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Fritz Roth, entrepreneur de pompes funèbres

8 juin 2010

Accepter la mort comme partie intégrante de la vie. C’est le message qu’aimerait transmettre Fritz Roth. Agé de 60 ans, il dirige une entreprise de pompes funèbres, mais il se considère aussi comme un aumônier.

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Fritz Roth

C’est dimanche. Comme souvent, Fritz Roth célèbre des obsèques. Mais cette fois, c’est différent : c’est un proche qu’il enterre.

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Une expérience précoce de la mortImage : DW

Pour ce jovial Rhénan de 60 ans, être entrepreneur de pompes funèbres est une vocation. Depuis plus d’un quart de siècle, il dirige de la maison Pütz-Roth, dans la ville de Bergisch-Gladbach. Sa réputation va bien au-delà de la région : « Ce qui est important pour moi, c’est de faire accepter la fin de vie, la mort et le deuil comme des moments de l'existence » C’est pour cette raison qu’il a créé le premier cimetière privé d’Allemagne.

Le centre funéraire se trouve dans une jolie propriété, avec un petit jardin bien soigné. De l’extérieur, cela ressemble à un hôtel de campagne coquet. Durant la conversation, Fritz Roth se montre enthousiaste pour la tâche qui lui tient à cœur : accompagner les personnes endeuillées durant la cérémonie de l’enterrement. « Je veux donner aux gens le courage d’appréhender la mort », ajoute-t-il.

Une vie consacrée à la spiritualité

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Accepter la mort comme une part de la vieImage : DW

Fritz Roth parle comme un aumônier. Et c’est aussi comme cela qu’il se voit – cela vient en partie de son histoire : quand Fritz Roth avait 10 ans, des missionnaires catholiques lui donnèrent le goût de la vie monastique, grâce au pouvoir séducteur d'un terrain de foot et d’une piscine. Fritz Roth passa neuf ans dans le monastère de Steyl en Hollande. Il était certes enthousiaste à l'idée de découvrir de nouveaux horizons. Mais il ne voulait pas mener une vie de célibat.

Après ces années passées au monastère, Fritz Roth partit faire des études de gestion à Cologne. Puis son beau-père lui fit une proposition : un de ses vieux amis cherchait un successeur pour son entreprise de pompes-funèbres. Le beau-père avait presque assuré que son gendre reprendrait volontiers l’affaire.

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La salle des souvenirsImage : DW

C’est cette histoire qui se termine ce dimanche. Car ce sont justement les funérailles de son beau-père que Fritz Roth organise aujourd’hui au cimetière privé, cet homme qui d’une certaine manière en a fait un homme de pompes funèbres. « C’est un jour particulier pour moi, car j’ai retrouvé dans ma propre expérience tout ce que je veux transmettre pour que la culture du deuil évolue. »

Un garçon au milieu des filles

Fritz Roth est né en 1949 dans la ferme de ses parents à Eikamp, dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie. Seul garçon, il a grandi au milieu de quatre sœurs, « comme si j’avais gagné au loto », se réjouit-il. Tout le monde le chouchoute, à commencer par la grand-mère, qui obéit à tous ses caprices. Elle meurt quand Fritz Roth a six ans. Un épisode qui a marqué sa vie. « Je pouvais tenir la main de ma grand-mère décédée », raconte-t-il presque joyeux. C’est ainsi qu’il a pu comprendre qu’elle ne lui ferait plus jamais de chocolat chaud, plus jamais de pudding. Il comprit alors le sens véritable des mots « mort » et « vivant ».

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Réappropriez-vous la mort, invite Fritz RothImage : DW

Aujourd’hui encore, Fritz Roth trouve très étrange la manière qu’ont les enfants de faire leur deuil. « Ils montrent leurs sentiments. Ils crient en disant qu’ils veulent garder leur Mamie, puis ils se retournent et réclament une glace ! »

Fritz Roth aussi a fait l'expérience de la mort dès l'enfance : après lui, ses parents ont perdu quatre enfants, morts à la naissance. Dans la ferme parentale, parmi les poules, les cochons et les vaches, Fritz a vécu le bonheur comme un « sentiment de sécurité. Nous mangions tous ensemble sur une grande table. Ensuite je grimpais sur les épaules de mon père, qui était chauve, comme moi aujourd’hui. Puis on racontait des histoires. »

Son père avait une vraie sensibilité pour les choses culturelles. Lors des promenades en forêt, il lui parlait de châteaux et d’êtres fabuleux. « Il m’a transmis cette imagination et cet amour de l’art », ajoute Fritz Roth. « L’art nous offre des images. Avec elles nous pouvons exprimer ce que nous avons du mal à comprendre. » Comme la vie, ou la mort.

Fritz Roth est convaincu que la société moderne a besoin de revenir à plus de spiritualité. Quand on lui demande ce que cela signifie, il répond : « Réappropriez-vous la mort ! » Puis il cite ces vers du poème « Memento » de la de la poétesse juive allemande Mascha Kaléko : « Avec notre mort, il suffit de mourir. Mais c’est avec celle des autres qu’il faut vivre. »

Auteur : Jose Ospina-Valencia
Traduction : Aline Ranaivoson
Edition : Anne Le Touzé