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Abidjan mène des expulsions malgré le ramadan et la Covid-19

Julien Adayé
15 mai 2020

Dans l’un des plus grands bidonvilles de la capitale économique ivoirienne, les expulsions ont repris pour construire un pont. Les solutions de relogement pour les habitants sont inexistantes.

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Screenshot DW | Auf den Ruinen von Boribana in Abidjan (DW)
Image : DW/J. Adayé

L'opération d'évacuation débutée mardi 12 mai doit permettre la poursuite de la construction du nouveau pont. Elle intervient en pleine pandémie de coronavirus et durant le ramadan et les derniers occupants du quartier sont ceux qui n'ont nulle part ailleurs où aller.

C’est sur les décombres des maisons détruites à Boribana, dans la commune d’Attécoubé, qu’Issa Sidibé, élève en classe de première, et ses camarades sont venus se promener. Pour lui cette expulsion en pleine année scolaire l’éloigne de son école :

Sur les ruines de Boribana à Abidjan

"Nous étions tout près ici et ils ont cassé notre maison. Qu’ils pensent à nous, les élèves, parce que nous nous trouvons actuellement dans une situation très grave. Certains qui avaient leur école à côté sont allés jusqu’à Anyama (à 10 km au nord d'Abidjan, ndlr). C’est devenu encore plus grave. Avant je marchais pour aller à l’école, maintenant je paye le transport. Je peux dire que ça ne m’arrange pas."

Des familles séparées

Ces occupants du quartier de Boribana n’ont pas eu le temps de se trouver un autre logement avant que leurs maisons soient détruites.

Certains sont musulmans. Ils avaient entamé le jeûne et préfèrent attendre la fin du ramadan pour partir.  

D’autres errent encore sur les gravats parce qu’ils ne savent toujours pas où aller.

"J’ai trouvé une maison à Attécoubé, mais mes enfants habitent ici. Comme le mois de ramadan a commencé, je vais le terminer avant d’y aller", explique un habitant. Un autre affirme : "On nous a promis 230.000 francs CFA que nous n’avons pas encore reçus, c’est la raison pour laquelle nous sommes toujours ici. On partira après avoir reçu la somme promise. Pour le moment on ne travaille pas. Il n’y a pas de caution ni d’avance c’est pourquoi nous sommes toujours ici."

Les travaux du quatrième pont pour lequel cette opération a eu lieu avancent, sous le regard impuissant de ces enfants qui ont toujours la nostalgie de leur quartier.

Au pire moment

A côté, certains fouillent encore dans les décombres à la recherche d’un éventuel trésor. Cette opération a aussi séparé des familles, raconte Souleymane : "J’ai tout perdu ici. Ils ont cassé notre maison sans nous dédommager. Tu es venu nous trouver en train de ramasser des tôles et des bois pour nous protéger. Avec ce temps-là c’est très difficile. Et avec le coronavirus, c’est encore plus difficile. On nous met dehors en pleine période de carême !"

Un autre explique qu'il dort chez un ami et que sa famille est divisée.

Ces expulsions interviennent au pire moment : en plein crise sanitaire de la Covid-19, durant le mois de ramadan ainsi que pendant la saison des pluies. Les populations restées sur place et qui sont sans-abri attendent d’être dédommagés pour libérer les lieux.