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À Lomé, les militants anti-Gnassingbe n'ont pas dit leur dernier mot

21 février 2020

Faure Gnassingbe brigue un quatrième mandat le 22 février. Reportage de notre envoyée spéciale Fanny Facsar à Lomé, où des gens veulent continuer à lutter contre le statu quo malgré la loi qui restreint les manifestations.

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Depuis plus de 50 ans, un seul nom dirige le Togo : Gnassingbe. La famille est au pouvoir depuis 1967. Il y a eu d'abord Eyadema, le père. Et depuis 2005, le fils : Faure Gnassingbe.

À la veille de l'élection présidentielle, c'est l'agitation devant un kiosque à journaux : le visage du président Gnassingbe en Une suffit à énerver la foule. 

"Il n'y a rien, la corruption, aucune sécurité. On est en état de siège dans ce pays, on n'est pas libre !", déplore un habitant. 

"On travaille de six heures le matin à 22 heures le soir pour 40.000 francs CFA", raconte une femme. "On a des familles, des enfants, ça ne suffit pas."

40.000 francs CFA, cela représente environ 60 dollars par mois. Au Togo, la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Le président a promis la prospérité pour tous.

Six candidats invisibles contre Faure Gnassingbe

Six autres candidats se présentent contre lui, mais on ne voit d'eux pratiquement aucune affiche à Lomé. Cela coûte trop cher.

Les manifestations ne sont pas les bienvenues. Le gouvernement a adopté en 2019 une loi pour restreindre le droit de manifester sur les routes principales ou à proximité des bâtiments publics. Officiellement pour des raisons de sécurité.

Selon Fovi Katakou, c'est surtout un prétexte pour museler l'opposition. Il fait partie du mouvement Nubueke, qui réclame la liberté politique.

La loi contre les manifestations n'arrête pas les activistes

"Cette loi ne va pas empêcher la détermination des Togolais parce qu'il y a la misère. Les Togolais veulent vivre mieux. Nous avons en face de nous un régime oppressif, qui tue, qui arrête."

Être sur un fauteuil roulant ne l'a pas empêché d'être en première ligne des manifestations de 2018 qui appelaient à limiter le nombre de mandats présidentiels. 

En 2019, le gouvernement a été contraint d'amender la constitution pour n'autoriser désormais que deux mandats. Mais la règle ne s'applique pas à Faure Gnassingbe. Ses mandats précédents ne comptent tout simplement pas.

"Nous nous sommes engagés pour avoir une limitation de mandats à deux tours, mais on ne l'a pas eue", regrette Fovi Katakou. "Et l'actuel président se présente encore. Le combat continue jusqu'à ce que nous l'ayons."

Le Nord fidèle à Faure Gnassingbe

Lomé et le sud du Togo sont majoritairement anti-Gnassingbe, tandis que le nord, dont le président est originaire, le soutient largement.
Selon des membres de sa campagne, il a fait ses preuves.

"Il y a dix ans, cette route n'était pas comme aujourd'hui donc apparemment le président fait bien les choses", affirme un partisan du président.

Le politologue Magloire Kuakuvi s'inquiète des irrégularités électorales et craint de voir l'opposition se radicaliser.

"Ce que nous ne souhaitons pas au pays, c'est qu'en désespoir de cause il y ait des radicaux", témoigne-t-il. "Et je pense que l'opinion internationale doit tenir compte de ce paramètre. Ce n'est pas parce que cette génération ne réagit pas comme ça que les générations futures ne réagiront pas violemment."

Fovi Katakou veut malgré tout rester pacifique et créatif. Selon lui, personne ne pourra le chasser s'il porte un tee-shirt et proteste sur une route secondaire. C'est sa façon à lui d'entretenir l'espoir d'une contestation organisée qui remettrait en cause le statu quo.