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Un programme humanitaire pour des femmes yezidies

27 juillet 2018

L'Allemagne et l'UE cherchent à réviser leurs lois et procédures en matière d'asile. Un programme pour les femmes yezidies, géré par l'Etat allemand du Bade-Wurtemberg pourrait-il devenir un modèle à suivre ?

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Irak Frau mit Kind flieht aus Basra
Image : picture-alliance/AP Photo/A. Niedringhaus

Cet été, le débat sur la migration a provoqué un clivage politique en Allemagne. A l’heure actuelle la chancellerie d'Angela Merkel est consolidée, mais le compromis sur les procédures de transit ne permettra pas de parvenir à un accord sur une politique européenne commune en matière d'asile.

Un programme spécial pour les femmes Yezidi

Lorsqu'en 2014, l'État du Bade-Wurtemberg, dans le sud de l'Allemagne, a lancé son programme humanitaire visant à faire venir en Allemagne plus de 1 100 femmes et enfants particulièrement vulnérables du nord de l'Irak, il a été qualifié de pionnier. La plupart de ces femmes sont issues de la communauté Yezidi et ont subi des violences et des persécutions de la part de l'Etat islamique.

En 2014, le parlement du Bade-Wurtemberg (Landtag) et son ministre-président, le Vert Winfried Kretschmann, ont adopté le programme à la condition que les bénéficiaires soient choisis personnellement et sur place dans le nord de l'Irak par une équipe dirigée par le Dr Michael Blume.

Jesidische Flüchtlinge im Irak 20.08.2014
Des Yezidi du nord de l’Irak fuyant l’Etat islamiqueImage : picture-alliance/abaca/Depo Photos

Cette équipe de 12 personnes comprenait le psychologue Dr Jan Ilhan Kizilhan, spécialiste des traumatismes. Il aurait affirmé que, bien qu'il ait déjà travaillé avec d'autres victimes de guerre, de viols et de traumatismes au Rwanda et dans l'ex-Yougoslavie, ce qu'il a vu dans le nord de l'Irak était à ce jour son expérience la plus terrible. La plus jeune victime que le programme allemand a aidée était une fillette de 8 ans qui avait subi de multiples viols et violences, explique Michael Blume.

Préparer le terrain

Le traitement des femmes en Irak et la vérification croisée de leurs histoires ont fait que tout était prêt pour elles une fois arrivées en Allemagne, de sorte qu'elles n'avaient pas à attendre pour obtenir l'asile. Ironiquement, la loi allemande sur l'asile politique est toujours conçue de telle sorte que la plupart de ces femmes n'auraient peut-être pas eu droit à l’asile, bien qu'elles aient été persécutées, parce que les auteurs de ces actes n'appartiennent pas à un État officiel.

Michael Blume pense qu'un programme comme le sien devrait être déployé dans l'ensemble du pays et de l'UE. "Cela pourrait être un bon moyen de créer une politique humanitaire moderne pour les réfugiés ", dit-il.

"Si vous vous contentez d'accepter les gens aux frontières, cela peut sembler très humanitaire, mais d'une certaine manière, c'est aussi une sorte de sélection", explique-t-il. Michael Blume souligne que ceux qui arrivent aux frontières ont tendance à être soit assez riches pour payer les trafiquants, soit jeunes et généralement de sexe masculin pour pouvoir risquer leur vie et marcher sur de longues distances. "En fin de compte, la plupart de ceux qui avaient le plus besoin d'aide, les femmes et les enfants, n'auraient pas eu la moindre chance d'atteindre la frontière autrichienne ou allemande", explique-t-il.

‘Sauver une vie pour le prix d’une voiture’

Au début, le programme devait coûter environ 95 millions d'euros ; après quatre ans, Michael Blume estime les coûts totaux à environ la moitié de ce montant, même si "aucune dépense n'a été évitée". A première vue, cela peut sembler beaucoup pour 1 100 personnes, mais cela représente environ 43 000 euros par personne sur quatre ans ; comme le dit Blume : "vous pouvez sauver une vie pour le prix d'une voiture et je pense que les démocraties devraient le faire".

Nadia Murad Sacharow-Preis des Europaparlaments
Nadia Murad, militante des droits de l’homme, a été l'une des premières bénéficiaires du programme du Bade-Wurtemberg.Image : picture alliance/dpa/V. Simanek

Beaucoup de femmes et d'enfants qui participent au programme font désormais des études ou travaillent. Certains ont obtenu leur permis de conduire. Seulement 20 d'entre eux ont décidé de retourner vivre en Irak. L'une des premiers bénéficiaires est Nadia Murad, qui a été nominée pour le prix Nobel en 2016 et qui est ambassadrice de bonne volonté de l'ONU.

En fin de compte, la plupart de ceux qui avaient le plus besoin d'aide, les femmes et les enfants, n'auraient pas eu la moindre chance d'atteindre la frontière autrichienne ou allemande.

Michael Blume reconnaît qu'il est plus difficile pour les femmes de plus de 40 ans d'apprendre la langue. Il souligne qu'il s'agit de "1 100 biographies individuelles [qui ont souffert] de violence et de traumatismes lourds, de sorte qu'il y a bien sûr des différences dans la résilience et la manière dont elles font face aux choses ".

Les groupes qui font le plus de progrès sont ceux qui ont le plus d'enfants, confie-t-il. C'est comme s'ils avaient une raison de vivre et les enfants ont aussi soutenu ceux qui aident le groupe. "Nous avons appris en aidant ", dit Michael Blume, et les enfants ont aussi donné de la force à ceux qui dirigeaient le programme.

Ils rêvent d’un petit-déjeuner et d’une place à l’école

Afghanistan Schule für ehemalige Straßenkinder
Dans de nombreux pays, les filles sont plus exposées que les garçons à la discrimination sexuelle, aux grossesses précoces et aux mariages d'enfants.Image : picture-alliance/dpa/V. Melnikov

"Nous avons demandé à tous les bénéficiaires avant qu'ils ne viennent ici, ce qu’ils voulaient faire en Allemagne. L'une des réponses les plus répandues des enfants était " je veux prendre le petit déjeuner à l'école ". Juste prendre le petit déjeuner et aller à l'école sans crainte, c'était comme être au paradis ", explique Blume.

Selon lui, le programme a bien fonctionné. Il souligne l'absence de suicides au sein de son groupe : "ils sont tous vivants et beaucoup d'entre eux sont très forts et vont de l'avant dans leur existence, et nous sommes heureux de les avoir ici ", dit Blume.

"Quand les gens demandent l'asile, ils doivent rompre les liens avec leur famille et leur pays d'origine et ici, ils ont eu la liberté de choisir [de voyager ou non] ”. Certains des participants, dont l'une des premiers bénéficiaires, Nadia Murad, travaillent avec la police et les avocats pour porter plainte contre l'État dit islamique.

Depuis le début du projet, la perspective des "sauveteurs" a également changé. "Nous avons dû apprendre que ces femmes sont des adultes, que nous devons les respecter non pas en tant que victimes mais en tant que survivantes, avec leur force et leur résilience".

 

Cet article de Emma Wallis, traduit par Audrey Parmentier, a été publié pour la première fois sur le site InfoMigrants: http://www.infomigrants.net/en/post/10534/asylum-following-a-humanitarian-program-for-yazidi-women