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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande

Anne Le Touzé11 avril 2008

Cette semaine, c'est encore le Zimbabwe qui domine l'actualité, mais également le premier sommet Inde/Afrique, l' "affaire de la Libye" et la flambée des prix et ses conséquences.

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Une affiche électorale de Morgan Tsvangirai, dont le visage a été arraché.
Une affiche électorale de Morgan Tsvangirai, dont le visage a été arraché.Image : AP

La Süddeutsche Zeitung commente en début de semaine (07.04) l'appel de la Zanu-PF, le parti présidentiel, à recompter les bulletins de l'élection du 29 mars pour cause d'irrégularités. Une demande qui ne manque pas de sel, estime le journal, car le parti de Robert Mugabe est maître dans la manipulation des votes. Des tacticiens sans scrupule sont à l'œuvre au Zimbabwe. Ils essaient de gagner du temps avant un éventuel second tour – le temps dont ils ont besoin pour intimider les électeurs et écraser l'opposition. Effectivement, la tageszeitung (10.04) rapporte que des milices à la solde du président sèment la terreur dans les villages où le parti d'opposition MDC est arrivé en tête. Les milices, écrit le journal, ont bien compris qu'il y aurait peut-être un second tour. Il s'agit désormais d'assurer par tous les moyens la réélection de Robert Mugabe. Dans certains villages, l'approvisionnement en maïs a été suspendu, les habitants meurent de faim.

Die Welt (09.04) donne la parole à l'un des éditeurs de journaux les plus influents du sud de l'Afrique, Trevor Ncube. « Le gouvernement zimbabwéen n'hésite pas à tuer ses propres citoyens », affirme le fondateur du Zimbabwe Independant et du Standard. Contrairement à ce qui s'est passé au Kenya, la violence ne vient pas des Zimbabwéens mais de l'Etat. Malgré son opposition au président Mugabe, Trevor Ncube n'est pas pour autant un partisan du chef de l'opposition Morgan Tsvangirai qui, selon lui, ne fera pas un bon président.

Que font les Etats voisins, et particulièrement l'Afrique du Sud ? s'interroge la tageszeitung, mercredi (09.04). Si les soupçons de fraude électorale étaient confirmés, rien n'empêcherait Pretoria d'envoyer des troupes au Zimbabwe. D'ailleurs la presse sud-africaine évoque depuis un moment cette éventualité et les autres voisins que sont le Mozambique et la Zambie ont déjà pris des mesures préventives pour sécuriser leurs frontières. Si les pays d'Afrique australe hésitent à intervenir, écrit de son côté Die Welt, c'est parce qu'ils sont presque tous gouvernés par des mouvances issues de la lutte indépendantiste. La Zanu-PF au Zimbabwe, le MPLA en Angola, la Swapo en Namibie ou encore l'ANC en Afrique du Sud : tous ces partis ont conduit à la fin du colonialisme, et cela leur donnerait le droit de reconnaissance éternelle. Le Zimbabwe, poursuit le journal, a une chance historique de mettre un terme à cet évangélisme paternaliste et libertaire, qui abrite en son sein corruption, misère et tyrannie. Die Welt conclut dans une envolée lyrique : les Zimbabwéens vont vivre des semaines difficiles, mais à la minute où Robert Mugabe se retirera, l'heure de la liberté sera enfin venue. Et peut-être avec elle, le début de cette renaissance africaine jadis prophétisée par Thabo Mbeki, avant de retomber dans l'oubli.


L'Inde va accorder à 14 pays africains des tarifs douaniers préférentiels.
L'Inde va accorder à 14 pays africains des tarifs douaniers préférentiels.Image : picture-alliance/ dpa/ dpaweb

Le premier sommet Inde/Afrique s'est déroulé cette semaine à New Delhi. L'intérêt croissant que porte l'Inde au continent africain n'est pas sans rappeler celui de la Chine…

Longtemps, l'Inde a regardé son voisin chinois conquérir des marchés et s'assurer un approvisionnement en matières premières issues des sols africains. C'en est fini de cette époque, écrit la tageszeitung. Ce premier sommet Inde/Afrique marque le début d'une coopération renforcée : un demi-milliard de dollars va servir à financer des projets de développement dans 14 pays africains et l'Inde va diminuer ses droits de douane pour les marchandises en provenance de ces pays. Le journal rappelle toutefois que la Chine a une longueur d'avance : le volume des échanges commerciaux entre l'Inde et l'Afrique représente environ la moitié de celui qui existe entre l'Afrique et la Chine. Mais, comme le fait remarquer la Süddeutsche Zeitung, les ambitions chinoises sont surtout portées par l'appareil étatique. L'Inde, au contraire, peut compter sur le dynamisme de ses entreprises privées qui ont déjà un réseau bien implanté en Afrique, particulièrement au Sud et à l'Est du continent. En Ouganda ou au Kenya, les entreprises indiennes sont un élément essentiel de la machine économique. Là où les entrepreneurs européens hésitent encore à investir, fleurissent des petites et moyennes entreprises indiennes. Comme l'Inde est la plus grande démocratie du monde, poursuit le journal, certains ont l'espoir que son influence servira de contrepoids au système autoritaire de la Chine. On reproche notamment à Pékin de soutenir des pays comme le Soudan, sans se soucier des principes de bonne gouvernance ou de respect des droits de l'homme. Gardons-nous cependant de placer la barre trop haut, prévient la Süddeutsche Zeitung : quand il s'agit de matières premières, toutes les puissances du monde font des compromis.


Le BND (Bundesnachrichtendienst), sous les feux de la critique. Justifié?
Le BND (Bundesnachrichtendienst), sous les feux de la critique. Justifié?Image : AP

Changement de décor, avec une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre cette semaine : la formation de forces de sécurité libyennes par des policiers et militaires allemands. Beaucoup de bruit pour rien ?

L' « affaire de la Libye » avait été révélée il y a une semaine dans la presse, provoquant aussitôt une vive émotion dans les milieux politiques allemands. Les spéculations sont allées bon train sur une éventuelle participation des services secrets. « Le BND était en contact avec l'entreprise de sécurité » affirme mardi la Frankfurter Allgemeine Zeitung, alors que les services secrets avaient auparavant nié toute implication. Deux jours plus tard, le journal rapporte les résultats de l'enquête menée par l'instance de contrôle du Bundestag : le BND s'est en fait contenté d'observer sans intervenir les agissements légaux de l'entreprise de sécurité. Jeudi, Die Welt regrette que l'affaire ait été montée en épingle. Dans un pays marqué par l'héritage de deux dictatures, écrit le journal, il n'est pas étonnant que les services secrets aient mauvaise réputation. Il n'empêche : on peut s'étonner du chœur de vierges effarouchées qui ont porté des jugements politiques avec comme seules informations des articles de presse rédigés au conditionnel.


Si l'émoi est grand dans l'« affaire de la Libye », les hommes politiques allemands sont moins nombreux à s'élever contre la participation de Tripoli à la lutte contre l'immigration clandestine vers l'Europe…

C'est la Süddeutsche Zeitung (du 10.04) qui ose cette comparaison. Depuis des années, écrit le journal, l'Union européenne coopère avec la Libye, pourtant réputée pour ses violations des droits de l'homme, afin de dissuader les candidats à l'émigration clandestine. Il faut rappeler que la Libye est le pays par lequel transite la majorité des Africains vers l'Europe. Les Etats européens ont conclu en 2004 un accord avec Tripoli pour former des forces de sécurité et livrer du matériel : la première livraison contenait ainsi 1000 sacs mortuaires, 40 jumelles infrarouges et 6000 matelas. A l'époque, la Libye avait promis de ratifier la convention de Genève sur le traitement des réfugiés, mais elle ne l'a toujours pas fait. Le Haut commissariat aux réfugiés n'a pas le droit d'entrer dans le pays. L'organisation Pro Asyl, citée par la Süddeutsche Zeitung, dénonce la « complicité de l'Union européenne dans des violations graves des droits humains ».


L'envolée des prix a été à l'origine d'émeutes en Haïti.
L'envolée des prix a été à l'origine d'émeutes en Haïti.Image : AP

La flambée des prix touche plusieurs pays dans le monde, notamment en Afrique…

Si le sujet revient dans l'actualité allemande, c'est à cause des violences qui ont éclaté la semaine dernière en Haïti. Comme au Cameroun ou au Burkina Faso, la population manifeste avec véhémence contre la vie chère. La hausse dramatique des denrées de base, écrit la tageszeitung, déstabilise de plus en plus de pays et risque d'entraîner une crise dont on ignore les conséquences. Selon le quotidien, le monde subit actuellement les suites tardives d'une politique ratée : on a privilégié les produits d'exportation hautement subventionnés issus de l'industrie agroalimentaire des pays riches, au lieu d'assurer l'autosuffisance alimentaire de milliards de personnes qui vivent dans les régions rurales des pays pauvres. L'agriculture y est devenue moins rentable. Et pour fuir la misère, des millions de gens ont émigré vers les villes, où ils peuvent à peine survivre. Pour le chef de la Banque mondiale, cité dans Die Welt, le problème de la sécurité alimentaire est lié directement aux changements climatiques et à l'emploi de ressources agricoles dans la production de biocarburants. La Banque mondiale prévoit pour les deux prochaines années une hausse supplémentaire des prix. Au moins 33 pays seraient menacés par des émeutes liées à la pénurie des denrées de première nécessité.