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RDC: la candidature d'un condamné pour viol qui fâche

29 août 2018

La candidature de Frédéric Batumike, pourtant condamné à la perpétuité pour viol sur des fillettes, a été jugée recevable par la CENI. La condamnation a été confirmée en appel par la Haute cour militaire.

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DR Kongo Kavumu  verurteilte Milizionäre
Image : DW/Mude el Dorado

"Nous sommes en colère, nous pensions qu'il avait été dit que ces gens allaient rester à Bukavu" (Deodathe Mwa Mufanzara Muhindo, victime)

Frédéric Batumike, ancien milicien conglais aujourd'hui emprisonné à la prison centrale de Bukavu, était membre de la milice "Djeshi la yesu", armée de Jésus. Le 13 décembre 2017, il est condamné pour crime contre l'humanité par la Cour militaire de Kavumu. Le procès en appel a débuté le 12 juin 2018, sa condamnation à perpétuité a été confirmée en appel le 26 juillet dernier.

Une publication qui attriste les victimes

L'annonce de la  publication de son nom sur les listes aux élections provinciales a suscité des réactions outragées du côté des victimes, qui se sentent encore une fois abandonnées par l'Etat congolais. 

Déodathe Mwa Mufanzara Muhindo est maman, et vit à Kavumu avec ses filles et son mari. Elles ont été les premières victimes de Frédéric Batumike et de sa milice. Aujourd'hui, elle se sent impuissante, elle ne comprend pas qu'il puisse se retrouver sur la liste de la CENI pour la députation nationale. 

Deodathe a été violée à deux reprises, en 2007 et en 2017. Sa fille aînée avait sept ans quand elle a été violée pour la première fois. "Nous sommes très en colère. Moi, j'ai trois filles qui ont été violées par ces gens, en plus de moi-même. Nous ne comprenons pas. Nous pensions qu'il avait été dit que ces gens allaient rester à Bukavu. Je suis triste pour mes filles, je ne sais pas si elles pourront avoir une vie normale," explique Deodathe.

DR Kongo Kavumu  verurteilte Milizionäre
Image : DW/Mude el Dorado

Une consternation qui est également partagée par Guy Mushiata, le coordinateur national de l'ONG Trial International qui a apporté son assistance aux victimes pendant le procès en décembre l'an dernier.

"On se pose la question de savoir comment la CENI (a pu commettre cette erreur, ndlr). Même si personne n'a pu la saisir officiellement, il est bon de rappeler que cette condamnation est de notoriété publique. Donc on ne peut pas comprendre que cette personne qui a été condamnée à perpétuité et de façon définitive, puisse poser sa candidature pour être élu député provincial dans la même circonscription où il a commis ces différents crimes," souligne le coordinateur de Trial International.

Irrecevabilité de candidature en cas d'irrévocabilité de la peine
Difficile en effet de comprendre; pourtant, en s'appuyant sur la loi, la candidature de Frédéric Batumike est valable, comme l'explique Maitre Bafunyembaka, avocat au barreau de Kinshasa et spécialiste en droit international pénal.

"La candidature de Monsieur Batumike est légalement recevable parce que la peine ayant été confirmée le 26 juillet, au regard de l'article 45 de notre loi organique portant la procédure en droit de cassation, la cour donne 40 jours francs à Mr Batumike pour se pourvoir en cassation. Mais d'un point de vue purement politique, cette même CENI a écarté la candidature de M. Jean Pierre Bemba, qui est poursuivi devant la CPI pour subornation de témoins. Sa candidature n'a pas été retenue au motif qu'il est condamné. La nuance réside dans le caractère irrévocable de la peine."


La CENI a fait savoir à l'Agence France Presse que  "Son cas [lui] avait échappé. Des corrections sont en cours". En attendant, il reste encore quelques jours à M. Batumike pour faire valoir son droit en cassation, mais cela n'est pas une garantie qu'il puisse être réélu.