13 août 1961, la construction du Mur de Berlin
13 août 2009« Rien à signaler » ! C'est à peu près ce que rapportent les gardes-frontières, en ce 11 août 1961. Nous sommes vendredi, et tout le monde se prépare à passer un week-end tranquille. A peine deux jours plus tard, le 13 août 1961, à 1 heure 54 du matin, la face du monde a changé :
"La frontière où nous nous trouvons, l'arme à la main, n'est pas seulement une ligne de démarcation entre un pays et un autre. C'est une frontière entre le passé et le présent"
C'est tout au moins ce qu'explique la propagande est-allemande. En tous cas, c'est la surprise générale dans cette nuit du 12 au 13 août 1961, où près de 15 000 membres des forces armées de RDA bloquent les rues et les voies ferrées qui mènent à Berlin-Ouest. Des troupes soviétiques se tiennent prêtes au combat et se massent aux postes frontières des Alliés. Berlin est alors une ville divisée en quatre secteurs d'occupation – quatre secteurs qui correspondent aux quatre grandes puissances alliées contre Adolf Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale: les Etats-Unis, l'Union Soviétique, la Grande-Bretagne et la France. Deux mois seulement avant la construction du Mur, Walter Ulbricht, président du Conseil d'Etat, l'homme fort est-allemand, assurait encore qu'il n'était pas question d'ériger ce qu'il appellera ensuite une « protection antifasciste »:
Je n'ai pas connaissance d'un tel projet, car les maçons de la capitale sont principalement occupés à construire des logements et y consacrent toute leur force de travail. Personne n'a l'intention de construire un mur. »
Le Mur de Berlin, c'est tout d'abord, en ce 13 août 61, un rideau de fils barbelés qui entourent les trois secteurs occidentaux. Le mur viendra quelque temps après, en béton, sur une longueur de 43 kilomètres, avec chemins de ronde, miradors, alarmes en tout genre. Sa construction est célébrée chaque année en grande pompe par la nomenklatura est-allemande :
« Notre direction a réussi à protéger notre pays, la République Démocratique allemande » - nous dit alors la radio de RDA – « que ce soit juste à côté d'ici, à la Porte de Brandebourg, ou partout où la frontière a été stabilisée par la force du béton… »
Personne ne parle ouvertement des véritables raisons qui ont poussé le régime est-allemand - sous l'égide de l'Union soviétique - à construire le Mur. Et pourtant, elles sont claires : depuis la création de la République Démocratique allemande, en 1949, entre 2,5 et 3,5 millions d'Allemands ont quitté l'Est pour l'Ouest. Jusqu'à la construction du Mur, fuir l'Est ne pose pas de problème majeur, puisqu'il suffit de prendre le métro ou le train pour passer d'un côté à l'autre de la ville. La plupart des citoyens de RDA qui quittent leur pays sont jeunes et éduqués. Le flot massif d'émigration représente donc un danger majeur pour l'existence même du pays. De là le verrouillage de Berlin, dont la mise en œuvre a été assurée par Erich Honecker, alors secrétaire du comité central pour les questions de sécurité :
« Avec la construction du mur de protection antifasciste, nous avons stabilisé la situation politique en Europe, nous avons consolidé la paix. »
Erich Honecker, qui deviendra en 1971 premier secrétaire du Comité central, et ainsi l'homme fort est-allemand. Honecker restera toute sa vie accroché à ses positions anti-réformistes. Et moins d'un an avant la chute du Mur, il déclarait encore.
« Le mur existera encore dans cinquante ou cent ans – tant que l'on ne sera pas venu à bout des raisons qui sont à l'origine de sa construction. »
Mais le 9 novembre 1989, il était clair que le chef du parti communiste de RDA s'était trompé:
« Die Mauer ist weg », « Le Mur est tombé », les Allemands explosent de joie, ce soir magique du 9 novembre…
La joie des Allemands, qui se retrouvent unis il y a 20 ans exactement, ne doit pas faire oublier qu'au moins 136 personnes ont été tuées entre 1961 et 1989 en tentant de franchir le Mur. Il s'agit des résultats d'une étude publiée cette semaine par le Mémorial du Mur de Berlin et le Centre de recherches historiques de Potsdam. Il n'existe pour le moment aucun chiffre officiel du nombre de personnes tuées en dehors de Berlin, le long du Rideau de fer qui séparait la RDA de la RFA, la République fédérale. Les experts estiment le nombre de morts à 1347.