1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Mahamat Saleh Annadif : "la brigade d'intervention rapide peut être une solution"

21 décembre 2021

Pour le patron du bureau de l'Onu pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel, cette brigade a eu de bons résultats en RDC. Mais les pays du Sahel doivent en faire une demande expresse.

https://p.dw.com/p/44fl0

Le diplomate tchadien Mahamat Saleh Annadif est depuis neuf mois environ le représentant spécial du secrétaire général de l'Onu et chef du bureau des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel. Celui-ci regrette les coups d'Etat dans la région.

Il souhaite que la parenthèse se referme et que la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) redevienne un espace où fonctionne l'alternance démocratique.

Mahamat Saleh Annadif réagit également au terrorisme qui touche les pays du Golfe de Guinée. 

Les violences dans le Sahel en 2020
Les violences dans le Sahel en 2020

DW : Alors que les pays du Sahel, notamment le Burkina Faso et le Niger, subissent fréquemment des attaques djihadistes, leurs voisins du Golfe de Guinée commencent eux aussi à subir des attaques. Que fait l'Onu face à ce pourrissement de la situation ?

Mahamat Saleh Annadif : C'est une raison de plus, qu'il ne faudrait pas voir cette crise sécuritaire uniquement au niveau sahélien. Et là, je suis content de constater qu'au niveau des responsables des pays du Golfe de Guinée, il y a une prise de conscience réelle. Et des actions anticipatives comme l'initiative d'Accra répondent bien à cette problématique. 

Désormais, la crise doit être vue sous l'angle régional. Et les Nations unies, à travers un certain nombre d'agences, dont le PNUD, ont initié ce qu'on appelle le programme de stabilisation immédiate, à savoir accompagner les Etats pour qu'ils puissent sécuriser une certaine zone et dès qu'on sécurise une zone, les agences viennent et on fait un projet de développement pour réinstaller ces populations. 

>>> Lire aussi : Mali : l'absence de l'Etat, le sujet qui fâche

C'est une expérience au niveau du bassin du lac Tchad que nous sommes en train de transposer au niveau du Liptako-Gourma et qui commence à donner des preuves. Mais elle doit se faire avec une montée en puissance des forces de défense et de sécurité de ces pays pour autant que possible sécuriser un certain nombre d'espaces, regrouper les populations pour qu'on puisse les secourir.

DW : Certains ont évoqué la brigade d'intervention rapide sous couvert de l'ONU, qui a eu de bons résultats dans l'est de la RDC. Concernant l'Afrique de l'Ouest, est-ce que c'est quelque chose qui est aussi envisageable ?

Une patrouille de l'armée francaise sur une piste rurale dans le nord du Burkina Faso (Archives - 11.11.2019)
Le Burkina Faso fait face aux violences djihadistes depuis 2015Image : Michel Cattani/AFP

Mahamat Saleh Annadif : Aujourd'hui, la revendication principale des pays de la sous-région, cite l'exemple effectivement de cette brigade spéciale qui a été initiée en RDC il y a une dizaine d'années, face au M23, qui était une rébellion qui s'est déclarée dans l'est de la RDC. 

Et il y a eu cette brigade qui a eu un mandat spécial, spécifique de lutte antiterroriste. C'est que les missions de paix classiques n'ont pas. Et elle a produit des résultats positifs. 

Mais c'est une décision souveraine du Conseil de sécurité. Jusque là, les pays de l'Afrique de l'Ouest l'ont tout simplement évoquée. Mais il n'y a eu aucune demande officielle, ni de l'Union africaine, ni de pays de la sous-région au niveau du Conseil de sécurité pour instituer une telle brigade. 

Ça peut être effectivement une solution. Et les pays, indépendamment des Nations unies, ont une certaine responsabilité qu'ils doivent assumer en essayant de s'adapter à cette nouvelle menace.

DW : Monsieur Mahamat Saleh Annadif, la région de l'Afrique de l'Ouest et du Sahel est aussi marquée par les transitions post coup d'État. Les autorités maliennes de la transition ont signifié récemment qu'elles ne respecteraient pas l'échéance prévue d'élections en février 2022. Alors, qu'est-ce que vous en pensez ?

Mahamat Saleh Annadif : La Cédéao, jusque là, continue de mener ses négociations et les Nations unies appuient et accompagnent la Cédéao dans ses initiatives. 

DW : Est-ce que vous soutenez justement la pression exercée actuellement par la Cédéao, qui exige que les militaires ou les transitions soient le plus court possible et que les militaires rejoignent les casernes ? Qu'il y ait des autorités élues ?

Les dirigeants de la Cédéao à Abuja, siège de l'organisation
La Cédéao défend le principe du respect de l'ordre constitutionnel dans ses pays membresImage : Präsidentschaft von Niger

Mahamat Saleh Annadif : Oui, ça, c'est un principe que les Nations unies ont toujours soutenu dès le départ. Rien ne peut justifier un coup d'Etat, même si les gens essaient de le justifier. Nous disons que s'il y a eu un coup d'Etat, il faut que les militaires aient un agenda clair. 

Pour nous, la Cédéao est l'organisation sous-régionale en charge de cela et les Nations unies appuient.

DW : L'année 2022 va être marquée sans doute par le prolongement de ces situations d'instabilité. Croyez-vous que les élections qui seront organisées vont être des élections qui ne seraient pas crisogènes non plus, et qu'elles vont être bien organisées ?

Mahamat Saleh Annadif : Je souhaite tout simplement que d'abord, il y ait des élections, qu'il y ait des élections le plus inclusif possible. 

Je souhaite également qu'il n'y ait plus d'autres coups d'État en 2022 et qu'on puisse fermer cette parenthèse et que la Cédéao redevienne cette sous-organisation exemplaire, modèle tant en termes d'intégration et d'alternance démocratique, tel que nous l'avons connu en tant que communauté économique régionale en charge de l'intégration.

DW : Vous parlez d'alternance démocratique. Donc, c'est un véritable problème dans cet espace où les règles constitutionnelles sont modifiées sans consensus, où la justice est parfois instrumentalisée ?

Mahamat Saleh Annadif : Tout cela englobe ce que j'ai appelé turbulence. 

Que l'année 2022 ne puisse connaître aucun coup d'État et que ceux qui sont actuellement en cours puissent déboucher sur des élections pour que des civils prennent les rênes de leur pays.