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"L'Afrique francophone doit s'améliorer en démocratie"

Georges Ibrahim Tounkara
27 décembre 2023

Interview de David Dossey, coordonnateur de l'organisation Tournons la Page au Togo.

https://p.dw.com/p/4aczO

Notre invité aujourd'hui, David Dosseh, est coordonnateur de l'organisation Tournons la Page au Togo. Il milite en faveur de l'alternance démocratique en Afrique. A ce titre, il a co-écrit en marge du dernier sommet de la Cédéao à Abuja, un communiqué appelant cette organisation sous-régionale à accélérer la révision du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance. David Dosseh dit regretter de voir que la Cédéao soit prompte à réagir en cas de coup d'Etat alors qu'elle accorde peu d’attention aux coups d’État constitutionnels.

 

DW : Vous plaidez pour une limitation des mandats présidentiels dans l'espace de la CEDEAO, c'est bien cela

 

DD : Oui, c'est bien ça. En fait, nous partons d'un constat la plupart des régimes en place cherchent à se maintenir et pour cela, ces régimes font appel à des subterfuges politico juridiques.

 

David Dossey : Ces subterfuges supposent également le recours à la corruption, puisque ces régimes ont besoin de ressources pour nourrir et alimenter cette oligarchie qui gravite autour de ces régimes.

Nourrir également les courtisans. Ces régimes n'ont pas peur de recourir à de véritables coups de force électoraux ou constitutionnels qui sont, de notre point de vue, tout aussi délétères que  les coups d'Etat militaires les coups d'Etat militaires auxquels nous faisons face actuellement en Afrique de l'Ouest.

 

DW : Est ce que ce n'est pas le fonctionnement même de la démocratie que vous remettez en cause dans nos pays?

 

DD : À partir des années 90, il y avait eu beaucoup d'espoir justement avec l'apparition du pluralisme politique, la liberté associative, l'apparition de la presse privée.

Mais cet espoir a vite déchanté et c'est ce qui explique cette situation où nous avons parfois des jeunes qui s'expriment haut et fort en disant que si c'est ça la démocratie, alors nous ne voulons plus de la démocratie.

 

DW : Alors vous parlez de limitation des mandats. On peut vous rétorquer que des mandats illimités, cela peut aussi être de la démocratie si c'est le souhait des peuples.

 

DD : Si on nous garantit que dans les pays ouest africains ou en Afrique, c'est la volonté populaire qui sort des urnes.

Alors nous disons qu'il faut effectivement laisser le peuple s'exprimer.

Mais je pense qu'il est évident pour tout le monde que dans la majorité des pays, les processus électoraux sont tronqués.

Quelqu'un a parlé de braquage électoral. C'est exactement ce à quoi nous faisons face aujourd'hui dans beaucoup de pays et je peux les citer.

Vous prenez le cas du Togo, vous prenez le cas du Gabon.

Récemment, vous prenez le cas de la Guinée avec Alpha Condé.

Ces pays sont innombrables, où les élections se passent dans des conditions extrêmement opaques, où tout le monde est convaincu que les résultats sortis des urnes ne sont pas les bons.

Ces résultats n'expriment pas la volonté populaire.

Pourtant, tout le monde finit par accepter les résultats tels que proclamés.

Et la formule classique, on la connaît, ce sont des irrégularités mineures, mais qui ne sont pas de nature à entacher, etc.

Et je pense que cela est inacceptable. Et c'est pour cela que nous nous disons Faisons en sorte que, à un niveau supranational d'abord et ensuite au sein de chaque pays, on arrive à institutionnaliser la limitation des mandats comme cela, comme ça, un chef d'Etat qui vient, il sait que, quels que soient les subterfuges politico juridiques mis en place après un mandat, éventuellement un deuxième mandat, il ne pourra plus faire de troisième mandat.

 

DW : Cela fonctionne bien. L'alternance après deux mandats, ça fonctionne bien dans la plupart des pays d'Afrique anglophone que francophone. Pourquoi ?

 

DD : Tout à fait. On l'a vu encore récemment au Liberia. Où se situe la cause ?

Je ne saurais pas dire exactement, mais certains vous diront c'est parce que la France continue d'avoir encore une certaine implication dans les affaires politiques des Etats.

Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que ce n'est pas vrai ?

Je ne sais pas, mais c'est un fait et c'est réel. Il faudrait faire en sorte que l'Afrique francophone puisse également tirer son épingle du jeu et qu'on puisse davantage aller vers la démocratie.

Parce que pour nous, la démocratie, même si elle n'est pas la perfection, c'est vraiment le système qui permet l'épanouissement des peuples et qui permet d'aller vers le développement.

 

DW : Alors, que peu la CEDEAO dans une telle situation ? Vous semblez interpeller l'organisation sous régionale ouest africaine.

 

DD : L'organisation sous régionale doit redorer son blason. Déjà en 2015, elle avait essayé de procéder à des réformes impliquant la limitation des mandats. Deux pays s'y étaient opposés le Togo et la Gambie du dictateur du dictateur Yahya Jammeh.

En 2022, alors que tout semblait acquis pour que cette réforme puisse enfin passer de nouveau, le Togo, aidé cette fois ci de la Côte d'Ivoire et du Sénégal, se sont opposés.

Nous, nous voulons qu'il y ait une troisième tentative, mais nous voulons que les responsables de la Cédéao comprennent que cette fois ci, les citoyens que nous représentons, donc la société civile, est aux aguets et que la troisième tentative doit être la bonne.

La réforme doit se faire. La limitation des mandats doit être une vraie imposition. Dans le document, je veux parler du protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance.

Et une fois qu'au niveau supranational, c'est adopté, nous allons faire en sorte que dans chaque pays de la Cédéao, ces dispositions soient contraignantes et il n'y aura plus.

De faux fuyants en disant souveraineté nationale, il n'y aura plus de remise à zéro des compteurs et il faut donc que la Cédéao comprenne que autant elle peut sanctionner les coups d'état militaires, autant elle doit insister pour que les coups d'Etat constitutionnels et les coups d'Etat électoraux soient traités de la même manière avec la plus grande sévérité.

 

Georges Ibrahim Tounkara Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle