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Les frères ennemis de la famille royale de Jordanie

6 avril 2021

La déclaration d'allégeance du prince Hamza au roi Abdallah II met fin, au moins provisoirement, à une crise qui a ébranlé la Jordanie pendant 48 heures.

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La famille royale de Jordanie réunie et souriante, au mariage du prince Hamza, en 2012
La famille royale de Jordanie réunie et souriante, au mariage du prince Hamza, en 2012Image : Balkis Press/abaca/picture alliance

La déclaration d'allégeance du prince Hamza, rendue publique lundi soir, scelle la réconciliation au sein de la famille royale. Mais les accusations de complot visant à "déstabiliser" le roi Abdallah II, proférées samedi à l'encontre de l'ancien prince héritier, ont mis à jour des dysfonctionnements au sein de la famille régnante ainsi que le mécontentement de certains Jordaniens.  

Le roi Abdallah II. bin al-Hussein se sent-il menacé par son demi-frère ?
Le roi Abdallah II. bin al-Hussein se sent-il menacé par son demi-frère ?Image : Philipp von Ditfurth/dpa/picture alliance

"Plan maléfique" et conjuration

Samedi, le vice-Premier ministre jordanien dénonce l'existence d'un "plan maléfique" destiné à "déstabiliser" la monarchie. Le principal instigateur de ce complot ne serait autre que le demi-frère du roi Abdallah II, le prince Hamza. Cette annonce a de quoi surprendre : la famille royale de Jordanie n'a pas l'habitude de laver son linge sale en public.

'Le ressentiment du prince Hamza' (Jalal Al Husseini, Ifpo)

Le prince Hamza est le fils du roi Hussein, qui l'avait désigné prince héritier. Mais en 2004, Abdallah II l'a déchu de son titre de prétendant au trône au profit de son propre fils.

"Très vraisemblablement, le prince Hamza en a pris ombrage, analyse Jalal Al Husseini, chercheur associé à l'Ifpo, Institut français du Proche-Orient, à Amman. Ces dernières années, il s'était montré assez virulent face à la politique menée par le régime dans le domaine de la lutte contre la corruption, de la conduite des affaires économiques et de la conduite des affaires du pays de manière plus générale."

Une contestation de fond

Dans son courrier d'allégeance au roi, le prince Hamza ne renie pas ses accusations, ce qui laisse penser que la réconciliation n'est que de façade au sein de la famille royale.

Le prince Hamza affirme dimanche avoir été assigné à résidence – ce que n'ont pas confirmé les autorités. Et l'ancien héritier du trône indique aussi qu'il ne se pliera pas aux injonctions du chef d'état-major lui intimant de ne plus communiquer avec l'extérieur.

 

Le vice-Premier ministre affirme, lui, qu'il existe des liens entre le prince Hamza et Basseem Awadallah, ancien conseiller du roi, mais aussi Cherif Hassan Ben Zaid, ancien émissaire du roi en Arabie saoudite, et "quatorze à seize autres" conjurés.

Le chercheur Jalal Al Husseini doute de cette association :

"Basseem Awadallah, par exemple, était un grand promoteur de la privatisation de l'économie, ce qui n'est pas le cas du prince Hamza. Basseem Awadallah est un Jordanien également très urbain, alors que le prince Hamza est très proche des tribus qui ont un rôle important dans les régions rurales du pays. Donc on attend encore de voir quels sont les soubassements de cette affaire. On a parlé de plusieurs pays qui seraient derrière ce complot. Et on attend de voir qui, en cas de complot, aurait pu appuyer une tentative de putsch menée par le prince Hamza. Pour le moment, on n'en sait strictement rien."

Attendre l'enquête (Jalal Al Husseini, ifpo)

D'ailleurs l'armée, les services de renseignement et de sécurité sont toujours fidèles au roi en place. Par ailleurs, Jalal Al Husseini souligne que la monarchie jordanienne est constitutionnelle, avec un gouvernement et un Parlement. "Il y a un jeu démocratique en Jordanie", explique le chercheur de l'Ifpo, contrairement à la monarchie absolue en place en Arabie Saoudite.

Besoin de stabilité au Proche-Orient

Toutefois, Jalal Al Husseini note que "le manque de puissance du Parlement, le manque d'efficacité du gouvernement" ainsi que le vote tribal plutôt qu'idéologique sont "de grandes questions qui affaiblissent la Jordanie".

D'autres chercheurs soulignent qu'une partie de la jeunesse urbaine conteste aussi des traditions qu'elle juge pesantes.

>>> A lire aussi : Jordanie : les raisons de la grogne sociale

A cette crise politique, culturelle et économique, à la crise sanitaire en cours, s'ajoute également le poids démographique important des réfugiés. Le pays, qui compte 10,5 millions d'habitants, accueille environ 4,5 millions de Palestiniens (soit presque autant que dans les territoires occupés) et, plus récemment, un million de Syriens ont fui leur pays pour s'installer en Jordanie. Ces arrivées donnent ainsi parfois lieu à des tensions.

'Les vraies tensions sont ailleurs' (Jalal Al Husseini, Ifpo)

Mais de nombreux pays ont besoin d'une Jordanie stable et plusieurs dirigeants se sont empressés d'assurer le roi Abdallah II de leur soutien.

Le chef de la diplomatie saoudienne a été reçu dans la journée [de mardi] à Amman, porteur d'un message du roi Salmane, en dépit des tensions passées au sujet de la guerre au Yémen ou du refus d'Abdallah II de bannir les Frères musulmans.

Réfugiée palestinienne du camp de Baqa'a près d'Amman (archive de 2018)
Près des deux tiers de la population de Jordanie est d'origine palestinienneImage : Getty Images/AFP/A. Abdo

Le Palestinien Mahmoud Abbas a aussi fait le déplacement et a déclaré à Amman : "Lorsque ces événements se sont produits, nous avons vu le monde entier, sans exception, se tenir aux côtés de la Jordanie et de sa Majesté, et cela témoigne du grand respect et du grand intérêt que suscite ce pays pacifique et sûr, pour lequel nous souhaitons toujours la sûreté et la sécurité."

Même "soutien total" en provenance des Etats-Unis et des monarchies du Golfe. Celles-ci comptent sur une stabilité de la Jordanie, à la fois pour conserver le point de passage économique "Jabeer" qui assure leur lien avec la Méditerranée, et pour éviter qu'une éventuelle contestation populaire contre la monarchie en Jordanie ne se propage dans la sous-région.