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"Il faut enterrer la hache de guerre et aller aux élections"

Jean-Fernand Koena
23 décembre 2020

Le cardinal Dieudonné Nzapalainga lance un appel à l’apaisement et demande aux deux camps de dialoguer. L'option militaire n'est pas toujours la solution.

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Environ 1,8 million d'électeurs sont appelés le 27 décembre à désigner un président et 140 députés.
Environ 1,8 million d'électeurs sont appelés le 27 décembre à désigner un président et 140 députés.Image : DW/C. Strack

En Centrafrique, le processus électoral est perturbé par des affrontements entre groupes rebelles et les forces gouvernementales. Ils mènent une offensive qualifiée de"tentative de coup d'État" par le gouvernement. Ces groupes armés occupent plus des deux tiers du pays. Á quelques jours des élections la situation est tendue.

DW : Cardinal bonjour Dieudonné Nzapalainga. La campagne électorale est marquée par la violence en Centrafrique. Est-ce que le processus est dans l’impasse ?

Cardinal Dieudonné Nzapalainga : Nous avons la triste réalité de constater qu’actuellement, dans beaucoup d'endroits, les candidats avec des projets de société ne peuvent pas s’y rendre parce qu’ils n'ont pas accès à la population. Nous ne pouvons que déplorer cette situation car au début on était tous d'accord de donner la chance à tout le monde. Que tout le monde soit au même pied d'égalité. C’est à dire la possibilité à chaque candidat d'aller dans les villes pour présenter son projet de société et solliciter le suffrage universel. Or, nous constatons que dans certaines localités, il y a des difficultés. Je vais simplement demander à ceux qui décident de perturber ou ceux qui ont pris des armes de donner la chance à la population de pouvoir s'exprimer. Car en démocratie, si on veut sanctionner une personne, c'est à travers les urnes, pas avec les armes.

La procureure de la Cour pénale internationale appelle toutes les parties au calme et à la retenue.
La procureure de la Cour pénale internationale appelle toutes les parties au calme et à la retenue. Image : Camille Laffont/AFP

DW : Devant la situation que vous venez de déplorer, l’opposition au sein de la COD-2020 demande le report des élections et le gouvernement maintient le scrutin le 27 décembre. Ces deux positions extrêmes ne rendent- t- elles pas crisogènes les élections ?

Cardinal Dieudonné Nzapalainga : Chacun a ses logiques et son agenda pour prendre cette position. Je ne suis pas dans leur QG pour vous dire quelle option, quelle logique les a conduits à cette décision. Mais nous constatons, nous écoutons cela.

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Nous devons pousser les uns et les autres à enterrer la hache de guerre et aller aux élections pour pouvoir choisir un président, choisir nos députés et commencer une nouvelle expérience démocratique. Or, actuellement, on sent une crise et nous pensons que le peuple a beaucoup souffert. Le peuple souffre encore. Je reviens de l'intérieur du pays. Beaucoup de gens, depuis qu’on a déclenché ces événements, vivent en brousse. Est-ce que nous pensons à ces gens-là ? Ils ne pourront même pas sortir pour voter. Pourtant, c’est des Centrafricains. Ils s'étaient inscrits et maintenant pris par la peur ils ne pourront pas. Tout cela nous pousse à dire que nous devons parfois regarder l'intérêt national, dépasser nos particularités et dire nous voulons la paix. Nous voulons la démocratie. Nous voulons sauver la maison commune qui est la République centrafricaine.

La Russie a envoyé 300 instructeurs militaires supplémentaires en Centrafrique
La Russie a envoyé 300 instructeurs militaires supplémentaires en Centrafrique Image : Xinhua/picture alliance

DW : Le gouvernement, face à la dégradation du tissu sécuritaire, fait appel au Rwanda et la Russie. Toutes les parties sont sur le pied de guerre. Quel est votre appel aux forces en présence ?

Cardinal Dieudonné Nzapalainga : Je lance un appel à tous les Centrafricains d'être habités par le désir de paix, d'enterrer nos haches de guerre, de pouvoir nous regarder en face, engager le dialogue aussi faire des sacrifices. Quand la nation est menacée dans son for intérieur, on doit tous dépasser nos particularités et dire que nous parlons un seul langage. Demain, vous allez hériter de quelle nation si cette nation est en lambeaux ? Donc on a intérêt à sauver ce qu’on appelle la maison commune pour pouvoir demain diriger dans de bonnes conditions. Mon appel, c'est de demander à tous les Centrafricains de pouvoir se regarder comme des frères, discuter et chercher des solutions. Nous avons vu toujours des gens venir de l'extérieur pour nous aider est-ce qu'ils nous ont vraiment aidés? Ce sont des questions réelles qu'on se pose.

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Alors si la solution à nos problèmes n'est pas que militaire, je demande donc qu’on engage aussi le dialogue. Actuellement, on a l'impression qu’on est pris par une paranoïa pour l'option militaire, parce qu'il y a des militaires de part et d'autre, mais les militaires n'ont pas toujours la solution à tout. Ce qui est la solution à tout, c'est vraiment la voie de l'apaisement. La voie de la paix, du consensus, de l'estime et de la rencontre.

DW : L'histoire nous apprend que la République centrafricaine a connu plusieurs crises et la majorité de ces crises tire leur origine de la contestation électorale. Nous sommes devant une situation qui peut aussi illustrer une nouvelle crise. Y a-t-il une issue, selon vous, de trouver une solution négociée pour faire l'économie de la crise postélectorale ?

"Le peuple a beaucoup souffert et souffre encore"

Cardinal Dieudonné Nzapalainga : Devant cette situation, un impératif national peut nous pousser à dire bon regardons ensemble puisqu’il y avait le début de dialogue, il y avait des rencontres qui se passaient pour voir, apprécier ensemble la situation. C'est notre point de vue. Aussi voir les difficultés éventuelles et comment contourner et proposer. Personne n’a l'unique solution pour relever ce pays. Chacun peut apporter sa contribution et c’est dans notre devoir d'ouvrir les bras, d'ouvrir les espaces pour accueillir les frères et sœurs, chercher des solutions ensemble parce que la voie unique nous laisse parfois dans des impasses.

DW : Cardinal Dieudonné Nzapalainga je vous remercie.

Cardinal Dieudonné Nzapalainga : Je vous remercie aussi.

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