Burundi, chronologie d'une crise
Les Burundais vont voter jeudi pour un référendum contesté, qui pourrait permettre au président Nkurunziza de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034. Ce vote est la suite d’une longue crise politique qui remonte à 2015.
Une tentative de putsch qui échoue
Le 13 mai, l'ancien chef du service de renseignement et ex-chef d'état-major de l'armée, le général Godefroid Niyombare, annonce la destitution de Nkurunziza, alors en déplacement en Tanzanie. Une tentative de putsch qui échoue, certains des meneurs se rendent, d'autres fuient. Pierre Nkurunziza, de retour à Bujumbura, établit un lien entre les putschistes et les "soulèvements en cours".
Des médias fermés
Le putsch manqué avait mené au vandalisme des principaux médias privés. Toutefois, dix mois après leur destruction, deux radios dont Isanganiro ont repris les programmes. Mais les conditions de travail des journalistes se détériorent avec des cas d'intimidations, arrestations, enlèvements et disparitions.
Un scrutin sous haute tension
Après trois mois de contestation contre un troisième mandat de Pierre Nkurunziza et le report de l'élection présidentielle, celle-ci a finalement lieu le 21 juillet 2015. Une grande partie de l’opposition boycotte ce scrutin.
Agathon Rwasa, adversaire malheureux ?
Le 24 juillet 2015, le président sortant remporte l’élection présidentielle dès le premier tour. Avec 69% des suffrages, il arrive loin devant son adversaire Agathon Rwasa. Fin juillet, le principal opposant burundais devient premier vice-président de l'Assemblée du pays, suscitant les critiques de ses anciens alliés.
La société civile dans le viseur
Le 3 août 2015, Pierre-Claver Mbonimpa est victime d’une tentative d’assassinat. Grièvement blessé, le président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH) est évacué en Belgique pour y être soigné. Mais sa famille est visée par la suite : en octobre 2015, un de ses gendres est tué, puis un mois plus tard, son fils est assassiné à Bujumbura.
L'investiture de Pierre Nkurunziza
Le 20 août 2015, Pierre Nkurunziza prête serment devant les deux chambres du Parlement réunies, et les membres de la Cour constitutionnelle. Une poignée de personnalités étrangères ainsi que des diplomates assistent à la cérémonie. Parmi eux la vice-ministre sud-africaine en charge de la sécurité publique, les ambassadeurs de Chine, de la Russie, d'Egypte, de la Tanzanie, du Kenya.
Tensions avec le voisin rwandais
Depuis le début de la crise, le Rwanda accueille de nombreux Burundais. Le 6 novembre 2015, le président Paul Kagamé déclenche la colère de Bujumbura en disant: "Les gens meurent tous les jours [au Burundi], les cadavres jonchent les rues". "Ils auraient dû tirer les leçons de ce qui s'est passé ici". L’équipe de Pierre Nkurunziza l'accuse de recruter des hommes pour semer le trouble au Burundi.
Escalade de la violence
Le 12 décembre 2015, la répression s’abat sur les quartiers jugés contestataires, comme Nyakabiga, au lendemain d'une attaque menée par des rebelles contre trois camps militaires. Plus d’une centaine de victimes auraient été recensées. À l'époque, l’ONU estime à 400 le nombre de personnes tuées depuis le 26 avril et à 3.500 celui d'arrestations en lien avec la crise politique.
Le cri d’alarme de l’ONU
Le 17 décembre 2015, les Nations unies considèrent que "la situation au Burundi est explosive et le pays est sur le point de basculer dans la guerre civile". Le mois précédent, le mot génocide a été employé. Pour Adama Dieng, conseiller spécial pour la Prévention du génocide, "si un conflit à grande échelle venait à éclater, nous ne pourrons pas prétendre que nous ne savions pas."
Naissance d'une rébellion
Le 23 décembre 2015, un ex-officier de l'armée burundaise annonce la création des "Forces républicaines du Burundi" (FOREBU). Le Lieutenant-Colonel Edouard Nshimirimana accuse Pierre Nkurunziza d’avoir incité les forces de sécurité à commettre des exactions et d’avoir divisé le personnel de l’armée et de la police, autrefois unis sans distinction ethnique hutu ou tutsi.
Tentative de dialogue
Le 28 décembre 2015, des pourparlers de paix inter-burundais démarrent à Entebbe, sous l’égide de Yoweri Museveni, le président ougandais. L'Union africaine (UA) a déjà annoncé qu'elle allait déployer une Mission de prévention et de protection forte de 5.000 hommes, ce que le gouvernement burundais a rejeté.
Échec de la médiation
Prévu début janvier, le dialogue d’Arusha est reporté. Les 25 et 26 février, une délégation de "haut vol" de l’UA, conduite par le président sud-africain Jacob Zuma, est à Bujumbura. C’est un nouvel échec. Bujumbura refuse de discuter avec l’opposition regroupée dans le CNARED. Le HCR annonce l’envoi d’experts indépendants de l'ONU pour enquêter sur les violations des droits de l'homme au Burundi.
Le CNARED écarté d'Arusha
Après un nouveau report, le dialogue inter-burundais reprend à Arusha le 21 mai 2016, à l'initiative du médiateur tanzanien, l'ancien président Benjamin Mkapa. Sauf qu'à la demande des autorités burundaises, le CNARED n'a pas été convié en tant qu'entité. En juin, le facilitateur se rend à Bruxelles pour rencontrer pour la première fois les membres de la plateforme d'opposition.
Encore un mandat "si le peuple le demande"
Le 30 décembre 2016, le président Nkurunziza annonce qu'il pourrait à nouveau se représenter en 2020, "si le peuple le demande". Peu après cette déclaration, le 1er janvier 2017, le ministre de l'Environnement est tué par balle à Bujumbura. Il est le premier membre du gouvernement en exercice à être assassiné depuis le début de la crise.
Tortures et meurtres, l'ONU dénonce
Alors que Human Rights Watch accuse des membres des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir, de tortures et de meurtres, en avril, l'ONU dénonce la multiplication d'incidents dans lesquels des Imbonerakure appellent au "viol" d'opposantes. Par ailleurs des fosses communes sont mis à jour.
Nkurunziza "Guide suprême éternel"
En mars 2018, le président burundais Pierre Nkurunziza a été élevé par son parti au statut de "Imboneza yamaho" (Guide suprême éternel, en kirundi la langue nationale). Les cadres du parti ont clarifié. après la polémique suscitée par cette distinction. pour choisir le terme de "Visionnaire". Mais pour l’opposition, cela entre dans la logique du "projet de règne à vie de Nkurunziza".
Référendum constitutionnel contesté
Le chef d'Etat burundais a fixé au 17 mai la date du référendum constitutionnel qui pourrait lui permettre de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2034. Seule la campagne pour le "oui" ou le "non" est autorisée: le décret présidentiel prévoit en effet une peine de "un à trois ans de prison" pour quiconque tentera de convaincre les électeurs de "s'abstenir de voter".
Un référendum inopportun, selon l'Eglise catholique
Les évêques de l'Eglise catholique du Burundi ont jugé inopportun le moment choisi pour amender la Constitution. A côté de ceux qui ont fui en exil, "beaucoup de citoyens, même s'ils ne le disent pas tout haut, vivent dans la peur, à tel point que les gens n'osent plus dire ce qu'ils pensent, par peur des représailles", expliquent les évêques dans une déclaration commune.
Pression sur les partisans du "non"
Des militants pour le "non" au référendum constitutionnel ont été arrêtés par la police burundaise dans plusieurs localités du pays. Pourtant, les deux parties ("oui" et "non") ont le droit de faire campagne, selon les autorités burundaises. Mais le président Nkurunziza a averti que "s'opposer au référendum constitutionnel, c'est franchir la ligne rouge".
La presse étrangère dans le collimateur de Bujumbura
Alors que le pays est en pleine campagne pour le référendum constitutionnel du 17 mai, les autorités annoncent la suspension pour six mois des radios BBC et VOA. La DW n'émet plus au Burundi depuis le saccage des locaux de ses repreneurs en 2015.