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"Pas de dialogue possible" pour Jean Ping

19 avril 2017

L'opposant gabonais continue de contester la réélection du président Ali Bongo Ondimba. Au micro de la DW, il réagit aussi aux défections de certains proches qui participent au dialogue convoqué par le pouvoir gabonais.

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DW : Monsieur Jean Ping, le dialogue politique initié par le président Ali Bongo est depuis mardi à sa deuxième phase consacrée aux acteurs politiques. Pourquoi avez-vous décidé de boycotter ce dialogue ?

Jean Ping : Le dialogue est initié par un vainqueur et non pas par un vaincu. Et voilà une personne qui a perdu les élections, qui a triché, tout le monde le sait. L'Union européenne le sait. Les Allemands le savent, et lui-même le sait. Et voici qu'il se proclame vainqueur et qu'il veut organiser un dialogue. Donc vous voyez qu'un vaincu ne peut pas s'autoproclamer vainqueur et organiser un dialogue. Ça c'est le premier problème qui se pose. Le second problème est que nous savons tout ce qu'ils veulent faire. Ils veulent gagner du temps et simplement faire en sorte que le président qui s'est autoproclamé, qui a perdu les élections, reste en place.

DW : Mais à quelles conditions accepteriez-vous de participer à un dialogue ?

JP : Non, je crois qu'il n'y a pas de dialogue possible si vous ne voulez pas respecter la vérité des urnes. Dès que vous respectez la vérité des urnes, nous sommes prêts à dialoguer avec tout le monde. Y compris sur les conditions de passation de service.

DW : Donc il faut discuter plutôt des conditions du départ négocié d'Ali Bongo Odimba ?

JP : Oui, je pense que c'est aussi simple que ça. Parce que depuis 50 ans environ qu'est-ce qu'on fait ? On organise des élections, on tripatouille, on triche. Si le peuple bouge, on lui tape dessus. Et après lui avoir tapé dessus, on vous appelle au dialogue pour dire, venez, on va se partager le gâteau. Et ça recommence comme ça sans fin.

DW : En principe, il y aura des élections législatives en juillet. Si cette date est maintenue, est-ce que vous et vos amis politiques prendrez part à ce scrutin ?

JP : Nous sommes en train simplement d'en discuter, parce que le public ne veut pas d'élection organisée par un perdant. Mais c'est une question qui dépasse ce problème, parce que les élections sont quand même constitutionnelles. Donc les partis politiques sont en train d'en discuter. Il y en a qui sont contre et il y en a qui sont pour. Et on est en train d'examiner tout ça.

DW : Est-ce que ce n'est pas peine perdue, Jean Ping, de continuer à exiger le départ d'Ali Bongo? Alors que quasiment toute la communauté internationale est en train de reconnaître ou a déjà reconnu sa réélection ?

JP : Je pense que là vous faites erreur. Vous-même qui êtes en Allemagne, demandez si les Allemands reconnaissent Ali. Je ne crois pas.

DW : Oui mais l'ambassadeur d'Allemagne au Gabon n'a pas été rappelé ! Tout comme l'ambassadeur nommé par Ali Bongo est en poste à Berlin !

JP : Oui ça veut dire quoi ? Ca ne veut rien dire. Un ambassadeur est nommé par son pays auprès d'un autre pays. Et l'ambassadeur d'Allemagne au Gabon était là déjà  avant les élections. Il n'y a pas de raison de le rappeler. Il représente un pays auprès d'un autre pays.

DW : Et de quelle marge de manœuvre disposez- vous actuellement en vue d'arracher, si je peux le dire ainsi, le pouvoir des mains d'Ali Bongo Odimba?

JP : Vous savez, quand un peuple ne veut plus de vous, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, il arrivera toujours à ses fins. Et la situation actuelle, c'est que le peuple gabonais, tout entier, veut l'alternance et le changement. Voilà, c'est tout.

DW : Certains de vos proches, ceux qui vous ont soutenu lors de la présidentielle d'août 2016, ont accepté, contre vos attentes, de prendre part à ce dialogue convoqué par le pouvoir gabonais. Est-ce que ce n'est pas une déception pour vous ?

JP : Ecoutez, un dialogue politique, d'abord les amis politiques, il y en a qui vont à la soupe. Il y en a qui ne sont là que pour aller à la soupe. Il y en a même qui montent les enchères pour qu'ils puissent être retenus et aller à la soupe. Ceux qui sont allés à la soupe, il faut les laisser aller à la soupe. Par exemple les candidats qui m'ont soutenu, qui sont cinq, nous sommes restés soudés. Il n'y a que les opportunistes qui font toujours ce jeu-là. Qui sont partis de l'autre côté. Et je pense qu'il vaut mieux d'ailleurs que ça soit clair et c'est clair comme ça.

DW : Oui mais parmi ceux que vous appelez des opportunistes, on retrouve quand même votre ancien directeur de cabinet ou bien de campagne !

JP : Ah ! Posez-lui la question. C'est à lui qu'il faudrait poser la question.

DW: Qu'est-ce que vous attendez de l'Allemagne dans ce combat politique que vous menez ?

JP : Je crois que l'Allemagne a toujours été, en tout cas l'Allemagne de Mme Merkel, un pays respectueux de la démocratie et de l'Etat de droit. Nous l'avons toujours vérifié au sein des Nations unies, au sein de l'Union européenne, et dans les engagements internationaux et les positions internationales que l'Allemagne prend. Ses positions sont toujours claires en faveur de la démocratie, des droits de l'homme et de l'alternance. Donc nous sommes très heureux de la prise de position allemande et des valeurs que défend l'Allemagne aujourd'hui.

DW : Merci beaucoup, Jean Ping