Éthiopie : Abiy Ahmed appelle à l’unité
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, à qui a été décerné le Prix Nobel de la paix le 15 octobre dernier, a dénoncé samedi "une tentative visant à provoquer une crise ethnique et religieuse" dans le pays.
"La crise que nous vivons pourrait encore s'aggraver si les Ethiopiens ne s'unissent pas", a-t-il déclaré lors de sa toute première déclaration depuis le début des affrontements du mercredi dernier.
"Nous travaillerons sans relâche pour assurer que la justice prévale et traduire en justice les coupables", a ajouté Abiy Ahmed qui a promis que les responsables des violences seront sanctionnés par la justice. Il a demandé à ses compatriotes de s’unir pour éviter que de telles crises ne reproduisent.
Élections de 2020
Pour sa part, l'activiste Jawar Mohammed, appartenant comme le Premier ministre à la communauté oromo, le groupe ethnique majoritaire en Éthiopie, a annoncé qu'il pourrait se présenter aux élections législatives de mai 2020.
Le soutien manifesté par les Oromos à Jawar Mohammed pourrait-il poser problème à Abiy Ahmed lors de ces élections législatives ?
Selon l’analyste politique Abel Abate,"il est trop tôt pour affirmer que ce sera un coup dur pour Abiy, mais avec la pagaille des derniers jours et l'annonce de Jawar Mohammed qu'il pourrait se présenter aux élections, celles-ci pourraient être bien plus intéressantes et aussi plus chaotiques".
Les violences ont commencé lorsque le fondateur du média d'opposition Oromia Media Network a écrit un message sur Facebook indiquant que les gardes du corps, qui lui avaient été assignés par les autorités fédérales, avaient reçu l'ordre de se retirer.
"Ils sont en train de perdre espoir, ils ont l'impression que le gouvernement retourne aux anciennes pratiques d'intimidations. Quand on a essayé de retirer mon personnel de sécurité et en quelque sorte de m'assassiner, cela a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase" soutient l'activiste Jawar Mohammed.
Des centaines de déplacés
Selon la police, 67 personnes ont été tuées lors de ces violences dont cinq policiers. Et plus de 200 blessés, dont la majorité a été causée par des civils. Des centaines de personnes ont dû fuir leur maison.
À en croire Fesseha Tekle, chercheur pour Amnesty International, "les manifestations se sont transformées en violences interreligieuses et inter-ethniques, du moins dans certains endroits. Cela montre que quelque chose se dissimulait sous la surface, et certains groupes ont profité de la situation."
Le chercheur craint que l'appel au calme de Jawar Mohammed et le déploiement de militaires ne soient qu'une solution temporaire.
"Ces mesures sont immédiates, mais si le gouvernement ne s'attaque pas aux vrais problèmes, cela peut se reproduire à tout moment. Les élections approchent et on peut s'attendre à ce que cela dégénère, donc le gouvernement doit prendre des mesures de prévention et être prêt pour une escalade de violences", explique-t-il.
Plusieurs analystes craignent que ces violences viennent ternir l'image du Premier ministre, tout juste auréolé du Prix Nobel de la Paix. Elles renforcent aussi les doutes quant à la tenue effective des élections, déjà controversées en raison des nombreux troubles à travers le pays.
La rupture entre Abiy Ahmed et Jawar Mohammed est révélatrice des divisions au sein de l'ethnie oromo. Jawar Mohammed, qui a 1,7 million d'abonnés sur Facebook, est accusé par ses détracteurs d'inciter à la haine ethnique dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, avec 110 millions d'habitants.