Bénin : une tension aux origines lointaines

D'abord les anciens présidents Boni Yayi et Nicéphore Soglo sont deux acteurs politiques de premier plan qui polarisent les attentions depuis l'invalidation des listes de candidats des partis de l'opposition aux élections législatives. Et ceci n'est sans doute pas le fait d'un hasard.

Boni Yayi, en transférant le pouvoir en 2016 à l'actuel président Patrice Talon, l'avait fait plus par contrainte légale que par le désir personnel. Les deux hommes, après de longues années de collaboration, ont étalé leur division sur la place publique avec une sombre histoire d'empoisonnement.

L'accusateur Boni Yayi soutenait que son ex-ami voulait l'éliminer alors que l'accusé Patrice Talon soulignait une mauvaise foi consécutive à son refus de cautionner une modification de la constitution en faveur d'un maintien au pouvoir de Boni Yayi.

Cette affaire qui a commencé peu avant la fin du dernier mandat de Boni Yayi s'est poursuivie durant la campagne présidentielle.

Le chef de l'Etat sortant s'était alors investi personnellement aux côtés de son dauphin, le candidat Lionel Zinsou. Mais l'élection s'est soldée par la victoire du milliardaire Patrice Talon juste rentré d'exil. Une victoire qui peut-être n'aurait pas été possible sans le soutien de l'autre riche opérateur économique béninois Sébastien Ajavon. Mais l'accord conclu au terme du premier tour du scrutin a fait long feu.

Sébastien Ajavon, qui vit en exil en Europe, fait partie des farouches opposants pour qui Patrice Talon est un adversaire rusé et un manipulateur.

Les réformes enclenchées par le nouveau président qui visent principalement la reddition des comptes font des victimes parmi les cadres du précédent régime à l'instar de Komi Koutché, ancien ministre des Finances.

Léhady Soglo, fils de l'ancien président Nicéphore Soglo, a aussi fini par s'exiler. L'ex-maire de la ville de Cotonou a été un des premiers élus locaux à être destitué dans la foulée d'une série de procédures visant des maires. Des procédures attribuées à Patrice Talon, accusé de vouloir installer des maires qui lui sont plutôt fidèles.

Certains soupçonnent d'ailleurs le père de Soglo de s'engager dans les hostilités postélectorales à cause des ennuis causés à son fils.

En dehors de Nicéphore Soglo, Boni Yayi et Sébastien Ajavon, il y a enfin Candide Azanai, également un inconditionnel de Patrice Talon devenu son opposant.

L'ancien ministre de la défense a fini par quitter le bateau Talon en affirmant que les réformes amorcées étaient trop sévères pour une partie des Béninois, tandis que des proches du président continueraient à bénéficier des largesses de l'Etat.

La création de la CRIET, une cour spéciale dédiée à la répression des crimes économiques et du terrorisme, viendra endurcir les détracteurs de ces réformes perçues comme un moyen déguisé pour intimider les voix critiques.

Ce parcours suivi par le Bénin ces dernières années montre donc que les tensions actuelles ne sont pas directement nées de l'exclusion des partis d'opposition des législatives.

Cela dit, l'alliance actuelle des opposants est largement tributaire de l'évolution des intérêts des acteurs en présence.