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"Quand je disais que suis avocate, on ne me croyait pas"

13 juillet 2022

Interview avec Deborah Kayembe, la première femme noire à avoir été élue recteure à l'université d'Edimbourg en Ecosse.

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Deborah Kayembe est la première femme noire a avoir été élue recteure à l'université d'Edimbourg en Ecosse. Cette avocate d'origine congolaise explique que c'est sa passion pour la justice qui l'a conduite à occuper son poste actuel.

Dans cet entretien qu'elle nous a accordé, Deborah Kayembe revient sur son parcours, les actes de racisme auxquels elle a dû faire face depuis son arrivée en Angleterre et l'actualité récente dans la région des grands lacs.

Deborah Kayembe répond aux questions de Wendy Bashi.

Olivette Otele et les Africains d'Europe



Madame Kayembe Bonjour. Qui est Deborah Kayembe?

Deborah Kayembe est une activiste des droits de l'homme avant toute chose, avocate de formation, militante politique et très récemment élue recteure de l'université d'Edimbourg.

Vous avez commencé par dire que vous êtes militante. Comment est-ce que vous atterrissez dans l'activisme?
Ma vocation a commencé en République démocratique du Congo quand j'avais 19 ans. Mon inspiration est venue par rapport à l'éducation que j'ai eue à l'université en tant que juriste et en confrontant la réalité de la vie de tous les jours etce que j'ai étudié.

J''ai vu les gaps entre la vie réelle et ce qu'on m'apprenait à l'université. J'ai donc continué avec les activités de droits de l'homme. On a continué à défendre des personnes pro bono qui ont été victimes des violations de droits de l'homme en RDC. Toute ma vie, j'ai œuvré pour la justice et la paix. C'est ça qui définit l'activiste que je suis.


Alors, de Kinshasa au Royaume Uni, comment ça se passe? Est-ce que vous continuez à faire face à ces injustices que vous aviez rencontrées dans votre pays d'origine?

C'était la désillusion quand je suis arrivée au Royaume Uni parce que lorsque je suis arrivée, la première réalité à laquelle j'ai fait face était le racisme et la discrimination. Quand j'ai vu cette indifférence là, d'autres violations de droits de l'homme que j'ai vues tout au long de mon parcours en tant que demandeur d'asile, voilà pourquoi j'ai continué à ma vocation de défendre les droits de l'homme, même au Royaume Uni où j'ai trouvé aussi des violations flagrantes des droits de l'homme. 


Alors pour la jeune Congolaise que vous êtes à l'époque qui arrive au Royaume Uni, comment est-ce qu'on se retrouve dans un parcours universitaire jusqu'à arriver au sommet, jusqu'à devenir recteure aujourd'hui?
Je dis toujours cela et je l'ai toujours dit à ma première interview : il n'est jamais arrivé dans ma tête d'être recteure de l'université d'Edimbourg. Ça n'a jamais été un objet d'effort. Tout ce que moi j'ai fait : je continue à œuvrer pour les droits de l'homme.

Mon grand combat ici, c'était surtout concernant les réfugiés et surtout la mauvaise information et la désinformation concernant l'Afrique. Et cela m'a conduit à la tête de l'université d'Edimbourg. C'est tout ce que je peux dire.


Racontez nous un petit peu comment est-ce que vous vous retrouvez à cette fonction?
C'était juste après que j'aie lancé la campagne La Marche pour la liberté, une campagne agressive contre le racisme dont j'ai été victime ici en Écosse. Et lorsque la campagne avait atteint ce sommet, elle a atteint une réputation mondiale. Je pense que les étudiants de l'université d'Edimbourg ainsi que les travailleurs de l'université d'Edimbourg ont trouvé en moi la personne qu'il fallait pour être recteure pendant cette période où il y a les problèmes de la race. 

Les femmes prennent la parole

Sur ce, les étudiants m'ont désignée. Après m'avoir désignée, ils ont apporté ma candidature auprès des 462 sociétés qui existent auprès de l'université d'Edimbourg. Alors, pendant deux mois, ces sociétés ont examiné mon profil pour voir s'il y a quelque chose qui fait que je ne peux pas être recteure de l'université d'Édimbourg. Après ces deux mois, personne n'a présenté d'autre candidat pour contredire ma candidature. Voilà pourquoi, au 1ᵉʳ février 2021, j'étais candidate unique puis proclamée recteure de l'université d'Édimbourg.

 

En tant que femme d'origine africaine, vous avez dû faire face au racisme. Est-ce que vous avez un exemple particulier ou une anecdote?

Lorsque je suis arrivée dans cette ville où j'habite maintenant, tout le monde avait présumé, parce que j'étais une femme noire, que je n'avais pas d'éducation, que je ne suis jamais allée à l'école. Et alors? Moi, je dis non. Je suis avocate, ils ne l'ont même pas cru. Il y a ce qu'on appelle des préjugés sur la personne. Et quand quelqu'un vient de RDC, on part du principe que tu as été violée, que tu as vécu dans une zone de guerre toute ta vie. Donc ce genre de préjugés m'a suivie partout où je suis allée.

 

Tout récemment, vous avez fait un tweet lorsque la Grande-Bretagne a décidé d'avoir un partenariat avec le Rwanda pour envoyer des réfugiés au Rwanda.  Vous avez adressé un tweet à Boris Johnson dans lequel vous reparlez du contexte qui prévaut au Rwanda. Et cela vous a valu des foudres sur Internet. Est-ce qu'on peut revenir sur cet épisode?

Il y a une enquête policière qui est ouverte en ce moment et pour cette raison, je ne voudrais pas revenir sur cet aspect du tweet. Mais en ce qui concerne l'accord UK-Rwanda, c'est très inquiétant pour moi parce que d'abord ça viole le droit international. Donc je ne pense pas que cet accord doive continuer parce qu'il est contre les valeurs britanniques alors que je suis citoyenne britannique et je suis contre cela entièrement.

 

Depuis Edimbourg,  quelle est votre grille de lecture de la situation dans la région des Grands Lacs?

La situation dans la région des Grands Lacs, en ce moment précis, est très dangereuse. C'est une bombe à retardement, surtout si le 14 juin prochain, un avion rempli de personnes frustrées, enchaînées va atterrir au Rwanda. La situation dans les Grands Lacs sera encore et encore très dangereuse. Moi, je comprends que les Congolais se lèvent. Essaient de protéger leur pays parce qu'ils savent que dans le passé, jusqu'à ce matin, nous sommes toujours agressés par des groupes terroristes, etmaintenant le gouvernement congolais reconnaît que ce sont des groupes terroristes appuyés par le Rwanda. Ça, c'est la position du gouvernement congolais et je suis d'accord avec eux.