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Etat de droitTchad

Au Tchad, la colère des défenseurs des droits humains

Blaise Dariustone
8 novembre 2023

L'accord signé entre Succès Masra et les autorités tchadiennes à Kinshasa prévoit une amnistie pour les auteurs de la répression sanglante du 20 octobre 2022. Certains Tchadiens y voient un blanc-seing pour l'impunité.

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Portrait d'une jeune femme au regard sévère (illustration)
Les défenseurs des droits humains et certains membres de la société civile du Tchad ne voient pas d'un bon oeil l'accord signé entre Succès Masra et le gouvernement de transitionImage : ZOHRA BENSEMRA/REUTERS

Au Tchad, les victimes de la sanglante répression du 20 octobre 2022 et les organisations de la société civile rejettent le projet d'amnistie générale pour les crimes commis lors de ces événements.

Le 31 octobre dernier, le leader du parti Les Transformateurs, Succès Masra, et le gouvernement de transition tchadienne ont signé à Kinshasa, sous l'égide du médiateur de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale, le président Félix Tshisekedi, un accord de paix ayant permis le retour de Succès Masra au pays après plus d'un an d'exil.

Cet accord qui prévoit l'amnistie des auteurs de ces massacres est considéré comme une impunité accordée aux bourreaux, selon les victimes et les organisations de défense des droits humains. 

"Notre démarche est une démarche politique" (Succès Masra)

Trahison ou erreur politique ? 

Si Succès Masra est accusé par certains d'avoir trahi ses militants, legouvernement tchadien est également accusé, à travers ce projet d'amnistie, de vouloir couvrir les forces de défense et de sécurité, autrices présumées de la sanglante répression du 20 octobre 2022.

Joel Djastadom, qui a perdu son neveu lors de ces évènements, estime que ce projet d'amnistie est une erreur politique : 

‘'Un accord de paix c'est bien, mais il ne peut pas y avoir la paix sans la justice. J'attends jusque-là que justice soit rendue à mon neveu qui a été tué lors de ces évènements. Dire que c'est bon, on amnistie les coupables au nom de la paix, moi je pense que c'est une bêtise. Succès Masra a commis une erreur politique très grave''.

Des feux ont été allumés sur une chaussée de N'Djamena lors d'une manifestation du 20 octobre 2022
La répression des manifestations du 20 octobre 2022 ont fait des centaines de victimes au TchadImage : LE VISIONNAIRE/REUTERS

Lutter contre l'impunité

Mougabé Ngarmaybé, militant du parti Les Transformateurs, avait été arrêté pendant plus de six mois, jugé et condamné au cours d'un procès de masse, sans assistance d'avocats, avant d'être gracié. Il ne réclame que deux choses aujourd'hui : la condamnation des auteurs de cette répression et la réparation des victimes.

‘'Aujourd'hui, on parle d'amnistie, qu'on ne reproche rien à qui que ce soit, s'indigne-t-il. En tant que victime, je dirais que si les autorités veulent qu'il y ait la paix et qu'on se réconcilie, alors que ceux qui ont commis ces actes du 20 octobre soient traduits devant les juridictions compétentes. Il faut chercher à indemniser les victimes, sinon je crois que la colère va continuer''.

Un avis que partage également l'avocat Max Loalngar, principal porte-parole de Wakit-Tama, une des organisations à l'origine de la manifestation du 20 octobre 2022 et qui vit désormais en exil

‘'L'initiation de cette amnistie consacre purement et simplement l'impunité qui a déjà cours dans notre pays avec une acuité indéniable, dénonce Max Loalngar. Compte tenu de l'ampleur des massacres qui se sont passés ce 20 octobre 2022, on ne saurait soutenir une amnistie qui doit intervenir sans qu'on ait identifié au préalable les criminels, sans que la justice n'ait été mise en branle, de manière à déterminer très clairement les responsabilités et à nous faire savoir l'ampleur du désastre du 20 octobre 2022''.

Projet d'amnistie au Conseil des ministres

Entre-temps, les choses semblent avancer. Le projet d'amnistie a été discuté en Conseil des ministres ce mercredi [8.11.23] à N'Djamena.

La répression des manifestations du 20 octobre 2022 contre la prolongation de la transition avait fait 73 morts selon le gouvernement, et plus de 300 selon les ONG de défense des droits de l'Homme.