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Le retour de Succès Masra, une opposition mise au pas ?

Wendy Bashi
6 novembre 2023

L’un des principaux opposants est rentré au pays, trois jours après avoir passé un accord avec le pouvoir tchadien et après un an d'exil.

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L'homme politique tchadien, Succès Masra (Photo d'illustration)
Comme plusieurs autres leaders de l'opposition, Succès Masra avait été contraint de s'exiler quelques jours après la répression du 20 octobre 2022 (Photo d'illustration)Image : Julien Adayé/DW

Succès Masra avait été contraint de s'exiler quelques jours après la répression très meurtrière de manifestations contre le pouvoir militaire le 20 octobre 2022

Dans l'accord de principe signé à Kinshasa le 31 octobre, le gouvernement tchadien s'était engagé à faciliter le retour de Succès Masra  "dans la sécurité juridique et physique, garantissant le libre exercice de ses activités politiques".

En retour, l'opposant promettait de continuer le dialogue en vue d'une solution politique pacifique au Tchad où il contestait jusqu'alors le pouvoir du général Mahamat Idriss Déby Itno. 

"Nous attendons de voir les acteurs à l’œuvre, surtout ceux au pouvoir" (Delphine Kemneloum Djiraïbé)

Le retour de Succès Masra est un message que les autorités souhaitent envoyer aux opposants et aux défenseurs des droits de l’Homme, mais il ne convainc pas Jean Bosco Manga, juriste et écrivain tchadien, qui rappelle que dès le début de la transition, en 2021, il y a eu plusieurs accords signés soit avec les activistes de la diaspora soit avec des exilés politiques, mais qu’au fil du temps, ces accords ont déçu.

" Les promesses qui ont été faites par rapport aux clauses qui sont parfois formelles ou informelles ne sont pas respectées une fois que ces personnes se retrouvent au Tchad. Cela fait qu’il y a souvent des doutes sur la bonne foi du gouvernement quant à l’exécution des termes de l’accord. Ce n’est pas le premier ou l’unique signal sous cette transition."

La société civile demande à voir

Delphine Kemneloum Djiraïbé, avocate principale du Public Interest Law Center (PILC) rappelle quant à elle que de nombreuses lois ne sont pas appliquées au Tchad. Elle reste sceptique quant à l’application des engagements pris par le gouvernement. 

"Nous attendons de voir les acteurs à l’œuvre, surtout ceux du pouvoir parce que c’est eux qui ont le pouvoir et qui doivent faire en sorte que les choses aillent au mieux. C’est eux qui détiennent le pouvoir, ils l’utilisent et ils en abusent. L’accord ne vaut que par son application", estime-t-elle. 

L’accord de Kinshasa prévoit aussi une grâce présidentielle pour les personnes condamnées à de la prison ferme après des manifestations contre le pouvoir. Mais aussi de l’amnistie prévue pour les acteurs de la répression.

Risque d'impunité

Pour Abdoulaye Diarra, chercheur pour l'Afrique centrale chez Amnesty International, "la question que se posent aujourd'hui les familles des victimes qu'elles aient été tuées ou celles qui ont été détenues de manière arbitraire est celle de l'enquête qui devait déterminer les violations, y compris celles venant des forces de sécurité. Est-ce que le fait de parler d'une forme de pardon général va éteindre cette enquête ? Ce sont les inquiétudes des organisations qui dénoncent d'ores et déjà un acte qui pourrait aller dans le sens de l'impunité. Alors que les associations attendent justement qu'on mette fin à cette impunité et que les responsables répondent de leurs actes."

Human Rights Watch (HRW) a accusé récemment le pouvoir militaire tchadien de continuer à limiter la dissidence politique, à un mois et demi d'un référendum prévu le 17 décembre pour l'adoption d'une nouvelle constitution censée ouvrir la voie à des élections.