Les Saoudiennes (enfin) au volant
22 juin 2018Des femmes rencontrées à Riyad, la capitale de l'Arabie Saoudite, font part de leur joie : "Quand j'aurai mon permis, je commencerai par faire faire un petit tour à ma famille. On ira fêter ça quelque part", dit l'une d'elles.
Une autre s'y voit déjà : "Le 24 juin, j'irai chercher ma mère en voiture pour faire un tour avec elle. J'ai vraiment hâte. Rien que ma mère et moi dans la voiture...".
Une troisième cache mal son impatience: "Je suis sur une liste d'attente. Je suis très heureuse et vais essayer de remplir toutes les conditions de l'auto-école pour pouvoir décrocher mon permis !"
Ces témoignages de femmes auraient été impensables il y a un an encore.
Conduire comme un acte de résistance
Le nombre de conductrices sera toutefois limité dans un premier temps puisque début juin, seules dix Saoudiennes étaient officiellement en possession d'un permis de conduire.
D'ici la fin du mois, les autorités prévoient qu'elles soient environ 2.000. C'est une petite révolution dans un pays où changer une roue, pour une femme, est perçu quasiment comme un acte de résistance.
A y regarder de plus près, ces changements ne sont toutefois que le résultat d'une pression de la société, en faveur de réformes, comme l'explique Ali Adubisi.
Président de l'Organisation euro-saoudienne des droits de l'Homme, basée à Berlin, il regrette la frilosité des autorités : "Les droits humains sont incompressibles. Et pourtant, il y a encore des droits qui sont refusés aux femmes.
Par exemple, l'émancipation de la tutelle masculine. Les femmes en souffrent énormément, au quotidien. Donc si nous nous félicitons du droit de conduire une voiture accordé aux femmes, il faut réclamer aussi d'autres droits. Les femmes vont continuer à revendiquer, le gouvernement le sait bien."
Intimidations de masse
D'ailleurs, il y a un peu plus d'un mois, l'Etat a fait arrêter des militantes féministes. Des arrestations en forme d'avertissement aux autres femmes jugées trop vindicatives.
Dans le magazine Droits et Libertés (disponible ci-dessous à la réécoute), nous avons déjà parlé d'une des militantes écrouées, Madeha Alajroush, qui avait accordé une interview à la DW quelques mois avant son arrestation.
Une interview dans laquelle elle prévenait les autorités : "Notre style de vie ne peut pas se maintenir en l'état. Il ne pourra pas y avoir de croissance économique tant que la moitié de la population ne pourra pas s'épanouir."