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"Il y a des clubs de Ligue 1 qui sont en danger"

Sophie Serbini
11 décembre 2020

La crise des droits télé continue de faire rage en France, au point de menacer l'existence même du championnat.

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Avec l'arrêt prochain de Mediapro, la Ligue 1 est plongée dans la crise
Avec l'arrêt prochain de Mediapro, la Ligue 1 est plongée dans la criseImage : Franck Fife/AFP

DW : Pierre Rondeau, vous êtes économiste du sport et codirecteur de l'Observatoire du Sport Jean-Jaurès. En France, l'affaire des droits télé de la Ligue 1 de football est loin d'être terminée. La chaîne Mediapro aurait annoncé devant ses salariés qu'elle pourrait cesser d'émettre dans les prochaines semaines, laissant donc le championnat sans diffuseur. Une situation dans laquelle le gouvernement français refuse de s'immiscer.

Pierre Rondeau : On sait en coulisses, depuis le départ, que Vincent Labrune, le président de la LFP (Ligue de Football Professionnel, ndlr) a cherché un soutien auprès du pouvoir français, de l'Elysée et en particulier d'Emmanuel Macron, le président, grand fan de football. Depuis le début de cette crise, il a espéré que l'État français intervienne en faveur de la Ligue et en faveur du football français. Malheureusement, on a appris que tant du côté du ministère des Sports que de l'Élysée, que le gouvernement n'allait pas intervenir.

Emmanuel Macron aux côtés de Gianni Infantino lors de la finale de la Coupe du monde 2018
Emmanuel Macron aux côtés de Gianni Infantino lors de la finale de la Coupe du monde 2018Image : Imago Images/J. Huebner

DW : L'État français refuse donc de se mêler de cette situation, mais un ancien président de la République est lui très actif sur le dossier.

Pierre Rondeau : Nicolas Sarkozy s'est immiscé dans le dossier et a fait jouer son carnet d'adresses pour trouver des solutions. On le sait très ami de Vincent Bolloré, le dirigeant de Canal +. Il est aussi très proche de Nasser al-Khelaifi, le président du PSG mais aussi de beIN Sports, diffuseur de football. 

Nicolas Sarkozy et Nasser al-Khelaifi lors d'un match du PSG
Nicolas Sarkozy et Nasser al-Khelaifi lors d'un match du PSGImage : Nicolas Gouhier/abaca/picture alliance

DW : Si la situation ne se débloque pas d'ici quelques semaines, est-ce que les matchs de la deuxième partie de saison pourraient ne pas être diffusés en France, pour la première fois depuis des décennies ?

Pierre Rondeau : Dans le code du sport, il est stipulé qu'une ligue de sport professionnel doit faire jouer les règles de la concurrence pour mettre en vente ses droits de retransmission. Si la ligue récupère donc, d'ici quelques semaines, les droits de diffusion détenus actuellement par MediaPro, la ligue serait obligée d'organiser un appel d'offres pour trouver un nouveau diffuseur. Sauf qu'un appel d'offres dure en moyenne six mois, il faut six mois pour l'organiser. Donc admettons que la ligue récupère les droits en janvier, elle aurait six mois pour trouver un nouveau diffuseur. On pourrait donc s'attendre à ce que la fin de saison, les six derniers mois ne soient pas diffusés si Mediapro venait à perdre son contrat.

Jaume Roures, le patron de Mediapro
Jaume Roures, le patron de MediaproImage : Olivier Corsan/MAXPPP/dpa/picture alliance

DW : Quelle que soit l'issue de cette crise, le football français a déjà perdu des centaines de millions d'euros dans cette affaire et certains clubs sont clairement en danger.

Pierre Rondeau : Pour l'instant, au 6 octobre, nous étions sur un versement non-versé de 172 millions d'euros. A celui-ci s'ajoute un autre de 152 millions d'euros qui devait être payé au 5 décembre. Le manque à gagner est donc de 324 millions d'euros pour les clubs français. Donc ils sont très inquiets et certains s'inquiètent même d'un dépôt de bilan dès l'année 2021.

 

Propos recueillis par Sophie Serbini.