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Les champs abandonnés au profit de l'orpaillage à Katiola

Julien Adayé
15 janvier 2021

Dans cette ville située à 400 kilomètres d’Abidjan, la pauvreté oblige les populations à déserter l'agriculture pour se tourner vers l’orpaillage illégal.

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La Brigade de répression des infractions au code minier a détruit plusieurs sites d’orpaillage clandestin l'an dernier dans les régions de Gbêkê et du Hambol.(Photo illustratif)
La Brigade de répression des infractions au code minier a détruit plusieurs sites d’orpaillage clandestin l'an dernier dans les régions de Gbêkê et du Hambol. (Photo illustrative)Image : Getty Images/AFP/C. Aldehuela

"Moi je pensais que quand tu t’en vas, c’est facile d’avoir l’argent", explique Thomas Traoré, 35 ans, assis sous un manguier. Il cache son visage sous une casquette.

Selon Business France, la production d’or est passée de 24 tonnes en 2018 à plus de 32 tonnes en 2019 en Côte d’Ivoire.
Selon Business France, la production d’or est passée de 24 tonnes en 2018 à plus de 32 tonnes en 2019 en Côte d’Ivoire.Image : Reuters/D. Al Katanty

A cause des mauvaises récoltes et des prix trop bas pour la vente de ses produits agricoles, Thomas a voulu tenter sa chance dans l’orpaillage. Il a abandonné son champ. Mais trois jours ont suffi pour le faire déchanter.

"Je ne me lave pas, je ne bois pas. Quand tu regardes même, si tu restes dans ton champ c’est mieux. Moi j’ai trouvé qu’il y a trop de souffrances là-bas. C’est pour cela que je ne suis plus retourner", raconte Thomas.

Son oncle, Joachim Coulibaly est "choqué" par sa décision. "Le 26 décembre dernier, il est revenu, il dit ce n’est pas facile, je ne peux plus repartir là-bas. Il dit qu’il y a la misère, la prostitution, la drogue, la faillite. Ça m’a choqué et ça m’a fait mal."

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La prolifération de nombreux fléaux 

En Côte d'Ivoire, la région du Hambol compte plus d’une cinquantaine de sites d’orpaillages clandestins. Sur ces sites, la drogue, l’alcool et la prostitution sont répandus.

Odile Koné, 36 ans, est restauratrice sur l’un de ces sites. "Il y a des filles qui ne sont pas là pour souffrir mais elles veulent avoir de l’argent facilement. Donc elles préfèrent aller se donner à quelqu’un pour avoir au moins cinq mille FCFA pour pouvoir manger." 

Odile comprend la détresse de ses concitoyens. "Il n’y a pas de boulot en ville où l’homme peut aller grouiller là-bas et puis rentrer le soir à la maison avec quelque chose. Et s'il n’y a pas du travail tu fais comment ?" 

Le nouveau code minier adopté en 2014 exige la création d’une structure légale à toute personne voulant faire de l’exploitation artisanale.
Le nouveau code minier adopté en 2014 exige la création d’une structure légale à toute personne voulant faire de l’exploitation artisanale.Image : Getty Images/AFP/C. Aldehuela

Dans le quartier Nandjèplaka séjourne Ange Allah, 26 ans. Il travaille depuis plusieurs années comme machiniste dans une mine. Habillé d’un débardeur et d’une casquette rouge, Ange Allah explique qu’il gagne dans cette mine clandestine "soixante mille francs CFA par semaine pour mes petits besoins."

Ange assure que "le jour je dois rentrer on me remet ma paie d’un montant d’un million deux cent mille francs CFA. Lorsque je pars à la mine je passe trois à quatre mois et c’est le cinquième mois que je ressors pour venir en ville voir ma famille. On dort à même le sol comme des animaux."

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La pluie se fait rare

Depuis plusieurs mois, il ne pleut pas dans le Hambol. Et tous les jeunes qui travaillaient la terre sont allés se faire de l’argent dans les mines. Ce qui a entraîné une rareté des denrées agricole sur le marché de la ville. Alors les prix flambent. Benjamin Traoré, agriculteur, prévient que "dans cinq ans il y aura la famine à Katiola. S’il ne peut pas, l’orpaillage ne peut pas nous sauver." 

Écoutez le reportage de notre correspondant

Nous avons souhaité nous rendre sur un des sites d’orpaillage clandestin mais la visite nous a été déconseillée par les autorités sécuritaires de la ville. 

Les forces de l’ordre ont fait des descentes musclées sur certains sites, nous a confié un officier de la gendarmerie qui a requis l’anonymat.

"L’Etat a envoyé trois équipages de la gendarmerie sur des sites d’orpaillage pour pouvoir neutraliser même leurs outils de travail et puis les chasser des sites." 

Dans l’ensemble du pays, la brigade de répression affiche déjà à son compteur 222 sites déguerpis et un nombre important de matériels saisis ou détruits. Depuis le mois de décembre, les razzias se multiplient contre les orpailleurs clandestins, dans le Hambol aussi.