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"Eden", une série TV sur la migration

8 mai 2019

Ils sont migrants, passeurs, agents de sécurité, responsable de hotspot, ou encore famille d’accueil. À travers leurs regards, la série "Eden" sur Arte raconte sans cynisme ni naïveté la "crise migratoire".

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Des migrants clandestins débarquent sur une plage de vacanciers
Des migrants clandestins débarquent sur une plage de vacanciersImage : SWR/Pierre Meursaut

"Eden" débute sur une plage en Grèce, sur l’île de Chios en Mer Égée. Une famille allemande y passe ses vacances. Assis sur leur serviette de bain, ils mangent une glace. Le père, la mère et leur fils observent d’autres touristes en train de se baigner. Puis la caméra prend le large, jusqu’à nous montrer un petit canot, qui s’approche de la plage. Il est surchargé. À bord, des dizaines de personnes en jeans, t-shirts et gilets de sauvetage. Sur la plage, c'est la stupéfaction. Les migrants sautent à l'eau. atteignent la terre ferme, et se mettent à courir, laissant derrière eux leur embarcation de fortune et des vacanciers éberlués.

En pleines vacances en Grèce, la famille Hennings observe l’arrivée de migrants sur la plage. Plus tard, en Allemagne, ils décideront d’aider un réfugié syrien.
En pleines vacances en Grèce, la famille Hennings observe l’arrivée de migrants sur la plage. Plus tard, en Allemagne, ils décideront d’aider un réfugié syrien.Image : SWR/Pierre Meursaut

Une famille présente ce jour-là décide d'accueillir un réfugié syrien - comme si le réalisateur avait voulu refléter l’enthousiasme d’une partie de la population pour la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel en 2015. Le fils de la famille, plus mal à l'aise avec la venue de cet inconnu, montre ostensiblement son hostilité à l'égard du réfugié, prénommé Bassam. 

"Il y a une complexité dans chacun de nos personnages", explique Felix von Boehm, l’un des producteurs de la série. Avant de travailler sur "Eden", il avait réalisé un documentaire sur les migrants logés dans l’aéroport Tempelhof à Berlin. "Cela m’a permis de réunir beaucoup d’histoires sur la migration", raconte-t-il.

Pendant le travail d’écriture, Felix von Boehm se souvient que les scénaristes et producteurs suivaient quotidiennement les dernières actualités sur la migration. Ils voulaient rendre compte avec fidélité de la complexité du sujet. "Complexité", le terme revient régulièrement dans la bouche du producteur. C'est le maître-mot de la série. "Nous racontons des histoires où le bien et le mal n’existent pas", explique-t-il, soucieux de ne pas dépeindre uniquement des portraits de "bons" demandeurs d'asile.  

Des personnages complexes

Dans le premier épisode, Daniel, un jeune homme originaire du Nigéria, sort de ses gonds en apprenant que le traitement de son dossier d'asile est repoussé. Coincé à Athènes, en Grèce, il n'a pas le temps d'attendre. Daniel veut aller en Angleterre, où, pense-t-il, la vie y sera meilleure. Son frère cadet Amare ne veut pas le quitter, et refuse de rester seul en Grèce, un pays qu'il ne connaît pas et dont il ne parle pas la langue. La fratrie décidera alors de quitter leur centre d'accueil en pleine nuit. Daniel brûlera un cabanon avant de s'enfuir. Son frère Amare, témoin de la scène, désapprouve. Chaque personnage de la série est toujours tiraillé par sa part sombre.

Jan Krüger, le co-producteur, défend aussi cette vision non-manichéenne de ses personnages. Il prend l’exemple d’un dissident syrien, que les téléspectateurs auront du mal à cerner. "A-t-il eu un passé sombre, a-t-il agi en bourreau, où a-t-il simplement obéi aux ordres pour sauver sa peau ?"

Amare, un jeune Nigérian, dans l’attente d’un passeur qui a promis de pouvoir l’aider à rejoindre le Royaume-Uni.
Amare, un jeune Nigérian, dans l’attente d’un passeur qui a promis de pouvoir l’aider à rejoindre le Royaume-Uni.Image : SWR/Pierre Meursaut

La série parle aussi d'une Grèce à genoux, tiraillée entre son devoir d'accueil et sa crise économique à gérer. 

Une réalité de la misère grecque que les réalisateurs ont confrontée au personnage d'Hélène, responsable de la gestion des camps d'Athènes, qui séjourne dans des hôtels de luxe entre deux avions pour Bruxelles.  

Mettre des noms sur des visages

Felix von Boehm a voulu s'arrêter sur quelques personnages, pas sur un ensemble de migrants anonyme et sans visage, comme on le voit souvent dans les médias. “Nous voulions apporter autre chose que ce que le journalisme peut faire", affirme le producteur. "Nous voulions permettre au public de vraiment se plonger dans les biographies personnelles et, si je peux utiliser l’expression, aller à la rencontre de leur âme."

L’essentiel de la série a été tourné dans un véritable camp de demandeurs d’asile en Grèce. Les migrants y sont figurants. L’équipe a ainsi pu discuter avec eux et prendre contact avec des travailleurs sociaux tout au long du tournage pour s’assurer que les histoires soient crédibles.

Le mari de Maryam a eu un passé sombre, avant que le couple syrien ne fuit le Liban pour se réfugier à Paris.
Le mari de Maryam a eu un passé sombre, avant que le couple syrien ne fuit le Liban pour se réfugier à Paris.Image : SWR/Pierre Meursaut

La migration est un business

À travers le personnage d’Hélène - gestionnaire d'un camp -, interprété par l'actrice française Sylvie Testud, "Eden" veut montrer "l’ambivalence du monde occidental. Un monde qui cherche à aider tout en étant coincé dans son univers capitaliste ou même l’aide humanitaire est un business", explique Felix von Boehm. Hélène mise sur l’éducation pour intégrer les migrants dans la société. Mais dans le même temps, elle tente de convaincre le gouvernement grec de fermer les yeux sur un incendie dans son camp, pour éviter que les médias ne viennent s’intéresser de trop près à son "business".

Eden montre également la perversité des mafias et des passeurs, qui trahissent à la première occasion les migrants à qui ils promettent un "passage" sécurisé et sûr vers l'Angleterre. 

Le personnage d’Hélène Durand dirige un camp de demandeurs d’asile privé à Athènes
Le personnage d’Hélène Durand dirige un camp de demandeurs d’asile privé à AthènesImage : SWR/Pierre Meursaut

Changer l’opinion publique

La série a voulu faire de la famille allemande Hennings le reflet de la société tout entière. "Ils sont un peu comme Angela Merkel. Au début, le mot d’ordre était 'nous pouvons le faire'. Mais ils se retrouvent vite face à des obstacles. Notamment lorsqu'ils réalisent que leur fils de 15 ans n’est pas un très grand fan de son nouveau frère adoptif, Bassam. Cela va évidemment créer des rebondissements et des problèmes…", explique Felix von Boehm. 

S'agissant d’une production franco-allemande, les producteurs et scénaristes de la série ont également tourné une partie de la série à Paris. Eden suit une famille dissidente syrienne, qui peine à prendre ses repères dans la capitale française. 

Felix von Boehm espère qu'à l'approche des élections européennes, la série va aider certains téléspectateurs à ne plus voir les migrants et réfugiés comme une "masse anonyme qui envahit l’Europe", conclut-il. "Il y a une histoire, une vie derrière chaque effort qu’une personne fait pour rejoindre l’Europe". 

La série Eden est à voir en français et en allemand sur le site d'Arte 

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Marco Wolter Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_francais