Le scandale de la torture en Irak
10 mai 2004Un scandale qui n’est pas seulement américano-britannique, explique l’Express, de Cologne. Ici, l’ensemble du monde occidental qui partage les mêmes valeurs démocratiques que l’Amérique vient de perdre la face. Et la fiction d’une guerre engagée pour libérer l’Irak du terrorisme perd sa dernière once de crédibilité. Le pire étant que cette affaire apporte de l’eau au moulin des adversaires les plus radicaux du tournant démocratique à Bagdad.
Die Welt reprend à son compte la fameuse devise d’un grand hebdomadaire français, Paris Match, en évoquant le choc des photos. Ce sont elles qui ont définitivement sonné le glas de l’image de libérateur que Bush veut donner à sa guerre. Si les photos de la démolition des statues de Saddam Hussein ont fait le tour du monde, celles de la destruction de la sinistre prison d’Abou Graib seront les seules à pouvoir démontrer au monde arabe et occidental que la torture ne fait pas partie de l’arsenal politique de Washington.
Autre victime de ce scandale, selon la Süddeutsche Zeitung : Tony Blair. Si, pendant un temps, la propagande britannique a su faire passer les soldats britanniques pour de meilleurs occupants que les GIs, désormais la légende est éventée : il y a eu aussi des tortionnaires chez les Britanniques. Et la violence à Bassorah n’est en rien différente de celle de Bagdad. Blair ne vaut pas mieux que Bush et se trouve donc tout aussi responsable que lui des flambées anti-coalition des milices irakiennes.
La Frankfurter Rundschau enfin relève que le désastre moral dans lequel se trouve la super-puissance d’outre-atlantique n’a pas encore révélé toutes ses dimensions. La soldate Lynndie England ne s’est pas trouvée « au mauvais moment au mauvais endroit » comme elle essaie de le faire croire, elle est le fruit d’une politique qui, si elle n’a pas commandé explicitement ces sévices, a tout fait pour qu’ils se produisent. Aujourd’hui, conclut le journal, le problème n’est pas d’être pour ou contre l’Amérique. La question est de savoir comment se comporter vis-à-vis d’une nation qui s’arroge un privilège de leader au nom de valeurs qu’elle foule au pied dans le même temps. Joschka Fischer a déjà donné la réponse à ce dilemme : le pouvoir ne vaut que dans le cadre du droit qui justifie ces valeurs. Et aucune diplomatie au monde ne justifie de renoncer à marquer les limites du droit, conclut le journal.