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Retour d'un fouet et d'une bible spoliés en Namibie

Sandrine Blanchard | Daniel Pelz
28 février 2019

L'Allemagne a rendu aujourd'hui à la Namibie des biens ayant appartenu au chef nama Hendrik Witbooi et volés durant la colonisation. Ses descendants protestent contre leur exclusion des négociations d'Etat à Etat.

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Hendrik Witbooi
Hendrik Witbooi Image : picture-alliance/akg-images

A qui appartiennent les biens culturels spoliés ? Et donc à qui les rendre ? Une question complexe, relancée en Allemagne par la polémique autour d'une bible et d'un fouet.

Ces deux objets ont appartenu à un certain Hendrik Witbooi, héros du peuple nama, et ils avaient été volés par des Allemands en 1893, à l'époque coloniale.

Ces biens culturels ont été restitués officiellement ce jeudi à la Namibie par le Land du Bade-Wurtemberg. Mais ces derniers temps, les critiques se sont multipliées au sujet de cette restitution en Namibie.  

Rückgabe geraubter Kulturgüter aus der Kolonialzeit, Linden-Museum Stuttgart, NamibiaRückgabe geraubter Kulturgüter aus der Kolonialzeit, Linden-Museum Stuttgart, Namibia
La bible et le fouet de WittbooiImage : Linden-Museum Stuttgart/D. Drasdow

Assumer le passé

"Nous ne pouvons pas effacer le passé, mais nous en assumons notre part de responsabilité". C'est par ces mots que la ministre régionale des Sciences du Land du Bad-Wurtemberg, l'écologiste Theresia Bauer, a procédé à la restitution officielle de la bible et du fouet de Hendrik Witbooi à la Namibie.

Depuis 1902, ces deux objets étaient entreposés dans un musée de Stuttgart, en Allemagne. Sandra Ferracuti, responsable du département Afrique du musée, salue un geste fort : "Cette restitution a une grande portée symbolique, car Hendrik Witbooi était une figure importante en Namibie. Nous voulons ouvrir un dialogue étroit avec nos partenaires sur place."

Racines d'Afrique : Hendrik Witbooi

Hendrik Witbooi (1830-1905)

Hendrik Witbooi était un chef nama à l'époque de la colonisation allemande. Il s'est fait baptiser par des missionnaires allemands et a coopéré avec les colons avant de prendre les armes contre l'oppresseur. Il est mort en 1905 dans une bataille contre les soldats du Reich.

La bible et le fouet de Witbooi sont les tout premiers objets africains spoliés durant la colonisation qui sont rendus par la région du Bade-Wurtemberg.

Le gouvernement régional a également prévu une enveloppe de 1,2 millions d'euros pour des projets avec des instituts de recherche et des musées de Namibie.

Jusqu'à l'inauguration d'un musée à Gideon, la ville natale de Witbooi, dans le sud du pays, sa bible et son fouet seront conservés aux archives nationales.

Präsentation von Raub-Kulturgütern Hendrik Witbooi
Image : picture-alliance/dpa/M. Murat

Cela faisait longtemps que Windhoek demandait le retour de ces objets du "Capitaine" Witbooi.

Sauf que l'Etat n'était pas le seul à les réclamer : l'association des chefs traditionnels namas (NTLA) et des descendants estiment qu'ils sont les véritables propriétaires légitimes de ces biens volés.

Le secrétaire général de la NTLA, Lazarus Kairareb, estiment que"ces objets appartiennent à un individu. S'ils sont la propriété d'un ménage, il aurait fallu les rendre soit à l'Eglise soit à la famille qui aurait décidé qu'en faire. Mais finalement, ce sont des gens qui n'ont rien à voir avec ça qui ont décidé." 

Jusqu'à aujourd'hui, l'enseignement de l'histoire du génocide est réduit à la partie congrue des programmes dans les écoles de Namibie. On a étouffé cette histoire trop longtemps, on a négligé la discussion. On dirait que la Namibie n'a aucune position philosophique sur son histoire."

Überlebende Herero nach der Flucht durch die Wüste
Des Hereros ayant survécu à leur fuite dans le désertImage : public domain

La NTLA reproche aux autorités d'être dominées par le peuple Ovambo et de ne pas assez représenter les autres ethnies qui ont été persécutées.

Le premier génocide contemporain

Entre 1904 et 1908, les colons allemands ont réprimé dans le sang les soulèvements hereros et namas et tué entre 75.000 et 100.000 personnes dans ce qui est considéré comme le premier génocide du XXe siècle.

Depuis 2015, l'Allemagne reconnaît ce génocide mais la République fédérale n'a toujours pas présenté ses excuses.

Deutschland Rückgabe sterblicher Überreste aus Deutscher Kolonialzeit
Manifestations à BerlinImage : picture-alliance/AA/A. Hosbas

L'an dernier, l'Allemagne a restitué des ossements pillés eux aussi durant l'époque coloniale à des fins pseudo-scientifiques. Les représentants des Hereros et Namas en ont profité pour laisser libre cours à leur amertume : ils veulent être associés aux discussions entre les deux Etats.

Le ministre allemand de la Coopération, Gerd Müller, espère que d'ici la fin de l'année en cours, les deux pays parviendront à un accord sur des dédommagements.