans leur rapport interne, les Nations unies auraient insisté sur le manque de prudence des experts qui n'auraient par exemple pas utilisé de véhicule de l'ONU, et minimisé les responsabilités gouvernementales, afin de s'assurer de la coopération des autorités avec la MONUSCO, la plus grande et la plus chère des missions onusiennes.

Straßenszene in Luvungi, Nord-Kivu, DR Kongo
Dans une rue de Luvungi, dans le Nord-KivuImage : picture-alliance/Y. Tylle

Le débat sur les œuvres d'art spoliées durant la colonisation

Die Zeit évoque le rapport rendu par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr à Emmanuel Macron et rappelle qu'un rapport ne suffit pas à garantir que ses recommandations seront mises en œuvre.

L'hebdomadaire explique que seules une vingtaine de statues du Dahomey seront remises petit à petit au Bénin dans un premier temps, sur les  70.000 objets africains exposés au Musée du Quai Branly.

En Allemagne, environ 65.000 œuvres africaines sont dans des musées, à Leipzig, Dresde et Herrnhut. La directrice de ces musées salue l'initiative de Paris et appelle à réfléchir à une "nouvelle éthique de la collection" muséale. Mais de nombreux collectionneurs ont peur de voir leur collection perdre de sa valeur et craignent l'imbroglio juridique que des restitutions massives pourraient entraîner.

BG Afrikanische Raubkunst | Kultgott GU vom Palast des Königs Behanzin
Un dieu Gu du palais de Béhanzin (Dahomey)Image : Imago/UIG/W. Forman

De son côté, la Frankfurter Allgemeine Zeitung écrit "La boîte de Pandore est ouverte". Le quotidien estime que la restitution d'œuvres d'art ne suffira pas à panser les plaies du colonialisme. La FAZ préconise "un dialogue avec les sociétés d'origine de ces œuvres qui débouche sur un travail de musée commun".

La Süddeutsche Zeitung résume les différentes réactions au projet du président français, qualifié tour à tour de "juste, mauvais, trop hâtif, nul et non avenu ou très courageux".

 La ministre de la culture Monika Grütters est favorable à la restitution des œuvres spoliées, par les nazis ou durant la colonisation. Elle prône la recherche scientifique sur la provenance des œuvres, comme elle s'est développée en Allemagne ces dernières années.

D'autres penchent pour une numérisation des œuvres concernées qui pourraient être rendues sous cette forme à leurs propriétaires d'origine.

Encore deux-trois conseils de lecture

Un article de la SZ datée du 30 novembre sur le président tanzanien, John Magufuli, qui est passé, écrit le journal, du statut de porteur d'espoir à celui de dictateur. Et qui cherche désormais de nouveaux soutiens en Chine.

Kamerun Brustbügeln
Le repassage des seins est une pratique qui mutileImage : Renata

Ou encore, dans die tageszeitung un article sur la réhabilitation difficile des trois bibliothèques publiques de Nairobi et un autre sur les affres d'une pratique traditionnelle qui handicape durablement de nombreuses femmes de certaines régions du Cameroun, du Tchad ou du Togo : le repassage des seins.

Cette pratique douloureuse est censée ralentir la croissance de la poitrine des jeunes filles au moment de la puberté, pour dissuader d'éventuels violeurs.