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Le recyclage des déchets électroniques en Afrique

Philippe Pognan4 septembre 2015

Agbogbloshie, c'est le nom du quartier situé près de la lagune Korle en bordure de la capitale ghanéenne Accra. Mais ce quartier a aussi un surnom : "Sodom et Gomorrhe."

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Elektroschrott Export nach Ghana
Image : picture-alliance/dpa

Ce surnom de "Sodom et Gomorrhe", il le doit à son immense décharge de déchets d'une étendue de plusieurs kilomètres carrés.

Le quotidien Berliner Zeitung décrit les colonnes de fumée noire qui assombrissent l'atmosphère au dessus du terrain boueux. Des hommes, beaucoup d'enfants aussi dont certains n'ont même pas dix ans, fouillent les détritus entre les nuages toxiques et nauséabonds. Ils se nomment eux-mêmes „Charognards“, viennent de pays voisins ou bien de régions musulmanes pauvres du nord du Ghana , et sont contents s'ils peuvent gagner 2 dollars par jour. Dès qu'un camion vient décharger sa cargaison d'ordures , ils se précipitent et trient ce qu'ils cherchent : les cartes mère des ordinateurs qu'ils jettent sur un tas , les câbles dont ils brûlent les gaines plastiques sur place, les composants en cuivre qu'ils arrachent des écrans.

Agbogbloshie est considéré par les experts comme le plus grand terril pour déchets électronique au monde : un immense cimetière pour téléviseurs, ordinateurs, portables , tablettes ou claviers. Chaque année pas moins de 215 000 tonnes d'appareils électroniques usagés ont débarqués dans le port tout proche de Tema. 85% proviennent d'Europe, le reste vient d'Afrique du Nord, des Etats-Unis ou de Corée du Sud.

Dans plus de trois quarts des cas, il s'agit d‘objets irréparables. Mais ces appareils sont déclarés officiellement comme étant de seconde mains et en fonction, afin de détourner les règles européennes interdisant l'exportation de tels déchets et les règles africaines en interdisant l'importation.

Elektroschrott in Afrika
Un jeune garcon transporte son "butin" dans une carcasse d'ordinateurImage : picture-alliance/ dpa
Die 10 verschmutztesten Orte der Welt - Agbogbloshie in Ghana
Agbogbloshie, un haut lieu de la pollution au GhanaImage : Blacksmith Institute


Au Ghana, le gouvernement considère cette sorte de recyclage avec des sentiments mitigés. Le démontage des vieux ordinateurs, télévisions et portables assure de nombreux emplois. Dans toute l'Afrique de l'Ouest, plus de 30.000 personnes font vivre leurs familles avec le recyclage des déchets électroniques. Rien qu'au Ghana, la vente de cuivre, d'argent, d'or, d'aluminium ou d'indium récupérés sur ces appareils électroniques se chiffre à un montant global de 250 millions de dollars par an,souligne l'éditorialiste. Cependant face à cet aspect pécuniaire positif, il existe un aspect très négatif, à savoir les conséquences pour la santé des gens qui, en brûlant les composants plastiques, sont soumis aux émissions nocives de mercure, de plomb, de dioxine, d'arsenic et de bien d'autres encore. Et, s'insurge le quotidien, les "charognards" , les recycleurs de „Sodom et Gomorrhe“ souffrent de maux de tête chroniques, de malaises et d'insomnies et de nombreux d'entre eux sont atteints de cancers avant même d'avoir 20 ans !"

Die 10 verschmutztesten Orte der Welt - Agbogbloshie in Ghana
De nombreuses substances toxiques sont un risqué élevé pour la santé de ceux qui "recyclent" les déchetsImage : Blacksmith Institute

La photo qui fait mal

Une photo suscite une émotion internationale et une vague d'indignation à travers le monde entier: celle montrant le corps sans vie d'Aylan Kurdi, un petit garcon de trois ans, échoué sur une plage de Bodrum en Turquie après avoir tenté avec sa famille de rejoindre les côtes de l'Union européenne.

„Cette image restera gravée dans la mémoire de tous ceux qui l'ont vue, assure le quotidien Tagesspiegel de Berlin. Et elle ressurgira à chaque fois que des mots tels que réfugiés économiques ou faux demandeurs d'asile seront prononcés, quand on parlera de quotas et d'immigration excessives. Tous ceux qui, jusqu'ici, ont ressenti le débat sur les migrants comme un débat abstrait qui ne les concernent pas, ne peuvent aujourd'hui prétendre ne pas savoir de quoi il s'agit : ces enfants, ces femmes et ces hommes innocents qui fuient persécutions et guerres civiles, qui quittent la Syrie, l'Afghanistan ou l'Erythrée tentent désespérément de sauver leurs vies ".

Griechenland Flüchtlingsboot startet Richtung Lesbos
Chaque jour, des migrants perdent la vie en tentant la traversée de la Méditerranée. Ici un canot pneumatique en route pour l'île grecque de LesbosImage : Reuters/M. Sezer

La photo du petit garçon syrien rappelle à l'éditorialiste du quotidien Südwest Presse, une autre photo, tristement célèbre: celle de cette petite fille vietnamienne nue qui, en 1972, court sur une route, le visage criant une douleur indicible, le corps brûlé par une attaque américaine au napalm: "Cette photo a changé le regard du monde sur la guerre du Vietnam. Une photo qui brise tous les tabous et qui en fait n'aurait jamais dû être publiée, mais qui a aidé à mettre fin à cette guerre. Peut-être, espère l'éditorialiste, l'image de Aylan mort sur une plage de Méditerranée, aidera à mettre fin aux discussions indignes des Européens..."

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La famille et les amis de la famille d'Aylan Kurdi devant les cercueils d'Aylan, de son frère et de sa mèreImage : Getty Images/AFP/Stringer

Le quotidien Die Welt évoque le fait que certains médias n'ont pas voulu publier la photo du petit Aylan et justifie la publication de l‘image:

"Un mort ne peut être regardé que par ceux que cela concerne. Or,cette mort nous concerne tous, écrit l'un des éditorialistes; et c'est pourquoi il est juste de confronter l'opinion publique mondiale à l'image du garçonnet syrien mort noyé sur la plage de Bodrum. Plusieurs milliers de migrants sont déjà morts noyés en Méditerranée , ils font partie d'une effroyable réalité que nous nous devons de regarder en face, parce que nous faisons partie de cette réalité. Nous, Européens sommes particulièrement concernés, parce que malgré toutes nos richesses, nous ne sommes pas en mesure d'accueillir ceux qui fuient une horrible guerre civile et de leur offrir de l'aide et un refuge sûr."

Pourquoi publier une telle photo ? s'interroge la Frankfurter Allgemeine Zeitung. "La dignité humaine du petit Syrien a déjà été foulée au pied de son vivant !“ souligne le quotidien. Par un régime, qui a chassé sa famille de son pays. Et par des passeurs qui sans état d'âme s'enrichissent en entassant des hommes, des femmes et des enfants dans des camions ou des bateaux surchargés. Est-ce que les orgies de violences à la télévision et sur internet nous ont déjà tellement blasés que nous ne pouvons mesurer l'ampleur de la tragédie que si nous voyons des images d'enfants morts sur la plage ?s'indigne l'éditorialiste.

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A Kobané le choc et le deuil sont vifsImage : Reuters/R. Said