1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Cameroun : interdiction d'évoquer l'état de santé de Biya

Henri Fotso | Avec agences
11 octobre 2024

Dans une note adressée aux gouverneurs régionaux, le Ministre de l'Administration du territoire interdit formellement aux médias d'évoquer l'état de santé du président camerounais.

https://p.dw.com/p/4lfTP
Paul Biya n'est plus apparu en public depuis debut septembre
Le président Paul Biya est au pouvoir depuis le 6 novembre 1984Image : Jemal Countess/UPI/newscom/picture alliance

Cette note a été prise après que les autorités camerounaises ont vigoureusement démenti des rumeurs alarmantes sur l'état du président Paul Biya.

"Le chef de l'Etat est la première institution de la République et les débats sur son état relèvent du domaine de la sécurité nationale", écrit en substance Paul Atanga Nji, le ministre de l'administration territoriale.

Il indique dans sa note que "tout débat dans les médias sur l'état du président de la République est par conséquent formellement interdit" et "les contrevenants devront faire face à la rigueur de la loi", poursuit cette note interne en date du 9 octobre, tamponnée d'une mention rouge "très urgent".

Par ailleurs, le ministre de l'administration territoriale ordonne à chaque gouverneur de créer "des cellules de veille chargées de suivre et d'enregistrer toutes les émissions et débats dans les médias privés et d'identifier les auteurs de commentaires tendancieux, y compris ceux qui agissent à travers les réseaux sociaux". 

Réprobations

L'interdiction par le ministre de l'administration territoriale des débats médiatiques sur la santé du chef de l'État  camerounais absent depuis de longues semaines suscite de nombreuses réactions.  Le quotidien "L'info à Chaud" basé à Yaoundé titre par exemple ce matin sur la déclaration du député Jean-Michel Nintcheu qui estime que le Ministre Atangana Nji devrait s'occuper uniquement de ses attributions et prérogatives ministérielles.

Quant à Charles Ngah Nforgang, journaliste camerounais et enseignant de journalisme, l'interdiction de tout débat médiatique sur la santé du président Biya est un recul de plus de trente ans. Il pense d'ailleurs que cette interdiction qui n'est pas une première du genre ne sera pas respectée.

Le Cameroun compte plus de 500 journaux privés qui participent à la vitalité de la démocratie
Des camerounais lisant la Une des journaux à Yaoundé en 2012Image : -/AFP via Getty Images

"Interdire aux médias d'organiser des débats sur la santé du chef de l'État nous ramène un peu plus de 30 ans en arrière, notamment à l'ère du parti unique où il fallait promouvoir forcément la pensée unique. Interdire aux médias d'organiser des débats sur la santé du chef de l'État, j'ai envie de dire ici que c'est aller à l'encontre même des principes qui gouvernent la pratique du journalisme. Il faut noter qu'en matière d'honneur professionnel, les journalistes n'acceptent des injonctions que celles provenant de leurs rédactions. Monsieur Atanga Nji n'est pas propriétaire d'une rédaction, il n'est pas rédacteur en chef, il n'est pas cadre d'une rédaction pour donner des injonctions aux journalistes. Il ne revient pas à Monsieur Atanga Nji  de choisir les sujets qui seront inscrits dans les débats télévisés. Il ne lui revient pas  également de choisir les panélistes qui viendront débattre d'un sujet. Donc,  j'ai envie de croire que c'est une injonction qui ne sera pas respectée. Et au même moment, j'invite  les journalistes à ne pas respecter cela, mais les médias à ne pas à ne pas respecter. Et effectivement, cette injonction du ministre, voyez vous, on peut avoir la légalité, mais pas forcément la légitimité pour prendre certaines décisions", souligne Charles Ngah Nforgang.

Notons que l'absence prolongée du chef de l'Etat camerounais, qui n'a fait aucune apparition publique depuis début septembre, a suscité beaucoup d'inquiétudes, des questions puis des rumeurs alarmantes sur les réseaux sociaux.

Paul Biya a participé au sommet du forum de la coopération Chine-Afrique (FOCAC), debut septembre. Cependant, le dirigeant  âgé de 91 ans n'a pas participé à la dernière Assemblée générale de l'ONU à New York, ni au dernier sommet de la Francophonie, à Paris.

A 91 ans, Paul Biya est le plus vieux dirigeant élu en exercice. Il dirige le Cameroun depuis plus de 41 ans. 

Vue arienne sur un carrefour de Douala la nuit
Henri Fotso Correspondant au Cameroun pour le programme francophone de la Deutsche Welledwfrancais