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Migration : vivre en ville ou à la campagne en Allemagne ?

Marco Wolter | Mara Bierbach
8 avril 2019

Entre vivre dans une grande métropole ou dans un petit village, quel est le choix le plus judicieux pour un réfugié ou demandeur d’asile en Allemagne ? Nous avons posé la question.

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Ratzeburg 005
Image : DW/Maksim Nelioubin

Esmat Shirazi a pour mission d’aider les migrants à s’adapter à leur nouvelle vie. Elle a elle même quitté l’Iran au milieu des années 90 pour demander l’asile en Allemagne. Quand elle est arrivée dans le pays, elle a d’abord habité dans de petits villages dans la région de Hambourg. Elle finira par se voir attribuer l’Ordre national du mérite allemand en 2012 pour son travail de bénévole au service d’autres réfugiés et demandeurs d’asile. Plus récemment, elle a rejoint comme travailleuse sociale la marie de Ratzebourg, une petite ville d’un peu plus de 10.000 habitants. 

 

Est-il plus simple pour un réfugié de démarrer une nouvelle vie à la champagne ou dans une grande ville ?

Esmat Shirazi : Cela dépend. Vivre dans une petite localité bien située peut être une bonne chose, surtout pour les six premiers mois, à condition qu’il existe un réseau de soutien suffisant. Je dirais la même chose pour un petit village, du moins si le lieu est bien desservi par les transports publics. Les gens peuvent y trouver la paix et se reposer après leur difficile périple. Dans les deux premiers mois après leur arrivée, beaucoup de migrants tombent malade, ont des maux d’estomac, des maux de têtes, mal au dos…

Mais ensuite, il faut un bon programme. Il faut qu’il y ait structure d’aide dans le centre d’accueil. Quelqu’un doit leur expliquer le fonctionnement de la vie en Allemagne, le système éducatif, que les gens ici trient leur déchets, comment on fait pour louer un appartement, ce que cela signifie d’avoir un rendez-vous au service d’immigration, à quelle vitesse on peut tomber dans l’endettement en Allemagne.

 

Est-ce que l’intégration est plus simple dans le monde rural ?

Esmat Shirazi : Dans une petite ville comme chez moi à Ratzebourg, c'est certain. Quand quelqu’un arrive, trouver ses marques dans une petite ville est plus simple. Vous pouvez obtenir tout ce que vous voulez plus facilement et vous rencontrez chaque interlocuteur aux services d’immigration en personne. Tout est plus personnel. Et quant celui qui s’occupe de votre dossier vous connait personnellement, il fera éventuellement preuve de plus de compréhension si vous ratez un rendez-vous. Dans une grande ville, où tout est centralisé, vous n’avez pas ce contact personnel.

Le fait que les agents de l’immigration changent tout le temps dans les grandes villes, ce côté impersonnel, peut amener à des incompréhensions. Beaucoup de migrants ont rapidement l’impression qu’on ne les aime pas. 

Ce qui est important, c'est que des programmes d’aide soient en place. Pour être honnête, beaucoup de personnes essaient de s’installer ici à Ratzebourg parce que ils ont entendu qu’on avait beaucoup de bénévoles et un très bon réseau de soutien.

Cela n’empêche, même avec cet excellent réseau, après un certain temps, la plupart de personnes veulent déménager vers une plus grande ville.

 

Pourquoi cette attirance pour les grandes villes ?

Esmat Shirazi : C’est là que se trouvent les universités, il y a davantage d’opportunités de travailler ou de suivre une formation dans les villes. Les transports publics sont plus nombreux, il y a des supermarchés partout, les gens peuvent faire leurs courses plus facilement.

Dans le même temps, beaucoup de migrants trouvent souvent le temps long. Par exemple, le risque pour les hommes de devenir dépendant aux jeux d’argent est beaucoup plus élevé dans les grande villes. Comme les jeux d’argent sont interdits dans la plupart des pays musulmans, beaucoup de réfugiés sont particulièrement vulnérables.

Esmat Shirazi a reçu l’Ordre national du mérite allemand en 2012 pour son travail de bénévole avec les réfugiés | Photo: InfoMigrants/Mara Bierbach
Esmat Shirazi a reçu l’Ordre national du mérite allemand en 2012 pour son travail de bénévole avec les réfugiés | Photo: InfoMigrants/Mara BierbachImage : InfoMigrants/M. Bierbach

A quel point est-il important pour des réfugiés de retrouver des personnes de leur pays d’origine ?

Esmat Shirazi : C’est sûr que cela aide. J’ai travaillé avec beaucoup d’enfants. Pouvoir parler avec d’autres enfants dans leur langue maternelle alors qu’ils ne savent pas encore parler allemand les aide généralement.

C’est une bonne chose pour l’estime de soi. Quand deux enfants irakiens par exemple peuvent se parler ils peuvent montrer aux enfants allemands : regardez, on ne comprend peut-être pas votre langue mis vous aussi vous ne comprenez pas la notre.

Cela dit, il y a un aspect positif et négatif à cela. Quand un réfugié ne comprend pas encore l’allemand, d’autres vont lui expliquer dans leur langue maternelle comment les choses fonctionnent. L’information se diffuse plus rapidement. Mais parfois, il s'agit de fausses informations, et là ce sont de la désinformation ou des rumeurs qui peuvent se diffuser plus rapidement.

Il y a cette peur en Allemagne de voir se créer des sociétés parallèles de réfugiés qui restent entre eux et ne s'adaptent pas. Qu’en pensez-vous ?

Esmat Shirazi : Un Iranien qui est en contact avec d’autres Iraniens ici ne s’isole pas pour autant. Si je suis ouvert au autres, dont les Allemands, alors je contribue à la culture. Nos deux cultures s’entremêlent et je vis dans les deux. Par exemple, cela fait à peu près dix ans que nous célébrons Nowruz, le Nouvel An perse, dans notre district. Les Iraniens le célèbrent avec nous, mais aussi des Arabes et des Allemands. Au début, les gens trouvaient bizarre de fêter un Nouvel An le 21 mars. Mais maintenant, ils nous demandent quand aura lieu la prochaine célébration du Nowruz. 

 

Comment se passe la vie de migrants qui se retrouvent dans des villages ou la population n’est que de quelques centaines d’habitants ?

Esmat Shirazi : Il faut avoir de la chance pour être à l’aise dans un village. S’il y a des habitants qui vous soutiennent et vous présentent aux autres, alors tout le monde va vous aider. On va vous aider à conduire vos enfants à l’école et chez leurs amis le week-end, on va vous emmener en voiture pour aller faire les courses ensemble etc. Mais si vous n’avez pas de chance, vous vous retrouvez face à des habitants qui ont des préjugés, qui ont peur de vous, il y a des rumeurs qui circulent. Là, vous vous retrouvez isolé et votre famille va se sentir vraiment perdue.

 

Quelle est l’importance d’avoir une voiture à la campagne ?

Esmat Shirazi : Sur le long terme, vous ne pouvez pas habiter dans un village sans voiture. Si par exemple vos enfants tombent malade en pleine nuit, vous ne pouvez pas forcément réveiller votre voisin à trois heures du matin pour lui demander de vous conduire quelque part. Aussi, en fin de mois, certaines personnes n’ont peut-être plus assez d’argent pour se payer un taxi car la couverture maladie ne couvre pas ce genre de déplacements.

 

Comment fait-on pour obtenir un permis de conduire allemand ?

Esmat Shirazi : Si vous avez un permis de conduire international vous êtes autorisé à conduire en Allemagne pendant 6 mois. Après ces 6 mois vous avez besoin d’un permis allemand. De nos jours, on peut passer l’examen dans plusieurs langues, en arabe, en anglais, en espagnol, en turc (ndlr : les langues disponibles varient d’une région à l’autre en Allemagne). Beaucoup de personnes parlant l’arabe passent l’examen théorique en arabe. Ils savent généralement déjà conduire, donc l’examen pratique n’est pas un problème. Reste qu’ensuite beaucoup n’ont pas les moyens d’acheter une voiture. C’est aussi une raison pour laquelle tellement de réfugiés préfèrent aller vivre dans une grande ville.

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Marco Wolter Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_francais