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"Je tenais à ce que justice se fasse" (Mariam Sankara)

Richard Tiéné
13 avril 2022

Entretien avec Mariam Sankara, la veuve de Thomas Sankara, après le verdict dans le procès de l'assassinat de son mari et ses compagnons.

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Après six mois d’un procès à rebondissement, la justice militaire au Burkina Faso a rendu la semaine dernière son verdictdans le procès des assassins de Thomas Sankara et ses 12 compagnons. Les principaux accusés dont Blaise Compaoré, l’ancien président, en exil en Côte d’Ivoire, ont été condamnés de la peine à perpétuité. Ils disposent bien entendu d’un délai de quinze jours pour faire appel.  
 
Il a fallu qu’une insurrection entraîne la chute du président Blaise Compaoré pour que l’emblématique dossier Thomas Sankara et compagnons refasse surface dans les couloirs du palais de la justice militaire puis dans une salle d’audience à Ouaga 2000. Le dénouement de ce procès est un soulagement pour l’ex-Première dame, Mariam Sankara. Richard Tiéné l'a rencontrée. 

"Thomas Sankara, l'humain" en compétition au Fespaco

Ecoutez ou lisez leur entretien ci-dessous.

Mariam Sankara, le verdict est tombé dans le procès des assassins de votre époux, Thomas Sankara. Comment vous sentez-vous après tant d'années de combat?

Je peux dire que je suis quand même un peu soulagée que cette lutte de plus de 30 ans ou disons 35 années aie abouti. Je peux dire que ça, j'ai un soulagement de ce côté.

Qu'est-ce qui vous a le plus marquée durant ce procès?

Les déclarations et témoignages que j'ai pu entendre et comment les accusés aussi se sont comportés. Parce qu'à tout moment les familles des victimes, nous, avons pensé que ce serait l'occasion pour eux de dire des vérités, de parler et de soulager leur conscience.

Nous avons attendu cela, mais c'était vraiment décevant de voir qu'ils étaient tous dans la dénégation. Personne ne voulait parler et moi je me dis que, étant donné que les principaux accusés, les personnes clés de ce crime, je veux dire Blaise Compaoré et Arsène Kafando, ont fui. Donc, c'est une manière de refuser de parler. Ils n'ont pas voulu faire face à la justice burkinabè. Et donc ceux qui étaient là aussi ont fait comme eux. C'était une sorte de fuite aussi parce qu'ils n'ont pas voulu parler. Et ils ont tout, tout, tout nié. Heureusement que la justice quand même a fait ce qu'il fallait avec ces éléments et a tiré les conclusions qui sont justes.

Les conclusions ont été tirées. Le verdict est rendu à votre avis, en tant que membre de la famille Sankara. Quelles suites pourraient être éventuellement envisagées?

Vous savez que les corps ont été exhumés, que la réanimation n'a pas encore été faite. Une prochaine étape serait de faire l'enterrement. Nous nous préparons à cela. Et ensuite? Bon, maintenant, chacun fera son deuil.

Que répondez vous à ceux qui ont suivi le procès, qui vous ont suivie depuis le début et qui disent que vous êtes une femme battante, une femme tenace?

Bon, c'est flatteur. Personnellement, je ne sais pas ce que j'ai fait d'extraordinaire. J'avais une révolte en moi, des douleurs en moi. Je tenais à ce que justice se fasse. J'ai tenu pour cela. Et j'étais accompagnée aussi des avocats déterminés, engagés.

Je peux dire que l'opinion publique aussi m'a soutenue. Et la société civile, les Burkinabè. Tout ceci m'a encouragée aussi dans cette lutte. Parce qu'en fait, ce n'était pas une requête de la famille Sankara seulement, c'était les Burkinabè, le peuple africain, tous ceux qui étaient épris de justice. J'ai tiré mes forces aussi de tout cela.

Vous résidez en France. Est-ce que les Burkinabè peuvent espérer le retour au pays de vos enfants, Auguste et Philippe?

Oui, ils viendront comme j'ai dit. Ils ont suivi tout ce qui se passe. Ils viendront quand ils seront prêts. Maintenant, ça, ça dépend d'eux. Moi, je, je ne suis pas. Je ne suis pas contre qu'ils viennent.

Vous n'êtes pas contre non plus qu'ils fassent de la politique un jour?

Ce n'est pas moi qui choisis, ça, c'est leur volonté, ça dépend d'eux. Ils sont libres. Ce sont des adultes. Ce ne sont plus des enfants. Ce sont des hommes. Ce sont des gens de votre âge, des personnes de votre génération.

Et que font-ils en ce moment? Des études? Ils travaillent? Que deviennent ils?

Oui, ils ont terminé les études. Ils sont là et vivent leur vie. Comme tous les tous ceux qui sont à l'étranger. Ils vivent leur vie normalement, comme tout le monde.

Merci, Mariam Sankara, d'avoir accordé cette interview à la Deutsche Welle.

Merci, je vous en prie.