Accès aux toilettes : des milliards de personnes en manquent
19 novembre 2020Les Nations unies organisent la journée mondiale des toilettes ce jeudi 19 novembre. L'utilité de toilettes conformes aux règles d'hygiène ne s'est jamais fait sentir autant que durant l'actuelle pandémie de Covid-19.
Pour une partie du monde, le lavage fréquent des mains à l'eau et au savon, précaution de base recommandée, est une simple routine.
Mais cela représente un luxe pour d'autres qui ne disposent pas d'eau potable et d'installations sanitaires. Pourtant l'accès à des toilettes dignes fait partie des objectifs de développement durable.
Un investissement rentable
Pour atteindre cet objectif numéro 6 du développement durable de l'ONU, il faudrait investir dans la construction d'installations sanitaires chaque année jusqu'en 2030.
Le coût annuel de l'installation de sanitaires basiques est estimé à 36 milliards de dollars. Des installations de qualité coûteraient par an 105 milliards de dollars.
Cela paraît beaucoup. Mais l'enjeu est grand : les sanitaires interviennent dans la collecte, le traitement et l'évacuation des déjections, ainsi que le traitement de l'eau pour éviter le développement de bactéries dangereuses.
En dehors des bienfaits sur le plan de la sauvegarde de l‘environnement, les équipements sanitaires protègent contre des maladies telles que la diarrhée, responsable d'1,66 million de décès en 2016 dont près de 500 sont des enfants de moins de cinq ans.
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Les populations les plus vulnérables se trouvent notamment dans les zones rurales, les bidonvilles, les camps de réfugiés ou d'autres centres de prise en charge à l'instar de SOS Village d'enfants en Centrafrique.
Tatiana Moussoa, Manager en développement de programmes pour SOS Village d'enfants en Centrafrique pense qu'effectivement, "l'accès aux toilettes est un problème d'une manière générale en ce qui concerne la République centrafricaine".
Au sein de SOS Village d'enfants, "on peut dire que nous veillons à ce qu'il y ait la qualité", assure-t-elle. "Au sein des foyers des jeunes, le défi s'exprime en terme de disponibilité de l'eau. Maintenant dans le programme de renforcement de la famille où nous assistons des enfants au sein de leur famille biologique, on se rend compte que dans certains quartiers, il n'y a presque pas de toilettes ou s'il y en a, elles sont utilisées par deux ou trois maisons dans le voisinage. Donc nous les encourageons à ne pas laisser les enfants déféquer autour des maisons", explique aussi Tatiana Moussoa qui insiste particulièrement sur la situation des filles à l'école.
En effet, beaucoup d'écoles n'ont pas de toilettes. "Et dans nos actions, nous veillons au genre, c'est-à-dire que nous faisons en sorte que les filles n'aient pas de problèmes quand elles veulent aller aux toilettes", souligne la travailleuse sociale.
Les ONG à l'oeuvre, plutôt que les Etats
Malgré tout, la fourniture de sanitaires n’est pas encore perçue comme étant une priorité par certains décideurs politiques.
Dans certains pays, c’est l’affaire des donateurs privés ou d’organisations comme l’Association sénégalaise de normalisation (ASN) qui œuvre pour un accès de tous à des services d’assainissement de qualité.
Claude Roger Dione, expert en normalisation, spécialiste en Management de qualité et en audits est le responsable de la "Division chimie et environnement" à l'ASN. Pour lui, "les ONG viennent et produisent plus de résultats que nos propres institutions qui sont chargées de faire le travail".
Concrètement, il évoque la fondation Bill et Melinda Gates, l'USAID ou WASH, qui "viennent se positionner en tant que partenaires financiers. Or il ne devrait pas en être ainsi ! Car ce sont des questions de souveraineté qui devraient être une priorité. L'appui non négligeable de ces organisations est tellement ancré, qu'elles deviennent presque indispensables", se désole Claude Roger Dione.
Plus de 4 milliards de personnes dans le monde sont sans accès à des toilettes conformes aux critères standards. Pourtant, quand on compare les coûts aux revenus des Etats, il suffirait d'investir en moyenne 24 dollars par personne dans le monde pour atteindre l'objectif de l'accès de tous à des toilettes dignes. En Afrique subsaharienne, cela fait 2,47% du PIB de cette région.
Cette ressource ne devrait pas manquer, car les dépenses militaires par exemple sont bien plus élevées.
En plus, selon Guy Hutton, Conseiller à l'Unicef en matière d'assainissement, 1 dollar investi dans les toilettes permet d'économiser entre 4 et 5 dollars de frais médicaux.
Toilettes et changement climatique sont liés
La négligence de ce volet du développement humain retarde l'accès pour tous à l'assainissement alors que le changement climatique aggrave la situation.
Les inondations peuvent, par exemple, endommager les toilettes précaires et répandre les déjections dans les cultures vivrières, provoquant des maladies mortelles et chroniques. Assainissement durable et changement climatique, c'est d'ailleurs le thème cette année de la journée mondiale des toilettes.
Dans un rapport publié à l'occasion de la journée mondiale des toilettes, l'organisation mondiale de la santé et l'Unicef mettent l'accent sur le lien entre l'investissement dans le sanitaire et la protection de l'environnement, le développement économique et la santé.