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Le tribunal environnemental, une perle rare en Afrique

Fréjus Quenum | Martina Schwikowski
6 août 2020

Encore très peu de pays en Afrique se dont dotés de ce tribunal spécialisé. Un procès au Kenya rappelle son utilité pour l'homme et la nature.

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La cour suprême du Kenya réunie pour juger un litige électoral en mars 2013
L'existence d'un tribunal administratif est censée faciliter le jugement de dossiers liés à la pollution de l'environnementImage : Reuters

Au Kenya, les habitants d'un village qui ont souffert pendant des années de la pollution au plomb liée aux activités d'une entreprise indienne bénéficient de la première décision rendue par un tribunal environnemental dans ce pays d'Afrique de l'est. Certes, l'entreprise pollueuse visée n'existe plus depuis 2014, mais grâce au courage d'une activiste, la justice a rendu une décision, mi-juillet, en faveur des villageois.

Ceux d'entre eux qui vivent encore recevront un dédommagement et l'environnement devra être dépollué.

Owino Uhuru est une activiste environnementaliste qui a remporté le prix "Goldman Environnemental" en 2015 au Kenya
La Kényane Phyllis Omido a encouragé les habitants de Owino Uhuru à déposer une plainte commune Image : Imago Images/Zuma/J. Wakibia

Le couronnement 

L'activiste s'appelle Phyllis Omido, une Kényane qui a fait preuve de ténacité dans sa longue lutte pour la justice. Il y a quelques semaines, son engagement a été récompensé. 

Car le tribunal environnemental du Kenya a condamné l'Etat et le propriétaire de l'entreprise indienne de recyclage de batterie à dédommager les habitants du village d'Owino Uhuru, près de la ville portuaire de Mombasa. Cela, après des années d'empoisonnement au plomb. Mais mieux vaut tard que jamais !

L'entreprise doit verser plus de dix millions d'euros aux 3.500 villageois recensés. Certains sont déjà morts de la pollution tandis que d'autres sont malades depuis des années.

Phyllis Omido travaillait elle-même dans l'administration de l'entreprise. Elle y emmenait souvent son garçon qui finira par tomber malade.

Modèle judiciaire

Cindy Salim : "La spécialisation des tribunaux est un outil efficace"

Le Kenya est l'un des rares pays en Afrique à s'être dotés d'un tribunal spécialisé dans les questions environnementales. Un tribunal, plutôt qu'une administration en charge de l'environnement comme c'est encore le cas dans la plupart des pays. 

Lire aussi → Une étude souligne la mauvaise qualité de l'air en Afrique de l'Ouest

Selon Cindy Salim, juriste auprès de la fondation allemande Konrad Adenauer au Kenya, "l'avantage réside dans le fait que la spécialisation des tribunaux est un outil efficace pour développer l'expertise, pour améliorer l'efficacité du système judiciaire. Et la spécialisation des tribunaux se justifie par l'augmentation des litiges complexes dans le domaine environnemental et cela permet une meilleure interprétation du droit".

La décision du tribunal fera jurisprudence et servira sans doute de modèledans d'autres affaires similaires pour lesquelles l'activiste de 42 ans a encouragé les victimes à porter plainte.

Une sculpture symbolisant la justice exposée dans la ville de Francfort en Allemagne
Le droit positif dans certains pays ne prévoit pas de tribunal environnementalImage : Imago Images/R. Peters

Légitimité constitutionnelle

Une évidence pour Louis Kotzé, enseignant en droit de l'environnement dans une université en Afrique du Sud : "le succès de tels tribunaux dépend également de ce que prévoit la Constitution pour protéger le droit à l'environnement et garantir aussi l'indépendance des tribunaux"

Pour ce spécialiste, "les plus grandes menaces environnementales ne viennent pas des gouvernements mais des sociétés transnationales. Le plus grand défi est de savoir comment faire pour leur faire rendre des comptes au besoin".

Beaucoup de pays africains ne possèdent cependant pas de tribunal environnemental car leur Constitution ne les a pas prévus.

D'après une étude du programme des Nations unies pour l'environnement, publiée en 2016, seuls cinq pays au sud du Sahara : Gambie, Ile Maurice, Nigeria, Soudan et Kenya ont une cour environnementale ou des tribunaux intégrés à l'administration. Dans d'autres pays, cela reste encore un projet.

Photo de Fréjus Quenum à côté d'une carte du monde
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum