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L’élimination des chefs djihadistes a-t-elle des impacts ?

24 juillet 2021

Le ministère français des Armées a annoncé avoir tué deux dirigeants de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS). La neutralisation de ces deux chefs terroristes aura-t-elle des conséquences ?

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Un hélicoptère de l'opération militaire française Barkhane à Gao
Un hélicoptère de l'opération militaire française Barkhane à GaoImage : Michele Cattani/AFP/Getty Images

"Tuer des chefs a toujours un impact à court et moyen terme. Après, tout dépend, quel genre de chef", affirme le journaliste Wassim Nasr, spécialiste des mouvements djihadistes. 

Il rappelle que plusieurs chefs djihadistes ont été tués par les militaires français dans le nord du Mali les dernières années : Bah Ag Moussa, décrit comme le "chef militaire" du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et un "cadre historique de la mouvance djihadiste au Sahel", les chefs du groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Abdelmalek Droukdel et Baye Ag Bakabo. Mais Wassim Nasr nuance ensuite ses propos, expliquant que la mort de ces leaders djihadistes n’a toujours pas été un réel plus dans la lutte anti-terroriste.

"Tuer des chefs a toujours un impact à court et moyen terme" (Wassim Nasr)

"Quand, le prédécesseurs de  Abou Bakr al-Baghdadi, Abou Omar al-Baghdadi  (mort le 18 avril 2010), donc le précédent Calife de l’Etat islamique, a pris ses fonctions en 2010 en Irak, c’était un professeur de Théologie, les américains avaient baissé la prime sur sa tête et ils venaient de tuer donc ses prédécesseurs à lui, le numéro 1, le numéro 2 dans une opération commando. Donc, personne ne savait que le Baghdadi, en 2010, allait faire ce qu’il a fait d’ailleurs. Donc, c’est une loterie. Ce n’est pas une science exacte."

Énormes moyens

Les groupes djihadistes qui écument le Sahel disposent d’énormes moyens financiers et matériels. C’est pourquoi, la mort de quelques-uns ne supprime pas toutes ces sources de financement.

"Les djihadistes prélèvent une sorte d’impôt local pour se financer" (Mohamed Amara)

 Mohamed Amara, est enseignant-chercheur à la faculté des lettres et sciences humaines à l'université de Bamako et chercheur au Centre Max Weber de l'université Lyon 2.  Selon lui, "il y a la zakât, c’est à dire, la dime qu’ils prennent localement dans toutes les zones où ils sont présents. Ils prélèvent une sorte d’impôt local. Et ça, alimente leurs activités narcoterroristes."

S’ajoute à ces deux sources, le paiement des rançons pour la libération des otages ajoute Mohamed Amara, auteur de l’essai, "Le Mali rêvé" .

Responsabilité des pays du Golfe

Mohamed Amara pointe aussi du doigts la responsabilité des pays du Golfe et estime que 80% des sources de revenus de ces djihadistes proviendrait de là-bas. Des chiffres difficiles à vérifier. Ce dont doute d’ailleurs le journaliste Wassim Nasr. À l’en croire, "les pays du Golfe financent la prédication salafiste et financent parfois des groupes qui sont proches des frères musulmans, en ce qui concerne le Qatar. Mais pas du tout l’Arabie Saoudite. D’ailleurs, pour Al-Qaïda et pour l’État islamique, les pays du Golfe, y compris l’Arabie-Saoudite, les gouverneurs de ces pays, sont des gouverneurs apostats, des mécréants et ils sont à liquider. Donc, ils ne touchent pas de financement de ces pays du Golfe."

Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani  est l'émir du Qatar depuis le 25 juin 2013
Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani est l'émir du Qatar depuis le 25 juin 2013 Image : Getty Images/S. Gallup

Les Emirats, l'Arabie saoudite et Bahreïn ont en 2017 rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar et fermé leurs frontières terrestres et maritimes avec le richissime émirat gazier pour son soutien aux djihadistes. Ce que Doha a toujours nié.  

Dans ce contexte, la mort de deux dirigeants de l'Etat islamique tués au Grand Sahara (EIGS) apparait ainsi comme un nouveau coup donné à l'organisation. Mais certainement pas de quoi pour autant l'arrêter dans ses activités.