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Nadia Nata estime qu’un dialogue est impérieux au Bénin

Rodrigue Guézodjè
19 mai 2021

L'analyste politique béninoise, Nadia Nata estime qu'une troisième voix est impérieuse pour calmer les esprits dans son pays. Pour l'analyste, l'issue de la présidentielle d’avril 2021 n'a pas pour autant calmé la tension politique au Bénin.

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Cela fait un peu plus d'un mois déjà que le Bénin est sorti d'une élection présidentielle particulièrement tendue, entachée par des violences. Le président sortant, Patrice Talon, a été réélu et s'apprête à prêter serment le 23 mai. Mais, l'issue de cette élection n'a pas pour autant calmé la tension politique dans le pays. Pour nombre d'observateurs, il faut un dialogue national. C'est ce que recommande également Nadia Nata. 

DW : Nadia Nata bonjour. Quelle lecture faites-vous de l'issue de la présidentielle d'avril dernier au Bénin ?

En ce qui me concerne, le bilan est plutôt mitigé parce que c'est quand même la première présidentielle depuis les réformes du système partisan et c'était l'occasion de tester ces réformes, notamment en ce qui concerne le parrainage et le duo présidentiel. Donc, oui, l'élection a eu lieu, mais on peut dire que, par exemple, le parrainage n'a pas empêché des candidatures plus ou moins fantaisistes, à la présidentielle . Hormis ça, on savait que des candidats majeurs de l'opposition ont été écartés. Par ailleurs, le taux de participation est relativement faible parce que c'est quand même près de la moitié de la population qui n'a pas participé au scrutin. Et donc, on observe une certaine apathie qui s'installe. Et ça, c'est observé depuis les législatives et les locales. Donc tout ça doit être pris en compte et il ne faut pas oublier non plus le taux de participation donné par la société civile, même s'il n'est pas officiel.

DW : Alors, il y a eu une vague d'arrestations autour de cette élection et des allégations de préparation de coups pour déstabiliser les institutions. Quel message cela véhicule-t-il pour le Bénin ?

C'est le message d'un pays fortement polarisé qui fait face à des tensions internes importantes. Il s'agit quand même d'accusations graves portées contre des figures majeures de l'opposition et leurs partisans. Et au regard de la situation, au regard des informations qui circulent, on voit qu'il y a une certaine difficulté à avoir une visibilité sur ces différents dossiers en instruction. Il est par conséquent très difficile de se prononcer là-dessus et tout le monde est en attente de la suite de la procédure. Donc, ce qui est quand même attendu de façon générale dans le traitement de ces dossiers, de cette affaire, c'est que ce soit fait en toute transparence et avec professionnalisme.

DW : Lors d'une interview sur des chaînes françaises, le président Patrice Talon a affirmé que certaines  personnes arrêtées auraient bénéficié de l'appui de chefs d'Etats voisins. La tension au Bénin s'est-elle invitée dans les relations extérieures du pays ?

C'est évident que ça ne peut qu'avoir des répercussions sur le plan diplomatique, dans les relations entre ces Etats et le Bénin, et bien au-delà des apparences. Vous savez que la diplomatie, elle est aussi silencieuse et tout n'est pas à porter sur la place publique.

DW : Dans l'une de vos analyses, vous proposiez la troisième voie. Quelle est cette voie ?

Il y a un problème majeur. Il y a une crise politique qui impacte l'ensemble du pays. C'est ça qui est le constat. Et le malaise est profond, bien au-delà de la classe politique. Le vivre ensemble, l'unité nationale, tout a été mis à mal. Il y a eu mort d'hommes. Des familles sont meurtries. Nos forces de défense et de sécurité se sont retrouvées à faire face à des citoyens qu'elles sont censées protéger et à des dégâts matériels considérables. Donc, il y a quand même un impact au sortir de cette élection. Il ne faut pas que ça devienne la nouvelle réalité électorale du Bénin. Donc, il faut agir et on n'a pas encore atteint un point de non-retour. Pas du tout. Donc, il ne s'agit pas d'être dans le déni. Il ne s'agit pas de dire que c'est la responsabilité de telle ou telle catégorie de personnes. Il faut trouver une solution ensemble. Donc, la solution, c'est que la société béninoise dans son ensemble, s'asseye et décide de dialoguer. Donc, il faut un dialogue national, c'est à dire qui aille au-delà de la classe politique. Il s'agit un peu de répliquer le modèle africain de l'arbre à palabre, donc la recherche de solutions doit être faite en synergie, doit être faite en collaboration. C'est ça qui permet une sortie de crise durable et, je suppose, que grâce aux génies béninoises, on va encore une fois pouvoir réinventer collectivement notre modèle démocratique et surprendre les gens qui pensent que nous avons déjà atteint un point de non-retour parce que ce n'est pas le cas. Il ne s'agit pas non plus d'une conférence nationale souveraine bis qui entraînerait un gouvernement de transition ou d'union nationale. Ce n'est pas le cas. Donc, il faut quand même faire la part des choses pour qu'il n'y ait pas amalgame et que c'est ça la troisième voie.

L'analyste potique Nadia Nata prône une troisième voie pour sortir de la crise au Bénin.
L'analyste potique Nadia Nata prône une troisième voie pour sortir de la crise au Bénin. Image : privat

DW : Et qui doit prendre l’initiative de cette troisième voie ?

Ah, vous savez, tout est question de volonté politique et je crois que c'est au plus haut niveau que ça doit se faire.

DW : Quelles seront, selon vous, les priorités pour le président Patrice Talon, dès son investiture, le 23 mai prochain, pour un second mandat ?

C'est justement la réconciliation et le dialogue national qui sont les premières priorités. La deuxième priorité pour moi, c'est aussi de réconcilier le développement et la démocratie parce qu'il faut qu'il y ait plus de projets de développement, comme cela a été le thème de campagne. Plus de développement pour le Bénin. Et en même temps, il faut une consolidation démocratique. Il ne faut plus les opposer, il faut que ça aille de pair et c'est le seul gage de pérennité.

DW : Nadia Nata. Je vous remercie...

C'est à moi de vous remercier. Merci beaucoup.