Pas de complicité policière avec l'extrême droite
22 août 2013Dans un rapport présenté jeudi à Berlin, une commission d'enquête du Bundestag, la chambre basse du parlement allemand, dénonce « l'échec massif des autorités », pour élucider une série de meurtres et d'attentats perpétrés par la NSU, un groupuscule néo-nazi, contre des membres de communautés étrangères. Entre 2000 et 2006, trois membres de la NSU ont abattu neuf personnes, dont huit turques ou d'origine turque et un Grec, ainsi qu'une policière en 2007. Deux des membres du trio se sont donné la mort en novembre 2011, et l'unique survivante, Beate Zschäpe, est jugée à Munich depuis mai dernier.
Fausses pistes
Déjà dès le premier meurtre, les policiers s'étaient concentrés sur l'hypothèse de la criminalité organisée dans les milieux turcs. Conséquence : les familles des victimes ont été elles-même soupconnées d'être impliquées dans ces meurtres. Ce jeudi le président de la commission d'enquête parlementaire, le social démocrate Sebastian Edathy, a estimé que la police et le renseignement intérieur ont « grandement sous-estimé la dangerosité de la mouvance extrémiste de droite violente en Allemagne ». Il a jugé inadmissible que lors d'enquête sur des crimes capitaux, les procédures d'enquête puissent dépendre du fait qu'une victime soit membre d'une minorité ethnique :
« Toute personne en Allemagne doit avoir la certitude que s'il lui arrive quelque chose, on enquête de manière globale, ouverte, sans préjugés et sans tenir compte de son origine. Or, dans neuf des dix meurtres perpétrés par la NSU, cela n'a été le cas ni pour huit victimes d'origine turque ni pour une victime d'origine grecque ! »
18 mois de travail pour la commission d'enquête
Les membres de la commission, issus de tous les partis représentés au Bundestag, ont régulièrement siégé pour faire toute la lumière sur l'affaire. Le groupe a exclu l'hypothèse exprimée par certains selon laquelle les enquêteurs auraient couvert les coupables, comme l'explique Clemens Binniger, membre chrétien-démocrate de la commission :
« Il n'y a ni preuves, ni indices qui montreraient que les autorités auraient sciemment ou volontairement dissimulé une piste ou couvert les coupables. Ce soupcon est écarté ! »
Les enquêteurs auraient donc finalement pêché par routine, en suivant les sentiers battus habituellement au lieu de suivre toutes les pistes possibles. Et en particulier celle de criminels d'extrême droite, alors que certains indices existaient dans cette direction. On parle plutôt de pannes lors de l'enquête.
Certaines voix critiques émettent des doutes
L'avocat de l'une des victimes, Mehmet Daimagüler, n'a pas caché sa déception :
« Je trouve bien triste qu'après tout le travail fait par la commission, tous les témoins qui ont été entendus, tous les documents qui ont été examinés, on passe sous silence un fait évident : le racisme, un racisme institutionnel… Au lieu de cela on parle de „pannes“, alors qu'il ne s'agit pas de pannes mais d'actions intentionnelles de certains fonctionnaires.»
Si d'autres voix ont aussi accusé services de renseignement et police de racisme dans cette affaire, la commission a toutefois tenu à souligner ne pas avoir établi de collusion éventuelle entre la police et l'extrême-droite. A la suite de la faillite de ses services, Heinz Fromm, le patron de l'Office de protection de la Constitution, le renseignement intérieur allemand, avait été contraint à démissionner en juillet 2012.
Les députés doivent se réunir en séance plénière exceptionnelle le 2 septembre pour examiner le contenu du rapport de 1400 pages remis jeudi au président du du Bundestag.