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MigrationAllemagne

Des accords bilatéraux pour gérer la migration en Allemagne // Un an après le séisme en Turquie

Anne Le Touzé | Marie Tihon | Uwaisu Idriss
15 février 2024

Assurer à l'Allemagne une main d'œuvre qualifiée, tout en évitant la migration irrégulière et la montée de l'extrême droite... Une équation difficile à résoudre pour le gouvernement allemand. Nouvelle approche: la signature d'accords bilatéraux avec les pays de départ. // La Turquie, un an après le séisme qui a dévasté la région d'Antakya, pour faire le point sur la reconstruction...

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5,7 points de plus pour le parti d'extrême droite AfD aux élections législatives partielles, qui ont eu lieu à Berlin dimanche dernier...
550.000 électeurs étaient appelés à retourner aux urnes en raison de pannes massives lors du scrutin législatif de 2021 dans leurs circonscriptions. 

Au niveau de la capitale, le score de l'AfD atteint désormais 9,4%... Une progression qui contraste avec les manifestations contre l'extrême droite, qui continuent de mobiliser des dizaines de milliers de personnes à travers le pays depuis janvier. 

La peur de la migration profite à l'AfD

Des milliers de lumières brandies par les manifestants à Munich le 11 février, symbole de la démocratie
Une mer de lumière pour la démocratie : entre 75.000 et 100.000 personnes ont encore manifesté à Munich contre l'extrême-droite et le fascismeImage : Karl-Josef Hildenbrand/dpa/picture alliance

Les révélations du réseau d'investigation Collectiv au sujet d'une réunion secrète, à laquelle ont participé des membres de l'AfD en novembre, et lors de laquelle íl a été question de déportation massive d'immigrés, ont créé une onde de choc en Allemagne

A Munich, dimanche soir, environ 100.000 personnes se sont encore réunies pour protester contre l'extrême droite en chantant "Défendez-vous, résistez contre le fascisme...".

Mais dans le même temps, un sondage réalisé juste avant la Conférence de Munich sur la sécurité, qui se tient du 16 au 18 février dans la capitale bavaroise, révèle que les Allemands n'ont plus peur de la Russie, comme c'était le cas ces deux dernières années, mais davantage de la "migration massive" - aux côtés du djihadisme et du changement climatique, cités par les sondés comme les principaux dangers actuels...

La perception de la migration comme un danger potentiel... un défi pour le gouvernement allemand, qui doit à la fois rassurer les citoyens, tout en essayant d'attirer une main d'œuvre qualifiée, pour sauver son économie.

Recruter du personnel qualifié

Un des instruments privilégiés par Berlin pour gérer les questions de migration est la mise en place d'accords migratoires.

En mai 2023, le chancelier s'est rendu au Kenya pour recruter du personnel qualifié et conclure un accord avec le gouvernement de Nairobi. 

A Rabat fin janvier, c'est la ministre de la Coopération, Svenja Schulze, qui a annoncé la signature d'un accord migratoire avec le Maroc. Et il y a quelques jours, elle était au Nigeria pour inaugurer un centre d'information sur la migration à Ado, une ville située non loin de la capitale Abuja. 

La ministre nigériane du Travail, Nkeiruke Onyekeocha, et celle de la Coopération allemande, Svenja Schulze
Le partenariat entre le Nigeria et l'Allemagne doit profiter à tous, selon la ministre de la Coopération allemande Svenja SchulzeImage : Uwaisu Idris/DW

Une inauguration saluée par la ministre du Travail et de l'Emploi du Nigeria, Nkeiruka Onye-jeocha :

"En raison des facteurs économiques et démographiques croissants, qui suggèrent que nous sommes à une époque où les pressions migratoires augmentent, le ministère fédéral du Travail, en partenariat avec la GIZ, a créé ce centre de ressources migratoires ici à Ado, dans l'État de Nasarawa, un centre de conseil en matière de migration pour les personnes souhaitant émigrer en Allemagne, en Europe ou dans leur région par des voies régulières pour travailler ou poursuivre leurs études en dehors de leur pays".

Le Nigeria fait partie des pays confrontés aux défis de la migration irrégulière vers l'Europe en raison de la pauvreté, du faible niveau de vie et de l'insécurité. Le centre de ressources sur la migration propose des conseils et une aide à l'emploi aux Nigérians qui ont l'intention d'émigrer en Europe. Il conseille aussi les Nigérians installés en Allemagne et en Europe désireux de rentrer dans leur pays.

Un centre de ressource sur la migration

Un modèle où tout le monde trouve son compte, selon la ministre allemande de la Coopération Svenja Schulze :

"La migration est une réalité qu'il convient de façonner de manière à ce qu'elle profite à tous. Aux personnes qui migrent, au pays d'origine et à la communauté d'accueil. Et ici, dans le centre de ressources sur la migration, nous pouvons voir et faire l'expérience de cette réalité. Les gens viennent avec leurs espoirs, leurs rêves et leurs compétences. Et quand ils reçoivent des informations sur les emplois et les formations au Nigeria, c'est là tout l'enjeu de cette coopération entre nos gouvernements : faire de la migration une réussite pour les migrants, pour le Nigeria et pour l'Allemagne."

Le Nigeria est un exemple parmi d'autres des pays avec lesquels l'Allemagne a conclu ou veut conclure des "partenariats migratoires".

Des partenariats peu profitables au pays cibles

Les drapeaux des pays européens devant un bâtiment à Luxembourg
L'Union européenne a déjà conclu des accords de migration avec une cinquantaine de paysImage : RTRTV

Le mécanisme n'est pas nouveau : il est pratiqué depuis quinze ans au niveau européen, avec une cinquantaine de pays concernés. Mais selon Steffen Angenendt, expert en migration de la Fondation Science et Politique (SWP) de Berlin,  les résultats n'ont pas été au rendez-vous jusqu'ici :

"Tous les partenariats de l'UE en matière de migration et de mobilité conclus depuis 2007 visent et ont visé avant tout la réduction de l'immigration irrégulière. Mais les intérêts des pays partenaires ont toujours été négligés : les partenariats conclus jusqu'à présent ne contenaient pratiquement aucune offre en matière de migration et de mobilité, alors l'intérêt des pays partenaires à remplir leurs obligations était très faible. C'est pourquoi les accords conclus jusqu'à présent ont été généralement inefficaces ou n'ont pas eu l'effet attendu, parce qu'ils n'ont pas été bien ficelés."

La nouvelle approche vise à renforcer les échanges et les coopérations dans les domaines de l'emploi, de la formation et de l'envoi de personnel qualifié. Il s'agit donc moins de lutter contre la migration irrégulière, que de la remplacer par une migration légale.

Modérer les attentes 

Des réfugiés syriens en Turquie (photo d'illustration)
La mise en place d'accords migratoires n'a pas forcément d'effets sur les arrivées de réfugiés, qui proviennent de pays avec lesquels des accords ne sont pas possibles, comme la Syrie ou l'AfghanistanImage : DHA

Steffen Angenendt, expert en migration de la Fondation Science et Politique (SWP) de Berlin, met toutefois en garde contre des attentes irréalistes côté allemand :

"Ce n'est pas la panacée, mais c'est une chose dont nous avons absolument besoin et que nous devons étendre, sans se faire de faux espoirs. Ce n'est pas comme si on concluait un accord et que demain, le nombre de demandeurs d'asile serait en baisse. Ce serait absurde car c'est un sujet trop complexe. Mais il y a des marges de manœuvre et je pense qu'il est important de le souligner."

Quatre mois avant les élections européennes, un sondage réalisé par l'institut Insa place l'AfD en deuxième position derrière le parti conservateur, avec 22% des intentions de vote au niveau fédéral. Dans l'est de l'Allemagne, le parti d'extrême droite arriverait même premier avec 32% des voix. Le gouvernement allemand a encore du pain sur la planche pour promouvoir la culture de l'accueil.

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A Antakya, les habitants attendent toujours la reconstruction

Ayten Atahan, 63 ans, devant le conteneur dans lequel elle vit depuis un an
Ayten Atahan, 63 ans, a garni l'entrée de son conteneur avec des plantes pour 'se sentir un peu plus chez soi'. Elle ne se voit pas rester vivre dans ces conditions encore longtemps. La promiscuité avec les autres sinistrés n'est pas toujours facile, le manque d'hygiène, la propagation de maladies sont de réels problèmes. En bordure de la ville d'Antakya, des dizaines de campements appelé cité-conteneurs ont vu le jour quelques mois après le séisme du 6 février 2023 qui a dévasté le sud-est de la Turquie. Ici 1050 personnes sont abritées dans des conteneurs de 18 mètres carrés. Image : Marie Tihon/Hans Lucas/DW

Le 6 février 2023, un tremblement de terre ravageait le sud-est de la Turquie. Selon le bilan officiel, plus de 53 540 personnes ont perdu la vie. Le séisme et ses répliques a été particulièrement dévastateur dans la ville d’Antakya où près de 250.000 logements et 50.000 commerces ont été détruits, rasant ainsi 90 % de son centre-ville.  

Même si l’heure est toujours au déblaiement, beaucoup des sinistrés qui avaient fui la ville y sont aujourd’hui revenus. La majorité d’entre eux, soit près de 180.000 personnes, logent dans des conteneurs mis à disposition par l’AFAD - l’organisme turc de gestion des catastrophes. D’autres encore vivent dans des tentes ou dans les rares bâtisses qui ont survécu au choc. 

Un an après le tremblement de terre, Marie Tihon s'est rendue à Antakya, une ville aux allures de chantier à moitié déserté. 

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Deutsche Welle Anne Le Touzé
Anne Le Touzé Journaliste au programme francophone de la DWnanetouz
Marie Tihon Correspondante DW Afrique en Turquie
Uwaisu Idriss Correspondant DW Hausa au Nigeria
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