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Immigration : Berlin veut s'attaquer aux causes du départ

20 juillet 2018

Le nouveau "plan directeur des migrations" de l'Allemagne fait référence à la nécessité de s'attaquer aux causes de la migration, mais qu'est-ce qui se cache derrière cet objectif ? Et comment y parvenir ?

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Niger Binnenflüchtlinge Flüchtlinge Vertriebene Nigeria
Image : picture-alliance/dpa/A. Abodou

Le plan directeur, publié par le ministre de l'Intérieur Horst Seehofer, affirme que s'attaquer aux causes de la migration est fondamental pour une stratégie intégrée qui vise à limiter le nombre de migrants arrivants en Europe. Mais Felix Braunsdorf de la Fondation Friedrich Ebert (une fondation politique indépendante associée au Parti social-démocrate allemand), est sceptique : "l'objectif principal est de réduire le nombre de demandeurs d'asile en Allemagne", dit-il. "Il ne s'agit pas de lutter contre les causes profondes, c'est juste une étiquette pour empêcher les gens de venir en Europe. C'est un terme fourre-tout pour tous les objectifs que vous voulez réaliser."

“Un plan Marshall pour l’Afrique”

Dans les premières pages, le projet de Seehofer reprend l'idée d'un "Plan Marshall pour l'Afrique". Proposé l'année dernière pour la première fois, il était destiné à encourager le commerce et les investissements en Afrique pour stabiliser les sociétés et fournir des emplois aux populations locales afin de les dissuader de partir.

Pressekonferenz mit Horst Seehofer
Horst Seehofer a défié l'autorité d'Angela Merkel sur l'immigration Image : picture-alliance/dpa/K. Nietfeld

D’après le plan directeur de Seehofer, "90% des migrants viennent de zones de guerre et de crise qui se trouvent généralement dans les pays en voie de développement". Il parle également de fournir des perspectives d'avenir pour les migrants potentiels dans leur pays d'origine. Mais Felix Braunsdorf tempère de nouveau les objectifs de cette déclaration : "Quand vous regardez les phrases [du plan directeur allemand], elles ne disent rien sur les causes réelles profondes de départ dans le pays. Un paragraphe parle de la volonté d'établir des perspectives dans le pays d'origine. Mais comment établiriez-vous ces conditions dans des régions [en conflit] comme la Syrie, par exemple ?"

Selon Felix Braunsdorf, le projet de Seehofer ne fait que reprendre des politiques qui existent déjà. Il propose de renforcer les infrastructures dans les zones de crise et de construire un programme de développement à long terme qui " lutterait contre la pauvreté, développerait l'économie et assurerait l'éducation et la formation ". En outre, la coopération permettrait de protéger le climat, d'assurer l'égalité des droits pour les femmes, d'encourager un leadership gouvernemental fort et de respecter les droits de l'homme. Toutefois, les budgets de développement existants ne devraient pas être modifiés avant 2022.

L'agence allemande de développement international, la GIZ, propose déjà un grand nombre de ces programmes. Sur son site web, elle affirme avoir créé 33 000 nouveaux emplois et perspectives pour la population afghane, augmenter les revenus de 100 000 personnes en Afrique subsaharienne, améliorer les conditions de travail de 2 millions de personnes à travers le monde et gérer de manière durable l'équivalent de la superficie de 10 millions de terrains de football.

Comment cela se passe-t-il sur le terrain?

L'Allemagne est en train de mettre en place des partenariats public-privé dans toute l'Afrique subsaharienne, au profit des populations et des entreprises locales. Mais ceux-ci ont été critiqués par certains analystes et les bénéficiaires qu'ils sont censés aider.

En 2017, une équipe de documentaristes de la chaîne allemande WDR a mené une enquête dans une ferme en Zambie qui devait servir de vitrine pour le type de programme d'investissement que soutient le gouvernement allemand. L'entreprise semblait faire des profits, avec deux récoltes par an. Mais juste à côté des champs florissants, la population locale était en colère parce que l'eau alimentait les cultures alors que le village voisin n'avait à sa disposition qu'une seule petite pompe.

La ferme était censée créer 1 600 emplois, mais les gens de la région ont dit que s'ils avaient un emploi, c'était sur une base temporaire et pour de faibles salaires. Ils ont affirmé que leurs terres avaient été cooptées par la ferme, qu'ils ne pouvaient plus cultiver leur propre nourriture et qu'ils souffraient de la faim.

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Au Zimbabwe, des cultures dévastées par la sécheresseImage : picture alliance/Photoshot

Jane Seruwagi Nalunga, économiste à SEATINI Ouganda, une ONG de commerce et de développement, considère ce genre de projets d'investissement étranger comme une "catastrophe pour l'Afrique", parce que les investisseurs étrangers essaient de faire des profits et non de faire progresser les pays dans lesquels ils opèrent. L'investissement, même lorsqu'il fonctionne, ne peut bénéficier qu'à un nombre relativement faible de personnes dans les pays qui connaissent d'énormes problèmes structurels, affirme-t-elle dans le documentaire réalisé par le WDR.

Balayer d'abord devant sa porte

Les membres de la Fondation Friedrich Ebert considèrent le débat sur les "causes profondes" sous un angle différent. Felix Braunsdorf pense qu'au lieu d'essayer de faire changer les pays en développement pour s'attaquer aux causes de la migration, l'Allemagne et l'Europe pourraient être plus efficaces si elles commençaient d'abord à changer leurs propres politiques. Tenter de mettre fin aux conflits est un objectif louable, mais imposer des limites plus strictes aux exportations d'armes serait un bon point de départ, suggère-t-il. "Il y a beaucoup d'instruments et de politiques que nous pouvons changer ici en Europe et qui ont un effet sur les conditions de vie dans d'autres pays".

Felix Braunsdorf admet que son approche est "plus complexe que de se contenter de soutenir les pays d'accueil des réfugiés". Mais ce serait une bien meilleure utilisation du temps des  hommes politiques allemands et européens. Surtout, comme le souligne M.Braunsdorf, lorsque des concepts comme la bonne gouvernance ne sont pas toujours en place pour gérer les types de programmes d'aide que la plupart des politiciens citent lorsqu'ils disent vouloir s'attaquer aux "causes profondes" de la migration.

 

Cet article écrit par Emma Wallis et traduit par Audrey Parmentier a été publié pour la première fois sur le site InfoMigrants: http://www.infomigrants.net/fr/post/10687/immigration-berlin-veut-s-attaque-aux-causes-du-depart