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Le jugement de Karlsruhe

Christophe LASCOMBES28 juillet 2005

Aujourd’hui, la presse allemande commente unisono le verdict du Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe qui a jugé anticonstitutionnel un projet de loi du gouvernement régional de Basse-Saxe autorisant les écoutes téléphoniques préventives. Un jugement que certains contestent, arguant qu’il rend plus difficile la lutte contre le terrorisme.

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Le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe sert de garde-fou aussi en termes de politique de sécurité.
Le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe sert de garde-fou aussi en termes de politique de sécurité.Image : AP

Faut-il renoncer à une lutte efficace contre ce qui menace actuellement le plus nos démocraties ? s’interroge la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Les écoutes téléphoniques, ainsi que la surveillance par micros et caméras espions, sont certes des moyens nécessaires dont l’état de droit peut user dans la lutte contre la grande criminalité. Mais cela peut aussi se faire en respectant les critères de Karlsruhe.

Pour Die Welt, le projet de loi du gouvernement de Basse-Saxe autoriserait la police à agir sans devoir justifier de ses soupçons auprès d’une instance supérieure indépendante. Le refuser, ne signifie pas automatiquement fermer les yeux devant la montée du terrorisme. C’est du devoir d’un tribunal constitutionnel que de faire la part des choses entre la mission de protection de l’Etat et le respect des droits individuels des citoyens.

La Frankfurter Rundschau relève qu’à partir du moment où la seule supposition que quelqu’un devienne criminel justifie son contrôle, le principe essentiel de la présomption d’innocence est alors renversé, chaque citoyen est donc potentiellement coupable jusqu’à ce que son innocence soit démontrée. La prévention devient alors menace de la liberté.

Prévention, ce mot qui permet toujours de faire ce qui est interdit, critique la Süddeutsche Zeitung. Depuis le 11 septembre, c’est aussi le maître mot en matière de sécurité intérieure et extérieure. C’est aussi avec ce mot que les Américains ont justifié la guerre en Irak. Les juges de Karlsruhe empêchent ainsi la mise en place d’un droit de première classe qui pose de grandes exigences en matière de poursuite criminelle et d’un droit de deuxième classe qui, sous le manteau de la prévention, sape les fondements de l’état de droit.

Pour la Tageszeitung, de Berlin, qu’on ne s’y trompe pas. Les juges de Karlsruhe n’ont pas interdit les écoutes, ils ont seulement supprimé la clause autorisant les enquêteurs à décider seuls de ce que devait être les « circonstances ou faits » pouvant être considérés comme « conditions nécessaires à l’exécution d’actes criminels d’importance ». Le dernier mot en matière de sécurité et de droits individuels est loin d’avoir été prononcé. A preuve, le récent projet de loi des Ministres de l’Intérieur de l’Union d’enregistrer toutes les données téléphoniques et d’Internet pendant trois ans, même en l’absence de soupçon fondé. Dans un tel contexte, le jugement de Karlsruhe mérite une reconnaissance toute particulière, conclut le quotidien.