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"La transition au Tchad doit être inclusive"

Blaise Dariustone28 avril 2021

Abderamane Ali Gossoumian, le coordonnateur du Comité de suivi de l’appel à la paix et à la réconciliation (CSPAR), se prononce sur la situation au Tchad.

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L’interview de la semaine nous emmène au Tchad ou l’actualité reste dominée par la transition qui se met en place sur fond de contestation après le décès brusque du président Deby le 20 avril dernier. Abderamane Ali Gossoumian, le coordonnateur du Comité de suivi de l’appel à la paix et à la réconciliation (CSPAR), une structure de la société civile qui œuvre en faveur de la paix et du dialogue entre acteurs politiques et la société civile depuis 2002, est intérrogé par Blaise Dariustone, notre correspondant sur place.

***

Quelle lecture faites-vous au niveau du CSPAR de l’évolution de la situation politique au Tchad depuis le décès du président Déby, avec la mise sur pied du Conseil militaire de transition sur fond de contestation depuis quelque jours?

La disparition  brutale du président Idriss Déby Itno a suscité bien d’inquiétude chez beaucoup de Tchadiens dans la mesure où la situation politique dans notre pays était tendue et donc les Tchadiens ont appris avec beaucoup de consternation la disparition de leur président. Mais en même temps, les évènements se sont précipités, notamment avec la mise en place du Conseil militaire de transition qui s’est faite dans la foulée et qui n’a pas permis aux Tchadiens de pouvoir discuter pour que les institutions du pays qui sont opérationnelles puissent être utilisées après la disparition du chef de l’Etat, afin que la transition puisse se faire suivant les termes de la constitution tchadienne. Nous avons vu un groupe de généraux s’arroger le pouvoir et décider de mettre en place une transition en élaborant rapidement une charte qui finalement, en essayant de parcourir le contenu, ne peut pas être une charte consensuelle. Cette transition doit être une transition inclusive, elle doit déboucher sur la mise en place de nouvelles institutions afin que des élections se tiennent dans un meilleur délai.  

Oui mais pendant que tout le monde parle de dialogue, la junte militaire refuse tout dialogue avec l'opposition armée qui s'est dite prête même à dialoguer. Et la junte continue à mettre sur pied de nouvelles institutions avec la nomination d'un Premier ministre de transition. Est-ce que ce jusqu'au-boutisme des militaires ne risque pas de conduire les gens dans une impasse?

Nous ne devons pas nous passer d'un dialogue entre Tchadiens. Un dialogue national s'impose à notre pays pour que des solutions idoines soient trouvés à la crise politique actuelle. Pour que nous puissions jeter les bases d'un Tchad nouveau. Il nous faut nous asseoir, Tchadiens de l'intérieur, Tchadiens de l'extérieur, la diaspora bien entendu, les politico armés, donc tout le monde doit s'asseoir autour de la table pour débattre de la question actuelle de transition politique dans notre pays.

Hier mardi, à l'appel de plusieurs organisations de la société civile et de partis de l'opposition, de nombreux Tchadiens sont descendus dans les rues à N'Djamena et à l'intérieur du pays pour dire non à ce qu'ils qualifient de coup d'état militaire et exiger le retour à l'ordre constitutionnel. Cette marche a été violemment réprimée par la police appuyée par l'armée, il y a eu de nombreuses arrestations. Des blessés et des cas de morts. Est-ce que ce n'est pas un mauvais départ déjà pour cette transition?

Je crois que les manifestations font partie des droits des citoyens et je crois que cela fait déjà plusieurs décennies que les citoyens tchadiens réclament le droit de s'exprimer, le droit de manifester. Les forces de l'ordre devaient normalement encadrer la marche pour éviter ce que nous avons constaté. Que les responsables de la transition actuelle puissent prendre leur disposition pour que les Tchadiens qui veulent s'exprimer, s'expriment librement. D'écouter les gens qui sont mécontents et qui ont quelque chose à dire  et c'est par là que nous pouvons avancer. Mais si les marches sont systématiquement interdites et réprimées, cela n'augure pas un avenir pour ce qui concerne le renforcement du processus démocratique dans notre pays. 

Contrairement au coup d'État qui s'est passé au Mali, on ne sent pas une fermeté de la communauté internationale sur le dossier tchadien, est-ce que cela ne fragilise pas les actions de la société civile ou de l'opposition en interne?

Je crois que la communauté internationale, au delà des communiqués adressés par l'Union africaine, l'ONU doit aussi se charger du dossier tchadien. Pour que très rapidement des missions se mettent en place, viennent au Tchad pour essayer de créer les conditions de dialogue entre les acteurs tchadiens et éviter l'enlissement parce que les Tchadiens à eux seuls ne peuvent pas résoudre un problème politique assez complexe. 

En dehors de l'appui de la communauté internationale, quel doit être le rôle de la société civile pour aider à une transition apaisée ?

Depuis 2002 nous avons toujours oeuvrer pour la paix. Et nous allons continuer à le faire. Nous pensons que la société civile tchadienne en général a un rôle très très important à jouer pendant cette transition. Son rôle, c'est aussi un rôle de veille pour que la transition puisse aboutir à une transition de pouvoir, à un ancrage démocratique de notre pays davantage et donc je crois que la société civile a également un rôle de proposition à faire pour pouvoir exprimer ses critiques vis-à-vis du gouvernement. Ce rôle-là doit être joué pendant cette transition. La société civile, elle doit jouer un rôle très actif pour que cette transition puisse aboutir.