De l'absurdité du colonialisme
26 janvier 2011Voici pour commencer un extrait parlant du roman: "Tu as beaucoup fait pour faciliter l'oeuvre de la France dans ce pays. Tu as donné tes terres aux missionnaires, tu avais donné tes deux fils à la guerre où ils ont trouvé une mort glorieuse... (Il essuya une larme imaginaire.) Tu es un ami."
C'est de là que part toute l'histoire. Meka, le vieux nègre du titre, se voit décerner une médaille par les colons, pour le remercier de ses sacrifices. Une décoration absurde, qui va faire entrer Meka, villageois naif, en contact avec le monde inconnu des Blancs.
Ce roman a été écrit en 1957, donc avant l'accession du Cameroun à l'indépendance, or il préfigure magistralement les bouleversements qui attendent le pays de Ferdinand Oyono.
Un style caractéristique
Dans son roman, Ferdinand Oyono use d'un style alerte et très drôle…plein d'effronterie. Il n'hésite pas à mettre en boîte les Blancs, bien sûr, les colons, qui sont présentés comme un groupe vil, sans visage distinct. C'est-à-dire exactement comme les Noirs ont longtemps été représentés dans la littérature européenne : comme faisant en quelque sorte partie du décor, mais sans personnalité propre, ils symbolisent un système. Mais ce regard acerbe d'Oyono sur les Blancs ne l'empêche pas de se moquer aussi des Noirs, irrésistiblement naïfs au début de l'histoire, mais qui évoluent au fil du roman vers une prise de conscience politique.
La rencontre entre deux mondes
Les deux mondes qui s'entrechoquent dans le roman, celui des colons et celui des colonisés, ne peuvent pas cohabiter. Ils ne se parlent et ne se comprennent pas. Finalement, ce roman de Ferdinand Oyono, est une sorte d'initiation du candide Meka et, à travers lui, de sa communauté. Grâce aux épreuves qu'ils traversent, les Camerounais perdent leurs dernières illusions et comprennent l'intérêt de se solidariser, pour conquérir la liberté qui leur revient de droit.
Auteur: Sandrine Blanchard
Edition: Jean-Michel Bos