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PolitiqueAmérique du Nord

Au Mexique, les juges seront désormais élus par le peuple

Georges Ibrahim Tounkara | Avec agences
12 septembre 2024

Le Sénat a approuvé une réforme judiciaire qui devrait faire du pays le premier à désigner tous ses juges, dont ceux de la Cour suprême, par un vote populaire.

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Des Mexicains protestent contre la réforme judiciaire, le 3 septembre 2024 dans la capitale
De nombreux Mexicains sont opposés à cette réforme judiciaireImage : Luis Cortes/REUTERS

La réforme adoptée ce mercredi par les sénateurs prévoit que les juges, dont ceux de la Cour suprême, et les magistrats du pays, seront élus par un "vote populaire ". 

Une réforme voulue par le président sortant, Andrés Manuel Lopez Obrador, qui accuse les juges et les magistrats de favoriser la corruption et les groupes criminels et d’être responsables d’une impunité de plus de 90% des crimes commis.

"Nous allons donner l'exemple au monde entier, car il a été plus que démontré que le pouvoir judiciaire ne rend pas la justice. Les juges, à d'honorables exceptions près, sont au service d'une minorité rapace qui s'est consacrée au pillage du pays. De grands progrès seront réalisés lorsque le peuple élira librement les juges et les magistrats", a notamment déclaré le président Lopez Obrador après le vote du Sénat.

M. López Obrador, qui cédera le pouvoir à la présidente élue issue de son parti, Claudia Sheinbaum, le 1er octobre, accuse également les juges de la Cour suprême d’être devenus des alliés de l’opposition, alors que la haute instance a entravé certaines des réformes que le président a proposées dans des domaines tels que l’énergie et la sécurité.

Le président Andres Manuel Lopez Obrador
Le président Andres Manuel Lopez Obrador entend réformer la justice avant son départ du pouvoirImage : Raquel Cunha/REUTERS

La menace des cartels de la drogue

Les détracteurs de la réforme, parmi lesquels figurent aussi les Etats-Unis et des organisations de défense des droits humains, estiment, quant à eux, qu’elle portera atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire en le politisant et que les trafiquants de drogue pourraient plus facilement contrôler les juges en s’immisçant dans leur élection.

"Les véritables problèmes ne sont pas résolus par la réforme de la justice ", critique également le politologue mexicain Carlos Pérez Ricart.

"La justice manque de transparence, mais la réforme n'y remédie pas. Il n'y a aucune raison de penser que nous aurons de meilleurs juges, que nous aurons des juges mieux préparés, plus engagés que ceux que nous avons actuellement. Au contraire, tout semble indiquer que nous perdrons de nombreuses années de professionnalisme ", ajoute le politologue.

Les Etats-Unis aussi inquiets

L'ambassadeur des Etats-Unis au Mexique, Ken Salazar, a averti que cette réforme pourrait "faciliter l'influence des cartels et d'acteurs malveillants sur des juges sans expertise. Je crois que l'élection populaire directe des juges est un risque majeur pour le fonctionnement de la démocratie au Mexique", a insisté le diplomate dans un communiqué.

Mobilisation contre la réforme judiciaire le 1er septembre
De nombreux Mexicains se montrent inquiets face à cette réforme de la justiceImage : Haaron ALVAREZ/AFP

Le gouvernement mexicain a dénoncé une "ingérence" de Washington dans ses affaires internes et suspendu ses relations avec l’ambassadeur des Etats-Unis à Mexico.

La réforme doit maintenant être approuvée par les Parlements d’au moins 17 Etats, ce qui ne devrait pas être un obstacle pour le parti au pouvoir qui en contrôle 24.

Une fois adoptée, la réforme sera ensuite promulguée par la présidence mexicaine. Les élections, qui devraient permettre d’élire 1.600 juges, se tiendront en juin 2025 puis en 2027.

Georges Ibrahim Tounkara Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle