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Cameroun : une enfant de 5 ans tuée par un gendarme

Henri Fotso
15 octobre 2021

Le calme semblait revenu à Buea, après la mort d'une fillette tuée dans la voiture de sa mère par le tir d’un gendarme lors d'un simple contrôle.

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Kamerun Buea - Unruhen
Image : Getty Images/AFP/A. Huguet

"Buea est calme ce matin. C'est seulement hier que Buea était en ébullition. Ils ont inhumé l'enfant hier soir. Vous devez prier pour nous, prier pour tout le Cameroun. Car lorsqu'un doigt vous fait mal, c'est tout le corps qui est malade", se confie une habitante du chef-lieu du Sud-Ouest du Cameroun.
Elle réagit à la tragédie de Molyko, où un gendarme a mortellement atteint d’une balle dans la tête une enfant de cinq ans pendant que sa mère la conduisait à l’école.

Juste après le drame, le gendarme auteur du coup de feu a été lynché par la foule. 

Ecoutez le sujet de notre correspondant au Cameroun...

"Réaction inappropriée"

Selon les explications du ministère de la Défense, l’événement s’est produit près du marché, à un poste de contrôle de la gendarmerie nationale. Devant le refus du véhicule de s’arrêter, deux gendarmes se seraient lancés à sa poursuite, le rattrapant alors qu'il se dirigeait en direction du stade omnisports de Molyko. 

Le communiqué précise que "après les procédures d'identification d'usage, le ton est inexplicablement monté entre les deux gendarmes et le conducteur, fermement opposé à la fouille de son véhicule au point d'engager une nouvelle manœuvre de fuite."

Le Ministre de la défense déplore cependant "une réaction inappropriée, inadaptée à la circonstance et manifestement disproportionnée par rapport au comportement irrévérencieux du conducteur". 

Le gouverneur de la région du Sud-Ouest a quant à lui ouvert une enquête, en promettant à la foule qui avait pris d'assaut son bureau, que toutes les responsabilités du double meurtre seront dégagées.  

Une version officielle contestée 

Mais plus de 24 heures après le drame, la version officielle, qui parle de tirs de sommation, reste controversée. Pourquoi le gendarme a-t-il ouvert le feu sur un véhicule qui semblait ne représenter aucun danger ? Sa réaction, qui lui a coûté la vie, est-elle liée à la tension qui persiste dans les zones anglophones ? Ou encore à son manque de formation ?

A (re)lire également : Cameroun : 5 ans de crise et de violences

Pierre Nka est un analyste politique et il estime que cette nouvelle tragédie est l’illustration du climat de peur qui règne dans la région :

"Nous pensons que les forces armées camerounaises ne peuvent pas être considérées comme étant des forces mal formées. Nous sommes simplement dans un environnement particulier depuis le mois d’octobre 2016. Cela fait cinq ans. C'est un environnement de tension permanente et de méfiance. Lorsque vous voyez la situation de Buea où un gendarme interpelle un citoyen à bord de son véhicule avec un enfant, et il insiste, cela montre le climat de méfiance."

Colère populaire 

Pierre Nka tente aussi de comprendre la réaction des populations qui n'ont pas hésité à lyncher le jeune gendarme auteur du coup de feu.

"Les Camerounais de cette partie du pays en ont marre de la présence militaire, de la militarisation, ou de l'escalade de la violence en milieu urbain comme en milieu rural. L'environnement dans lequel se trouve la population à Buea aujourd'hui, c'est aussi un environnement d'incertitude. C'est la terreur dans cette zone qui a commencé en octobre 2016 et qui se poursuit. C'est une terreur à l'usure."

Pour Pierre Nka, il faut redouter désormais que la colère populaire, comme cela s'est vu à Buea hier, ne se répète désormais, occasionnant de nouvelles violences entre les forces armées et les populations des régions anglophones.