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Les Tchadiens divisés sur le code de la famille

Blaise Dariustone
16 novembre 2020

Le pays n'a toujours pas réussi à se doter d’un texte définissant le statut de la femme et de l'enfant en raison de divergences entre communautés chrétienne et musulmane.

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Tschad bei Djamena Fußgänger Bevölkerung
Image : Getty Images/AFP/P. Desmazes

Il y a 24 ans, le Tchad avait adopté un avant-projet de loi prévoyant un code laïc de la famille. Depuis, le pays n'a toujours pas réussi à se doter d’un texte définissant le statut de la femme et de l'enfant. En cause : les divergences entre les communautés chrétiennes et musulmanes. Elles sont à l'origine du blocage de l’adoption du code de la famille. Si les chrétiens sont favorables à un code calqué sur le modèle français, ce n’est pas le cas de la communauté musulmane qui trouve certaines dispositions contraires à l’Islam.

Le président de l’Assemblée nationale du Tchad, Haroun Kabadi
Le président de l’Assemblée nationale du Tchad, Haroun KabadiImage : Getty Images/AFP/F. Vidjingninou

Les points contestés concernent l’âge du mariage pour les filles, le divorce, l'interdiction de frapper son épouse ou encore le droit de succession des enfants nés hors mariage égaux à ceux des enfants légitimes. "Un code de la famille unique est pratiquement impossible, les réalités sont multiples", estime Abakar Ali Imam, le chargé des relations extérieures de l’Union des cadres musulmans. Lui plaide pour un code par communauté. "Imposer un code à une communauté, on n’est pas d’accord. Aujourd’hui, les musulmans ont rédigé leur propre code et une copie de notre code est à l’Assemblée et nous demandons aux autres communautés d’élaborer leur code dans lequel elles se retrouvent. Nous ne voulons pas imposer notre code et il ne faut pas qu’on nous impose un autre code."

Un code laïc pour préserver l'unité du pays

Mais pour le pasteur et juriste Sitack Yombatinan Beni, un code de la famille pour chaque communauté est contraire à la laïcité de l’Etat.

Les explications de Blaise Dariustone à N’Djaména

Il estime que dans ce cas, "on aura un code de la famille pour les musulmans, un code de la famille pour les chrétiens, un code de la famille pour les athées et un code de la famille pour l’Etat." Et le pasteur d'interroger : "Vous imaginez vivre dans un Etat comme celui-ci ? Si on est incapable de vivre ensemble, il serait temps peut être qu’on réfléchisse à une nouvelle forme d’Etat pour que justement chacun puisse se retrouver dans ses valeurs, dans ses principes et à ce moment on ne parlera plus de la République du Tchad." Il prône un autre système pour permettre aux communautés de vivre ensemble : "Un texte dans lequel on a des dispositions communes et ensuite on pourrait avoir une disposition qui va régler les problèmes au sein de chaque communauté.  Si on veut construire une nation, c’est comme ça qu’on doit faire. Si non ça va être un recul."

Absence d’autorité de l’État

Mgr Edmond Djitangar, l’archevêque de N‘Djaména saluant les fidèles catholiques à N’Djaména
Mgr Edmond Djitangar, l’archevêque de N‘Djaména saluant les fidèles catholiques à N’DjaménaImage : Blaise Dariustone/DW

Cette situation est due à l’absence d’autorité de l’Etat, estime le juriste Enoch Nodjigoto, chargé de programme Genre et droits humains à l’UNFPA, l’agence des Nations unies en charge des questions de santé sexuelle. "Les personnes qui incarnent l’autorité de l’Etat devraient quand même dire : j’ai signé la convention sur l’élimination de toute discrimination à l’égard de la femme, j’ai signé le plan d’action de la conférence internationale sur la population et le développement et il me revient d’autorité de transcrire dans la loi de l’Etat ce que j’ai signé", insiste celui qui avait dirigé l’équipe chargée de la rédaction de l’avant-projet de code de la famille. "Il y a un problème d’autorité de l’Etat. Voilà ce que je peux dire du blocage ou de la difficulté à trouver un consensus sur le code de la famille dans notre pays."

En raison de l’absence d’un code commun, les Tchadiens chrétiens utilisent le Code civil français de 1958. En revanche, chez les musulmans, ce sont les pratiques islamiques qui prédominent.